Vu la requête, enregistrée le 26 octobre 2004, présentée pour la société PINAUD, société à responsabilité limitée, dont le siège se trouve 29 route de Saint-Jean-d'Angély à Matha (17160), par Me Dupoux ; la SARL PINAUD demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 032054-032055 du 24 août 2004 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997 à 1999, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999 ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser 5 000 euros au titre des frais de procès non compris dans les dépens ;
…………………………………………………………………………………………….
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le pacte international de New-York relatif aux droits civils et politiques ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative et notamment son article R. 222-26 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2007 :
- le rapport de Mme Demurger, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Doré, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SARL PINAUD, qui exploite une discothèque à Matha (Charente ;Maritime), a fait l'objet, le 3 septembre 2000, d'un contrôle de billetterie diligenté par la brigade de contrôle et de recherches de La Rochelle, sur le fondement des articles 290 quater du code général des impôts et L. 26 du livre des procédures fiscales, puis, du 16 novembre 2000 au 7 février 2001, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999, à la suite de laquelle la vérificateur, après avoir reconstitué son chiffre d'affaires compte tenu des graves insuffisances dont était entachée sa comptabilité, lui a notifié des redressements d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant que le contrôle opéré en matière de billetterie et la vérification de comptabilité constituent des procédures distinctes, juridiquement indépendantes l'une de l'autre ; que, par suite, les irrégularités alléguées à l'encontre de l'intervention de la brigade de contrôle et de recherches sont sans incidence sur la régularité de la procédure de vérification ;
Considérant que la société requérante soutient que le contrôle de billetterie a été détourné de son cadre légal et utilisé par l'administration à des fins de vérification de comptabilité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'entre le 31 décembre 1993 et le 8 août 2000, l'administration fiscale n'a été destinataire d'aucune déclaration de livraisons de billets à la SARL PINAUD au titre de l'obligation pesant sur les imprimeurs, en application des articles 50 sexies F et 130 de l'annexe IV du code général des impôts, et alors même que la discothèque n'avait jamais cessé de fonctionner entre ces deux dates ; qu'elle disposait ainsi d'indices sérieux lui permettant de soupçonner l'existence d'infractions à la législation sur la billetterie des établissements de spectacles et d'engager le 3 septembre 2000 un contrôle en vue de constater des infractions en matière de billetterie ; que si, à cette occasion, la brigade de contrôle s'est fait communiquer le brouillard de caisse, et a fait une estimation des recettes n'ayant pas donné lieu à la délivrance de billets le jour du contrôle, cette estimation, qui n'a, au demeurant, pas été utilisée dans le cadre de la vérification de comptabilité, était nécessaire à la mise en lumière de l'infraction constituée par le défaut de délivrance de billets d'entrée et relevée dans le procès-verbal établi le 15 septembre 2000 ; que les agents de la brigade de contrôle ne se sont livrés à aucun contrôle de la sincérité des déclarations fiscales souscrites par la société en les comparant avec ses écritures comptables et n'ont pas davantage remis en cause l'exactitude de celles-ci ; que, dans ces conditions, et nonobstant la circonstance que le contrôle de billetterie n'aurait pas ultérieurement abouti à l'engagement de poursuites pour infraction à la législation relative à la billetterie, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure prévue à l'article L. 26 du livre des procédures fiscales aurait été détournée de son cadre légal ni que le contrôle effectué le 3 septembre 2000 constituerait le point de départ d'une vérification de comptabilité qui aurait débuté avant l'envoi de l'avis reçu le 3 novembre 2000, méconnu les garanties de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et excédé la durée de trois mois fixée par l'article L. 52 du même livre compte tenu du chiffre d'affaires de l'entreprise ;
Sur la charge de la preuve et le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans son avis du 14 mars 2002, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a proposé de fixer « à 5,71% le pourcentage de casse, pertes et sur ou sous-dosages …, à 10 % le pourcentage d'offerts …, à 10 % le pourcentage de pertes sur les bières pression …, à 3 le nombre de consommations d'alcool par membre de personnel et par soirée » ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'estimation par la commission des consommations du personnel ne concernait que les « alcools », et non la bière pression, chaque catégorie de boisson étant traitée distinctement pour la reconstitution du chiffre d'affaires ; qu'ainsi, en n'appliquant pas au chiffre d'affaires « bières en fût » sur lequel il avait déjà pratiqué un abattement de 10 % au titre des pertes, un abattement supplémentaire de 5 % au titre de la consommation du personnel, le vérificateur doit être regardé comme ayant suivi l'avis de la commission ; qu'il suit de là que les impositions ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, et eu égard aux graves irrégularités ayant justifié le rejet de la comptabilité de la SARL PINAUD, il appartient à cette dernière, conformément aux dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve du caractère exagéré de ses bases d'imposition ;
Considérant que la société n'apporte aucun élément de nature à établir que les bases d'imposition retenues par le vérificateur seraient exagérées ;
Sur les pénalités :
En ce qui concerne les pénalités de l'article 1763 A du code général des impôts :
Considérant qu'aux termes de l'article 117 du code général des impôts : « Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans le délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1763 A » et qu'aux termes de l'article 1763 A alors en vigueur : « Les sociétés et autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une pénalité fiscale égale à 100 % des sommes versées ou distribuées … » ;
Considérant que la pénalité fiscale prévue à l'article 1763 A du code général des impôts est au nombre des sanctions qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ; qu'il n'est pas contesté qu'ayant, par erreur, fait porter sa demande de désignation des bénéficiaires des revenus distribués au cours de l'année 1998 sur une somme différente de celle correspondant aux montants notifiés, l'administration n'a pas ultérieurement adressé à l'intéressée les précisions lui permettant de justifier l'application des pénalités sur les sommes réellement litigieuses ; que la société requérante est, par suite, fondée à demander la décharge desdites pénalités ;
En ce qui concerne les majorations pour mauvaise foi prévues à l'article 1729 du code général des impôts :
Considérant que si l'administration a motivé l'application des pénalités prévues à l'article 1729 du code général des impôts par les insuffisances de la comptabilité de la SARL PINAUD et l'existence d'une minoration de recettes, il résulte de l'instruction que les rehaussements litigieux du chiffre d'affaires ne correspondaient qu'à environ 5 % du chiffre d'affaires déclaré pour chacune des années 1997 et 1998 et que les rappels résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires de l'exercice 1999 ont été abandonnés ; que, dans ces conditions, la preuve de la mauvaise foi de la SARL PINAUD ne peut être regardée comme apportée ; qu'il y a lieu, dès lors, de décharger cette dernière des pénalités de mauvaise foi qui lui ont été appliquées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL PINAUD est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers ne lui a pas accordé la décharge de la pénalité visée à l'article 1763 A du code général des impôts et de la majoration de 40 % pour mauvaise foi auxquelles elle a été assujettie ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le paiement à la SARL PINAUD d'une somme de 1 300 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La SARL PINAUD est déchargée des pénalités des articles 1763 A et 1729 du code général des impôts auxquelles elle a été assujettie, au titre des années en litige.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : L'Etat versera 1 300 euros à la SARL PINAUD au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL PINAUD est rejeté.
4
N° 04BX01811