Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 6 février 2006, présentée pour la SNC SOCIETE HOTELIERE GUYANAISE (SHG), dont le siège est situé 5 lotissement Héliconias, route de Badue à Cayenne (97300), par Me Jean-Michel de Forges, avocat au barreau de Paris ;
La SNC SOCIETE HOTELIERE GUYANAISE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 24 novembre 2005, par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre national d'études spatiales (CNES) à lui payer la somme de 22 876 500 € en réparation du préjudice que lui a causé le non-respect par le CNES de ses engagements contractuels ;
2°) de condamner le CNES à lui payer une somme de 28 521 197,50 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter de du 26 novembre 1991, date de sa demande en première instance ;
3°) d'ordonner la capitalisation des intérêts dus au jour de la requête ;
4°) de condamner le CNES à lui verser une somme de 166 699 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2007 :
- le rapport de M. Dronneau, président-rapporteur ;
- les observations de Me Levain, avocat du centre national d'études spatiales ;
- et les conclusions de M. Valeins, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par arrêt du 20 juin 2005, le tribunal des conflits a jugé, sur renvoi du tribunal administratif de Cayenne saisi le 18 septembre 2000 par la SCN SOCIETE HOTELIERE GUYANAISE (SHG), que la juridiction administrative était compétente pour connaître du litige l'opposant au centre national d'études spatiales (CNES) ; que la SNC SHG relève appel du jugement du 24 novembre 2005, par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CNES à lui payer une somme de 150 060 000 F de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à la suite de la rupture fautive par le CNES de leurs relations contractuelles en vue de l'extension et de la rénovation de l'hôtel Diamant à Kourou ;
Sur la recevabilité de la demande de la SHG devant le tribunal administratif de Cayenne :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : « Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité administrative compétente vaut décision de rejet./ Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa (...) » ; qu'aux termes de l'article R. 421-3 du même code : « Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° En matière de plein contentieux (...) » ;
Considérant que, par réclamation du 26 novembre 1991, la SNC SHG a saisi le CNES d'une demande d'indemnisation à la suite de la lettre de ce dernier du 22 juillet 1991 lui faisant savoir que « par suite de contraintes qui se sont imposées au CNES, il n'est plus possible (...) de s'engager sur une garantie d'occupation pour la réalisation de l'extension de l'hôtel Diamant à Kourou » ; que le CNES ayant implicitement rejeté cette réclamation, la SNC SHG l'a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris, le 10 juillet 1992 ; que, par arrêt du 16 mars 1999, la Cour de cassation a confirmé l'arrêt de la cour d'appel de Paris déclinant la compétence de la juridiction judiciaire et invitant la SNC SHG a mieux se pourvoir ; qu'en application des dispositions précitées du code de justice administrative, la SNC SHG restait recevable à saisir sans délai la juridiction administrative de ce litige de plein contentieux, dès lors que sa réclamation du 26 novembre 1991 avait été implicitement rejetée ; que le CNES ne saurait faire valoir utilement que ses positions exprimées devant la juridiction judiciaire seraient constitutives d'une décision explicite de rejet de cette réclamation ; que, par suite, la demande de la SNC SHG, enregistrée le 18 septembre 2000 devant le tribunal administratif de Cayenne, était recevable ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que M. Devidal, gérant en exercice de la SNC SHG, a qualité pour représenter ladite société ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le CNES doit être écartée ;
Au fond :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Factorim, qui avait soumissionné dans le cadre de l'appel d'offres lancé, le 28 juillet 1988, par le CNES pour la rénovation, l'extension et la gestion de l'hôtel Diamant dont il était propriétaire à Kourou, a été informée, par lettre du directeur du centre spatial guyanais en date du 14 décembre 1988, que, conformément à la décision de la commission de choix du 23 novembre 1988, elle avait été retenue « conjointement à la Société SPIG pour la réalisation de l'extension de l'hôtel Diamant » ; que le même courrier précisait que la réalisation du projet devait intervenir avant le 31 décembre 1990 ;
Considérant qu'aux termes de l'alinéa 5 de l'article 300 du code des marchés publics, applicable aux établissements publics de l'Etat autres que ceux ayant le caractère industriel et commercial, dans sa version en vigueur à la date de la décision : « Dès que la commission a fait son choix, l'autorité habilitée à passer le marché avise tous les autres candidats du rejet de leurs offres. Elle communique à tout candidat, qui en fait la demande par écrit, les motifs du rejet de son offre. Elle peut, en accord avec l'entreprise retenue, procéder à une mise au point du marché sans que les modifications entraînées puissent remettre en cause les conditions de l'appel à la concurrence ayant pu avoir un effet sur les offres/ Cette autorité se réserve la faculté de ne pas donner suite à un appel d'offres si elle n'a pas obtenu de propositions qui lui paraissent acceptables. Dans ce cas, l'appel d'offres est déclaré infructueux et ladite autorité en avise tous les candidats. Il est alors procédé, soit par nouvel appel d'offres, soit par marché négocié en application du 2° de l'article 312 » ;
Considérant que, lorsque l'administration, en vertu de ces dispositions, informe un soumissionnaire que son offre est acceptée, cette décision ne crée pour l'attributaire aucun droit à la signature du marché ; que, par suite, le soumissionnaire dont l'offre a été acceptée ne peut, pour critiquer la décision par laquelle l'administration renonçant à conclure le marché, déclare l'appel d'offres infructueux, faire valoir utilement que se trouve ainsi méconnue la règle selon laquelle une décision individuelle créatrice de droits ne peut être rapportée, si ce n'est lorsqu'elle est illégale et dans le délai de quatre mois suivant ladite décision, ni soutenir que ladite décision aurait été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 300 du code des marchés publics ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, malgré une promesse synallagmatique de vente consentie par le CNES à la SNC SHG le 15 septembre 1989 et devenue caduque, du terrain nécessaire à l'extension de l'hôtel Diamant et la négociation d'une convention de garantie d'exploitation du futur ensemble hôtelier, aucun contrat n'a été signé par les deux parties ; que, dans ces conditions, la SNC SHG ne saurait soutenir utilement que la décision du 22 juillet 1991 aurait constitué une résiliation unilatérale pour motif d'intérêt général d'un contrat ; qu'en abandonnant, ainsi qu'il l'a fait par cette décision, le projet d'extension de l'hôtel Diamant, dont la société Factorim, devenue depuis lors SNC SHG, avait été désignée comme attributaire, le CNES n'a commis aucune faute ; que la SNC SHG n'est pas fondée à soutenir que la conclusion par le CNES, le 12 octobre 1990, d'un contrat avec la société Soguci pour la construction à Sinnamary, ville située à 40 km de Kourou, d'un hôtel aux caractéristiques analogues, aurait constitué une éviction irrégulière de sa candidature à l'appel d'offres lancée pour l'extension de l'hôtel Diamant lui ouvrant droit à la réparation du manque à gagner et du préjudice commercial qui serait résulté pour elle de la décision du 22 juillet 1991 sur l'opération envisagée ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que le CNES a non seulement consenti des promesses de vente à la SNC SHG de l'immeuble hôtelier Diamant et du terrain nécessaire à son extension, mais incité cette société constituée à cette fin à déposer la demande de permis de construire, qui a été délivré le 15 décembre 1989 ; qu'il a, en outre, le 15 mars 1990, signé une nouvelle promesse de vente prorogeant la date limite de réalisation par la société des conditions suspensives de cette promesse ; qu'il a, également, négocié avec la SNC SHG et présenté à sa signature, le 22 mai 1990, une convention de garantie d'occupation de l'ensemble hôtelier sur une durée de 12 ans, reconnue par les deux parties comme un préalable nécessaire à la réalisation du projet ; que, si la SNC SHG a retourné cette convention signée le 22 juin 1990, le CNES ne l'a pas contresignée, laissant s'écouler le délai de réalisation des conditions suspensives de la promesse de vente, qui expirait le 30 juillet 1990, date à laquelle la SNC SHG devait justifier avoir obtenu un prêt de 4,2 MF et avoir ouvert le chantier, ce qu'elle ne pouvait ni obtenir ni faire sans la signature de la convention de garantie ; qu'au surplus, le CNES, qui avait contracté le 12 octobre 1990 avec la société Soguci pour la réalisation du projet alternatif de Sinnamary, a attendu le 22 juillet 1991 pour signifier à la SNC SHG qu'il abandonnait le projet d'extension de l'hôtel Diamant ; qu'en incitant ainsi la société à exposer des frais en vue de l'exécution d'un marché qui ne lui a pas été confié, le CNES a commis une faute de nature à engager sa responsabilité envers la société ; qu'en l'absence de contrat, et eu égard aux circonstances de l'affaire, le CNES ne saurait soutenir que la SNC SHG, en tardant à contracter avec des architectes et en ne remplissant pas les conditions suspensives de la promesse de vente prorogée, aurait commis des fautes de nature à l'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité ; qu'ainsi le CNES doit être déclaré entièrement responsable des frais inutilement exposés par la société, entre le 14 décembre 1988 et la fin de l'année 1993, tant pour préparer l'exécution du marché que supporter les conséquences de l'abandon du projet ;
Considérant que les frais de toutes natures exposés par la SNC SHG pour préparer l'exécution du marché durant cette période s'élèvent à la somme de 800 491,60 € ; que la société requérante a droit aux intérêts au taux légal sur ladite somme à compter du 26 novembre 1991, date de sa réclamation au CNES ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 18 septembre 2000 ; qu'il était dû à cette date au moins une année d'intérêts ; qu'ainsi les intérêts capitalisés au 18 septembre 2000 porteront eux-mêmes intérêt à compter de cette date, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette même date ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SNC SHG est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande et à en demander l'annulation ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SNC SHG, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer au CNES la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner le CNES à verser à la SNC SHG une somme de 3 000 € au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cayenne en date du 24 novembre 2005 est annulé.
Article 2 : Le CNES est condamné à verser à la SNC SHG une somme de 800 491,60 €, qui portera intérêt au taux légal à compter du 26 novembre 1991. Les intérêts capitalisés au 18 septembre 2000 porteront eux-mêmes intérêt à compter de cette date, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette même date.
Article 3 : Le CNES versera à la SNC SHG une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du CNES présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions présenté par la SNC SHG devant le tribunal administratif de Cayenne est rejeté.
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No 06BX00244