Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 27 mai 2004, sous le n° 04BX00907, pour la SARL BONNET FRERES représentée par son gérant en exercice, dont le siège social est à Champagne Saint Hilaire (86160), par Me Ouvrard, avocat ;
La SARL BONNET FRERES demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 03821, en date du 25 mars 2004, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 1995 et 1996, ainsi que des pénalités de mauvaise foi infligées en sus de ces impositions ;
2°) de la décharger de l'imposition et des pénalités en litige ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'article 43-IV de la loi n° 2004-1085 du 30 décembre 2004 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2007 :
- le rapport de M. Bonnet, président-assesseur,
- les observations de la SCP Clara-Cousseau-Ouvrard et associés, pour la SARL BONNET FRERES,
- et les conclusions de M. Vié, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SARL BONNET FRERES, qui exerce une activité de négoce de bestiaux, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 1995 et 1996, à l'issue de laquelle, sa comptabilité ayant été écartée, elle s'est vu notifier des redressements en matière d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt ; que ces redressements procèdent de la remise en cause, par l'administration, de l'existence d'une créance sur la société Imacc, dont le siège social était en Italie, créance inscrite en comptabilité aux bilans de clôture 1995 et 1996, et par voie de conséquence, de l'affectation au règlement de cette créance de plusieurs versements effectués au cours des deux exercices en litige par deux autres sociétés italiennes, les sociétés Ital services et Garofalo, ainsi que l'inscription comme créance irrécouvrable, sur cette même société Imacc, d'une somme de 224 194 F ; que la SARL BONNET FRERES fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers par lequel sa demande de décharge des impositions correspondantes a été rejetée ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 267 quater I de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : « Les personnes redevables de la taxe sur la valeur ajoutée qui effectuent des opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de commission ou de courtage portant sur les animaux vivants de boucherie et de charcuterie définis à l'article 260 F doivent : a. n'avoir la propriété ou la garde que d'animaux ayant fait l'objet de mesures d'identification ou de marquage ; . b. tenir une comptabilité matières retraçant au jour le jour les mouvements de ces animaux… c. indiquer sur les factures de ventes la dénomination précise de l'animal, comportant notamment son numéro d'identification ou sa marque ; d. Faire accompagner tout transport d'animaux effectué pour leur compte ou pour le compte d'autrui d'un document dont le modèle est fourni par l'administration. Lorsque les personnes mentionnées au I vendent des animaux à des personnes non redevables de la taxe sur la valeur ajoutée au titre d'activités portant sur lesdits animaux, la facture doit expressément porter mention de cette qualité des acheteurs » ; qu'il résulte de ces dispositions que les personnes astreintes aux obligations susmentionnées sont toutes les personnes redevables de la taxe sur la valeur ajoutée qui exercent une activité de négoce d'animaux, y compris celles dont certaines livraisons sont exonérées parce qu'effectuées dans un autre Etat membre de l'Union Européenne ; qu'en outre, ces obligations s'appliquent tant en matière de taxe sur la valeur ajoutée qu'en matière d'impôt sur les sociétés, dès lors qu'elles sont seules de nature à permettre la justification des résultats de l'exercice au regard des exigences de l'article 54 du code général des impôts ;
Considérant que pour écarter la comptabilité de la société, le vérificateur s'est fondé sur la circonstance que cette dernière ne faisait pas figurer sur les factures établies à destination de ses clients, notamment italiens, les numéros d'identification des animaux cédés, et ne tenait pas davantage de comptabilité matières permettant de suivre les achats de manière individualisée et de les rapprocher des ventes ; qu'il résulte de l'instruction, y compris des pièces versées au dossier par la requérante elle-même, que la quasi totalité des factures établies par ses soins se bornaient à indiquer le nombre de bovins vendus, leur poids total, le prix global de la transaction, sans aucune identification des bêtes cédées, les certificats joints en annexe ne permettant d'identifier qu'un faible nombre ; que, dans ces conditions, et dès lors qu'il était effectivement impossible de suivre les achats et ventes de la société, cette seule circonstance était de nature à priver de valeur probante la comptabilité, nonobstant son caractère formellement régulier ;
Considérant, en deuxième lieu, que pour remettre en cause la réalité de la créance de la société requérante sur la société Imacc, le vérificateur s'est fondé sur des informations communiquées par l'administration fiscale italienne, dont il résultait que cette dernière société avait réglé l'intégralité de ladite créance, par plusieurs prélèvements sur un compte caisse, opérés entre les mois d'octobre et décembre 1994 ; que si le total de ces prélèvements n'atteignait que 2 673 613 F, alors que la créance invoquée par la SARL BONNET FRERES était d'un montant de 2 905 947 F, la différence correspondait à une différence de change à hauteur de 8 140 F, et au montant de la partie de créance comptabilisée comme irrécouvrable par la société requérante elle-même, inscrite à hauteur de 224 194 F ; que, pour contester la réalité de ces informations, la SARL BONNET FRERES se borne à soutenir que la comptabilité de la société Imacc ne serait pas probante, au motif notamment que ces écritures comporteraient des discordances avec les siennes quant à l'enregistrement de leurs relations commerciales ; que sa comptabilité n'étant elle-même pas probante, elle ne saurait se prévaloir de telles discordances pour obtenir la mise à l'écart des écritures relevées par les services fiscaux italiens ;
Considérant, en troisième et dernier lieu, que si la SARL BONNET FRERES soutient que les sommes versées à son profit par deux autres sociétés italiennes, Ital Service et Garofalo, sommes imputées en règlement de la prétendue créance qu'elle aurait détenue sur la société Imacc, correspondraient à leur décision de prendre en charge la dette de cette dernière, pour des raisons commerciales, elle ne produit à l'appui de ses allégations aucun commencement de preuve de la réalité de cet engagement, alors que, en sens inverse, l'administration fait valoir sans être contredite que l'une seulement de ces sociétés était en relation avec la société Imacc ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère fictif, aux 31 décembre 1995 et 1996, de la créance de la société requérante sur la société Imacc de la créance en litige ; que, par suite, elle était fondée à regarder les sommes versées par les sociétés italiennes susmentionnées au cours de ces exercices comme des recettes non déclarées, dès lors que l'administration fait valoir sans être contredite que ces deux sociétés étaient directement ou indirectement clients de la société BONNET FRERES ; qu'elle était, de même, fondée à réintégrer la somme de 224 194 F inscrite, aux mêmes dates, en créance irrécouvrable sur la même société Imacc ;
Considérant, il est vrai, que la SARL BONNET FRERES soutient que l'administration ne pouvait en tout état de cause rectifier le bilan d'ouverture de l'exercice 1995, premier exercice non prescrit, que ce bilan comportait déjà l'inscription en litige, et que l'administration devait par suite constater à la clôture de l'exercice 1995 une perte d'un montant égal à celui de la créance litigieuse ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'administration s'est bornée à imposer en tant que recettes non comptabilisées les sommes versées par les sociétés Ital Services et Garoffalo, dont la cause ne pouvait plus être rattachée à la créance litigieuse ; que, de son côté, la requérante n'établit nullement, ni même n'allègue, qu'elle aurait surestimée d'autant son compte clients à la clôture de l'exercice 1994, dernier exercice prescrit ; qu'ainsi le moyen ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL BONNET FRERES n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Poitiers, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des exercices clos en 1995 et 1996 ;
Sur les pénalités :
Considérant que tant dans une première notification de redressements adressée à la SARL BONNET FRERES le 14 décembre 1998, relative à l'exercice 1995, que dans une seconde notification de redressements, du 20 octobre 1999, relative aux exercices 1995 et 1996, le vérificateur s'est borné à indiquer, s'agissant des pénalités afférentes à l'impôt sur les sociétés, que « compte tenu des agissements constatés, paiements en espèces, règlements effectués par d'autres clients » la bonne foi du contribuable ne pouvait être retenue ; qu'une telle motivation ne permettait pas à la requérante de connaître exactement les motifs et fondements desdites pénalités et était par suite insuffisante ; que, par suite, la SARL BONNET FRERES est fondée à demander la décharge desdites pénalités ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL BONNET FRERES est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers, par le jugement attaqué, a rejeté la totalité de sa demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante pour l'essentiel, soit condamné à payer à la SARL BONNET FRERES la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés devant la cour et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Il est accordé la décharge des pénalités de mauvaise foi infligées à la SARL BONNET FRERES au titre des exercices clos en 1995 et 1996.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL BONNET FRERES est rejeté.
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N° 04BX00907