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20/02/2007 | FRANCE | N°03BX00707

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 20 février 2007, 03BX00707


Vu la requête introductive d'instance enregistrée le 26 mars 2003, au greffe de la cour sous le n° 03BX00707, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER ROBERT BOULIN dont le siège est 113 rue de la Marne à Libourne (33500) par Maître Le Prado ;

Il demande à la cour :

- d'annuler les jugements des 30 décembre 1999 et 27 décembre 2002 par lesquels le tribunal administratif de Bordeaux l'a déclaré responsable du préjudice résultant pour Mme ZYX de la faute médicale commise lors de son hospitalisation consécutive à un accident de la circulation le 9 mai 1989, a prescrit

une expertise puis l'a condamné à verser une indemnité de 907 275,45 euros à ...

Vu la requête introductive d'instance enregistrée le 26 mars 2003, au greffe de la cour sous le n° 03BX00707, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER ROBERT BOULIN dont le siège est 113 rue de la Marne à Libourne (33500) par Maître Le Prado ;

Il demande à la cour :

- d'annuler les jugements des 30 décembre 1999 et 27 décembre 2002 par lesquels le tribunal administratif de Bordeaux l'a déclaré responsable du préjudice résultant pour Mme ZYX de la faute médicale commise lors de son hospitalisation consécutive à un accident de la circulation le 9 mai 1989, a prescrit une expertise puis l'a condamné à verser une indemnité de 907 275,45 euros à la MAAF Assurances ;

- de rejeter la demande de la MAAF Assurances ;

………………………………………………………………………………………

Vu l'ensemble des pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement convoquées à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2007 :

- le rapport de Mme Fabien, premier conseiller,

- les observations de Maître Demailly, pour le CENTRE HOSPITALIER GENERAL ROBERT BOULIN,

- les observations de Maître Fabre (et Maître Bayle) pour la SOCIETE MAAF ASSURANCES,

- les observations de Maître Bourdier pour la famille de Mme Jeanne ,

- les observations de Maître Bayle pour Mme CHAPUZET Pierrette,

- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, le 9 mai 1989, Mme ZYX a été, à la suite d'un grave accident de la circulation, admise au CENTRE HOSPITALIER (CH) DE LIBOURNE où elle a présenté une tétraplégie le 15 mai 1989 ; que, par jugement du 26 février 1993, le tribunal de grande instance de Libourne a condamné Mme Chapuzet, responsable de l'accident précité, à indemniser M. et Mme ZYX du préjudice subi par ces derniers et à rembourser les prestations sociales versées par la SNCF déjà échues ou à échoir ; que, en exécution de ce jugement ainsi que d'accords amiables intervenus entre les parties, la MAAF Assurances a versé, en sa qualité d'assureur de Mme Chapuzet, des indemnités d'un montant total de 907 275,45 euros aux époux ZYX et à la SNCF ; que, par le premier jugement attaqué du 30 décembre 1999, le tribunal administratif de Bordeaux a retenu l'existence d'une faute médicale du CH de Libourne de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la MAAF Assurances et a prescrit une expertise complémentaire ; que, par le second jugement attaqué du 27 décembre 2002, il a condamné le CH de Libourne à verser une indemnité de 907 275,45 euros à la MAAF Assurances ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance et la régularité des jugements des 30 décembre 1999 et 27 décembre 2002 :

Considérant qu'aux termes de l'article R 421-1 du code de justice administrative : «Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision… » ;

Considérant que la MAAF Assurances a saisi le tribunal administratif de Bordeaux le 29 janvier 1993 d'une demande tendant exclusivement à ce qu'une expertise soit ordonnée ;

que, si le CH de Libourne a opposé une fin de non-recevoir de cette demande, le tribunal administratif de Bordeaux y a fait droit par un jugement non contesté du 4 mars 1997 ; que ce n'est que le 16 juin 1999 que la MAAF Assurances a, à la suite du dépôt du rapport de l'expert, présenté une demande tendant à la condamnation indemnitaire du CH de Libourne ; que ce dernier a alors conclu au fond sur les prétentions de la MAAF Assurances sans opposer de fin de non-recevoir avant l'intervention du jugement du 30 décembre 1999 ; que ce n'est que par un mémoire du 21 novembre 2002 qu'il a soulevé l'irrecevabilité de la demande indemnitaire pour défaut de réclamation préalable ;

Considérant que s'il est constant que la MAAF Assurances n'avait pas saisi d'une réclamation le CH de Libourne préalablement au dépôt de sa demande indemnitaire le 16 juin 1999, le centre hospitalier a, en cours d'instance, lié le contentieux en ce qui concerne cette demande en concluant au fond avant d'opposer une fin de non-recevoir ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir qu'elle serait irrecevable comme en l'absence d'une liaison du contentieux ;

Considérant, en revanche, que si le tribunal administratif n'était saisi d'aucune fin de non-recevoir de la demande indemnitaire avant l'intervention de son jugement du 30 décembre 1999, il a, en s'abstenant de répondre à celle opposée le 21 novembre 2002, insuffisamment motivé son jugement du 27 décembre 2002 ; que le CH de Libourne est, en conséquence, fondé à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité et doit pour ce motif être annulé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur les questions tranchées par le jugement du 30 décembre 1999 et par la voie de l'évocation sur les autres questions ;

Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE LIBOURNE :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du premier expert désigné par le tribunal administratif, que la fracture de la vertèbre C 5 subie par Mme ZYX lors de son accident du 9 mai 1989 n'a pu être mise en évidence en raison du caractère incomplet du cliché radiographique du rachis cervical ne permettant pas d'explorer les trois dernières vertèbres cervicales ; que l'absence de diagnostic et de traitement rapide de la fracture qui en est résultée, est directement et exclusivement à l'origine de la tétraplégie brutale présentée par Mme ZYX le 15 mai 1989 ;

Considérant que si le CH de Libourne se prévaut de l'urgence et de la gravité du polytraumatisme initial, il n'apporte aucun élément de nature à justifier qu'un nouvel examen exploratoire n'aurait pu être réalisé avant le 15 mai 1989 ; que l'absence de nouvel examen avant de conclure à l'absence de toute fracture et à l'inutilité du port d'une minerve, a constitué, compte tenu du caractère défectueux de la radiographie effectuée et de la gravité de l'accident et en l'absence même de symptôme, une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier à raison des dommages liés à la tétraplégie présentée par Mme ZYX ; que le CH de Libourne n'est, en conséquence, pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a retenu sa responsabilité par jugement du 30 décembre 1999 ;

Sur les droits de la MAAF Assurances :

Considérant que la MAAF Assurances, subrogée aux droits de son assurée ainsi que des personnes qu'elle a indemnisées au nom de son assurée, produit copie des accords amiables prévoyant le versement d'une somme de 575 873 euros aux époux ZYX et d'une somme de 331 402 euros à la SNCF ; que ces derniers n'ont pas contesté avoir reçu les indemnités ainsi prévues ; que, dans ces conditions, la MAAF Assurances doit être regardée comme justifiant du versement de la somme totale de 907 275 euros ; que, cependant, la nature et l'étendue de la réparation incombant à une collectivité publique du chef d'un accident dont la responsabilité lui est imputée ne dépendent pas du montant des indemnités effectivement versées par l'assureur à la victime ou de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige où ladite collectivité n'a pas été partie mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles afférentes à la responsabilité des personnes morales de droit public, indépendamment des sommes qui ont pu être exposées par le requérant ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du second expert désigné par le tribunal administratif, que la tétraplégie présentée par Mme ZYX, décédée le 4 mai 1997, justifiait à elle seule un taux d'invalidité permanente partielle de 95 % indépendamment des séquelles connexes qui auraient pu résulter de son polytraumatisme consécutif à l'accident et en particulier de la fracture de la vertèbre C 5 ; qu'il résulte également du rapport de l'expert désigné par le tribunal de grande instance de Libourne que l'état de Mme ZYX justifiait l'assistance d'une tierce personne et d'une aide ménagère et qu'elle a présenté des souffrances physiques et un préjudice d'agrément très importants ainsi qu'un préjudice esthétique important ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'atteinte à l'intégrité physique, des troubles dans les conditions d'existence incluant le préjudice d'agrément, du préjudice esthétique et des souffrances physiques ainsi subies par Mme ZYX en les évaluant à 230 000 euros ; que l'indemnisation de l'assistance à tierce personne et des frais d'aide ménagère supplémentaires indispensables pendant 8 années doit être fixée à 176 000 euros ; qu'il résulte de l'instruction que les frais d'aménagement de la maison d'habitation, du véhicule ainsi que le préjudice matériel subis par les époux ZYX et résultant notamment des frais médicaux et d'appareillage restant à leur charge pendant 8 ans, se sont élevés à 47 642 euros ; qu'il sera fait une juste évaluation du préjudice personnel subi par M. ZYX à raison de la très grave invalidité de son épouse en l'évaluant à 15 000 euros ;

Considérant que la SNCF a justifié avoir versé à Mme ZYX des prestations d'assurance maladie d' un montant de 1 488 226,80 francs au 28 septembre 1992 dont il convient de déduire les frais d'hospitalisation du 9 au 16 mai 1989 de 18 554,90 F imputables à l'accident initial et auquel il convient d'ajouter un montant de 152 512,88 F au titre des prestations versées au cours de l'année 1993 ainsi qu'un montant évalué à 533 119,78 F au titre des prestations versées au cours des années 1991 à 1997, soit une somme totale de 328 574 euros (2 155 304,56 F ) ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préjudice subi par les époux ZYX en raison de la faute du service hospitalier s'élève à la somme de 468 642 euros et celui subi par la SNCF à la somme de 328 574 euros ; que, dès lors que la MAAF Assurances, subrogée à leurs droits, justifie leur avoir versé des sommes égales ou supérieures audits montants, il y a lieu de condamner le CENTRE HOSPITALIER DE LIBOURNE à lui verser une indemnité totale de 797 216 euros ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que la somme de 797 216 euros doit porter intérêts au taux légal à compter du 16 juin 1999, date d'enregistrement de la demande indemnitaire au tribunal administratif de Bordeaux ; que, par un mémoire du 29 janvier 2004, la MAAF a demandé la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus au moins pour une année entière ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les dépens de première instance :

Considérant que les frais des expertises ordonnées les 4 mars 1997 et 30 décembre 1999 doivent être mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE LIBOURNE ;

Sur l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le CENTRE HOSPITALIER DE LIBOURNE, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la MAAF Assurances et aux consorts ZYX la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'affaire, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des consorts ZYX tendant à la condamnation de la MAAF Assurances à leur verser une somme à ce titre ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 27 décembre 2002 est annulé.

Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE LIBOURNE est condamné à verser à la MAAF Assurances une indemnité de 797 216 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 juin 1999. Les intérêts échus à la date du 29 janvier 2004, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Les frais des expertises ordonnées les 4 mars 1997 et 30 décembre 1999 sont mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE LIBOURNE.

Article 4 : Le surplus de la demande indemnitaire présentée par la MAAF Assurances devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejeté.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête du CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE LIBOURNE est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par la MAAF Assurances et par les consorts ZYX en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 03BX00707


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 03BX00707
Date de la décision : 20/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DUDEZERT
Rapporteur ?: Mme Mathilde FABIEN
Rapporteur public ?: Mme JAYAT
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2007-02-20;03bx00707 ?
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