Vu, I, la requête enregistrée au greffe le 18 décembre 2002 sous forme de télécopie et le 23 décembre 2002 en original, sous le n° 02BX02645, présentée par l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, dont le siège se trouve 100 avenue de Suffren à Paris (75015) ; L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG (EFS) demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 16 octobre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a, d'une part, annulé la décision du président de l'EFS en date du 23 novembre 2001 prononçant la suspension immédiate de M. X de ses fonctions de praticien hospitalier à l'établissement de transfusion sanguine de la Réunion, la décision du même président en date du 7 décembre 2001 maintenant cette décision jusqu'au 12 décembre 2001, ainsi que la décision de cette même autorité en date du 12 décembre 2001 mettant fin à la mise à disposition de M. X au sein de l'EFS, et a enjoint à cet établissement de réintégrer M. X, d'autre part, l'a condamné à verser à ce dernier la somme de 6 000 euros en réparation du préjudice subi ainsi que 500 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;
3°) de condamner M. X à rembourser les sommes perçues en exécution dudit jugement ;
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Vu, II, la requête enregistrée au greffe le 20 janvier 2003, sous le n° 03BX00136, présentée pour M. Gonzague , demeurant ... ; M. demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion en date du 16 octobre 2002, en tant qu'il a limité le montant de l'indemnité due par l'Etablissement français du sang à la somme de 6 000 euros ;
2°) de condamner ledit établissement à lui verser les indemnités demandées en première instance avec intérêts de droit ;
3°) de dire que ces intérêts seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts ;
4°) de condamner l'EFS à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 84-131 du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2006 :
- le rapport de Mme Demurger ;
- et les conclusions de M. Pouzoulet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG (EFS) et de M. sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la recevabilité de la requête de l'EFS :
Considérant que, contrairement à ce que soutient M. , la requête de l'EFS est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le tribunal administratif a exposé les raisons pour lesquelles il a estimé que la décision du président de l'EFS de mettre fin à la mise à disposition de M. était justifiée par l'intérêt général ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'insuffisance de motivation doit être écarté ;
Au fond :
Considérant qu'en vertu de l'article 46 bis du décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers, alors applicable, les praticiens hospitaliers en position d'activité dans un établissement public de santé peuvent être mis à la disposition, notamment, d'un établissement public de l'Etat, la durée de cette mise à disposition ainsi que les conditions d'emploi et de retour dans l'établissement public de santé d'origine étant précisées par une convention passée entre cet établissement et l'établissement public d'accueil ; que M. , praticien hospitalier au Centre hospitalier départemental Félix Guyon, a été mis à disposition de l'EFS et plus précisément, au sein de cet établissement public, de l'Etablissement de transfusion sanguine de la Réunion ; que les conditions de cette mise à disposition étaient régies par une convention passée le 6 décembre 1999 entre le directeur du Centre hospitalier départemental Félix Guyon et le directeur de l'Etablissement de transfusion sanguine de la Réunion ; qu'estimant que M. était à l'origine d'un risque de troubles graves dans le fonctionnement du service public de transfusion sanguine de la Réunion, le président de l'EFS l'a, par décision du 23 novembre 2001, suspendu immédiatement de ses fonctions ; que, par décision du 7 décembre 2001, le président de l'EFS a prolongé cette mesure de suspension jusqu'au 12 décembre 2001, date à laquelle il a pris la décision de mettre fin sans préavis à la mise à disposition de M. ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Saint ;Denis de la Réunion a annulé ces trois décisions et a enjoint à l'EFS de réintégrer M. ; qu'il a également condamné l'EFS à verser à ce dernier une indemnité de 6 000 euros, ainsi qu'une somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
En ce qui concerne la légalité des décisions de suspension des 23 novembre et 7 décembre 2001 :
Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article R. 667-8 du code de la santé publique, alors en vigueur, le président de l'EFS assure la direction de l'établissement et a autorité sur l'ensemble des personnels ; que, d'autre part, la suspension n'a qu'un caractère provisoire et ne touche que les fonctions que comporte l'emploi où l'intéressé est mis à disposition ; que si les stipulations de l'article 2 de la convention de mise à disposition susmentionnée du 6 décembre 1999 régissant les conditions de mise à disposition de M. prévoient que « les personnels mis à disposition sont placés sous l'autorité fonctionnelle du directeur de l'Etablissement de transfusion sanguine dans lequel ils ont été affectés » et permettent ainsi à ce directeur de suspendre un agent mis à disposition de l'établissement qu'il dirige, elles n'ont ni pour objet, ni pour effet de retirer au président de l'EFS l'autorité fonctionnelle qu'il détient sur l'ensemble des personnels de cet établissement en vertu de l'article R. 667-8 précité du code de la santé publique ; que, par suite, le président de l'EFS était compétent pour suspendre le Docteur de ses fonctions par les décisions litigieuses des 23 novembre et 7 décembre 2001 ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler ces décisions, le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion s'est fondé sur ce qu'elles avaient été prises par une autorité incompétente ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de ces mesures de suspension ;
Considérant qu'aux termes de l'article 69 du décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers : « Dans l'intérêt du service, le praticien qui fait l'objet d'une procédure disciplinaire peut être immédiatement suspendu par le ministre chargé de la santé pour une durée maximum de six mois » ; qu'il résulte de ces dispositions que la suspension d'un praticien hospitalier ne peut intervenir que dans le cadre d'une procédure disciplinaire ; que, par suite, le président de l'EFS, qui n'établit pas que la situation présentait un caractère d'urgence lui permettant de s'affranchir des prescriptions de l'article 69 précité, n'a pu légalement prendre les mesures de suspension litigieuses sans qu'une procédure disciplinaire fût engagée à l'encontre de M. ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués par M. , l'EFS n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé ses décisions en date des 23 novembre et 7 décembre 2001 suspendant M. de ses fonctions ;
En ce qui concerne la légalité de la décision du 12 décembre 2001 mettant fin à la mise à disposition de M. :
Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la convention susmentionnée du 6 décembre 1999, régissant la mise à disposition de M. auprès de l'EFS : « La mise à disposition peut prendre fin avant le terme qui lui a été fixé à la demande de l'une des parties à la présente convention ou de l'agent lui-même, sous réserve de l'exécution d'un préavis de trois mois à compter de la notification de la décision d'interruption. Ce délai peut être réduit d'un commun accord entre les parties. En cas de faute disciplinaire dûment constatée, il peut être mis fin sans préavis à la mise à disposition… » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du président de l'EFS de mettre fin à la mise à disposition de M. a été prise à la suite de dissensions entre ce dernier et le nouveau directeur de l'établissement de transfusion sanguine de la Réunion, qui avaient conduit à une situation de tension incompatible avec le bon fonctionnement du service ; que, si le comportement du M. a fait l'objet de critiques dans la décision de suspension provisoire du 23 novembre 2001, sa manière de servir n'a par la suite jamais été remise en cause, le président de l'EFS ayant d'ailleurs, par courrier du 7 décembre 2001, proposé à l'intéressé plusieurs postes au sein de cet établissement en adéquation avec ses qualifications ; que, si M. soutient que sa remise à disposition du Centre hospitalier départemental Félix Guyon s'est accompagnée d'une diminution des responsabilités exercées et d'une perte de rémunération, les conditions de sa réintégration ne révèlent pas une intention de lui infliger une sanction disciplinaire ; que, dans ces conditions, le président de l'EFS a pu légalement, dans l'intérêt du service, et ainsi que le permettait l'article 7 de la convention de mise à disposition, prononcer la mesure litigieuse, qui ne présente pas le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ;
Considérant, toutefois, qu'en l'absence de caractère disciplinaire, la mesure de remise à disposition ne pouvait être prononcée sans qu'un préavis de trois mois fût respecté, à moins d'un commun accord entre les parties visant à réduire le délai de préavis ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date du 12 décembre 2001, un accord serait intervenu entre le président de l'EFS et le directeur du Centre hospitalier départemental Félix Guyon pour réduire le délai de préavis, dans les conditions prévues à l'article 7 de la convention du 6 décembre 1999 ; que, par suite, la décision du 12 décembre 2001, par laquelle le président de l'EFS a décidé de remettre sans délai M. à disposition du Centre hospitalier départemental Félix Guyon, est illégale, mais seulement en tant qu'elle prend effet avant l'expiration du délai de trois mois qu'imposaient les stipulations précitées ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé en totalité cette décision et a ordonné à l'EFS de réintégrer M. ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant que, si, ainsi qu'il a été dit précédemment, elles sont entachées d'illégalité pour avoir été prises selon une procédure irrégulière, les mesures de suspension des 23 novembre et 6 décembre 2001 n'en étaient pas moins justifiées par la nécessité, compte tenu du comportement adopté par M. à l'égard du nouveau directeur, de ne pas compromettre le bon fonctionnement et la réputation de l'établissement de transfusion sanguine de la Réunion ; que, dans ces conditions, cette illégalité, pour fautive qu'elle soit, n'est pas de nature à engager la responsabilité de l'EFS à l'égard de M. ; que l'illégalité dont est entachée la décision du 12 décembre 2001 et tenant au défaut de respect du préavis de trois mois, est en revanche constitutive d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'EFS à l'égard de M. ; que, toutefois, M. ne saurait prétendre obtenir réparation des pertes de rémunérations subies du fait de l'absence de paiement des astreintes opérationnelles durant la période de préavis de trois mois, dès lors que ces compléments de rémunération ne sont prévus par son statut qu'en contrepartie de services d'astreintes effectivement assurés et non récupérés ; que, s'il soutient avoir dû renoncer aux projets professionnels qu'il pouvait légitimement espérer mettre en oeuvre au sein de l'EFS et avoir subi une modification dans ses conditions de travail, de tels changements dans ses conditions d'existence ne sont pas imputables à l'illégalité entachant la décision du 12 décembre 2001, qui consiste seulement, ainsi qu'il a été dit, dans le non-respect du préavis ; qu'il en est de même en ce qui concerne sa demande tendant à l'octroi d'une somme destinée à réparer le préjudice compensant son défaut de réintégration définitive à l'EFS ; que l'atteinte à sa réputation résultant du défaut de respect du préavis n'est pas démontrée ; que M. a droit, en revanche, à la réparation des troubles dans les conditions d'existence subis du fait du non-respect du préavis ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant à 2 000 euros le montant de l'indemnité destinée à le réparer ; qu'il y a lieu, dès lors, de réformer également le jugement attaqué sur ce point ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. a droit aux intérêts au taux légal afférents à l'indemnité de 2 000 euros à compter du 15 janvier 2002, date d'enregistrement de sa requête devant le tribunal administratif ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 20 janvier 2003 ; qu'à cette dernière date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1134 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La décision du président de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG en date du 12 décembre 2001 mettant fin à la mise à disposition de M. est annulée en tant seulement qu'elle a pris effet avant le 12 mars 2002.
Article 2 : La somme que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG a été condamné à verser à M. par l'article 3 du jugement attaqué est ramenée à 2 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la saisine du tribunal administratif. Les intérêts échus le 20 janvier 2003 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion en date du 16 octobre 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
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Nos 02BX02645,03BX00136