Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 29 septembre 2003, présentée pour M. Jean Gervais X, demeurant ..., par Me Nicole Sabiani, avocat au barreau de Toulouse ;
M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 2 juin 2003, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 février 1999 du ministre de l'éducation nationale rejetant sa demande de révision de son classement à compter du 10 mars 1986;
2°) d'annuler ladite décision ainsi que les décisions des 28 novembre 1986 et 10 septembre 1987 en ce qu'elles prononcent son classement au 9ème échelon de la catégorie 2A des personnels techniques contractuels en fonction dans les établissements relevant de la direction des enseignements supérieurs ;
3°) de prescrire au ministre de l'éducation nationale de procéder à la reconstitution de sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le décret n° 59-1405 du 9 décembre 1959 modifié fixant le statut des personnels techniques et administratifs du centre national de la recherche scientifique ;
Vu le décret n° 79-831 du 27 septembre 1979 pris pour l'application de l'article 21 de la loi de finances rectificative pour 1977 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2006 :
- le rapport de M. Dronneau ;
- et les conclusions de M. Valeins, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de M. X, le conseiller délégué du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur un moyen relevé d'office et tiré des conditions de légalité du retrait d'une décision administrative individuelle créatrice de droits ; qu'un tel moyen n'est pas d'ordre public ; qu'au surplus, en méconnaissance de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties n'en ont pas été informées préalablement à la séance de jugement ; qu'ainsi, le jugement attaqué est , en tout état de cause, entaché d'irrégularité ; que, par suite, M. X est fondé à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. X tant devant le tribunal administratif de Toulouse que devant la cour ;
Considérant que M. X, recruté le 10 juillet 1981 comme chargé de mission à l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer (ANIFOM), était parvenu le 1er mars 1985 au grade de chargé de mission hors catégorie ; qu'il a sollicité en février 1986 son classement dans les conditions énoncées par le décret n° 79-831 du 27 septembre 1979, dont l'article 1er prévoit que les agents de l'ANIFOM bénéficient d'une garantie de reclassement, prévue par la loi du 30 décembre 1977, lorsque l'emploi sur lequel ils sont affectés est supprimé et s'il n'existe pas de possibilité de réemploi au sein même de l'agence ; que, par arrêté du 13 mars 1986, M. X a été recruté en qualité d'agent contractuel stagiaire en catégorie 0A, à savoir la catégorie des personnels relevant de la direction des personnels d'enseignements supérieur et installé, le 27 mars 1986, à l'Université Toulouse le Mirail ; que le recrutement a été effectué sur un poste correspondant à une situation d'ingénieur hors catégorie A, dit 0A, type CNRS au ministère de l'éducation nationale ; que, cependant, dès le 4 mai 1986, le ministre de l'éducation nationale a précisé dans une lettre adressée au président de l'Université Toulouse le Mirail, que l'engagement définitif de M. X dans la hors catégorie était subordonné à l'avis favorable de la commission de dérogation de titres et qu'en cas d'avis défavorable , il devrait être reclassé dans une catégorie inférieure, en bénéficiant d'une indemnité compensatrice ; que, le 3 juin 1986, le ministre de l'éducation nationale a informé M. X que la commission avait émis un avis favorable à son recrutement en deuxième catégorie A (catégorie 2A) ; que, par lettre du 17 juillet 1986, M. X faisait connaître au ministre de l'éducation nationale qu'il acceptait cette proposition de reclassement en deuxième catégorie A, assortie d'une indemnité compensatrice ; que, par arrêté du 28 novembre 1986, retiré et remplacé par un arrêté du 10 septembre 1987, M. X était recruté comme contractuel à durée indéterminée à compter du 10 mars 1986 et reclassé au 9ième échelon de la deuxième catégorie A ; que l'intéressé a adressé le 17 décembre 1998, soit plus de onze ans après cette décision, une réclamation au ministre de l'éducation nationale aux fins de révision des conditions de son recrutement et de reconstitution de sa carrière par nomination en hors catégorie, dès son recrutement le 10 mars 1986 ; que M. X relève appel du jugement en date du 2 juin 2003, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie du 5 février 1999 rejetant sa demande du 17 décembre 1998 ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 28 novembre 1986 et la « décision » du 3 juin 1986 :
Considérant, d'une part, que l'arrêté du 28 novembre 1986 avait été retiré et remplacé par l'arrêté du 10 septembre 1987 quand la demande de M. X a été enregistrée le 7 avril 1999 devant le tribunal administratif de Toulouse ; que, par suite, les conclusions dirigées contre l'arrêté du 28 novembre 1986 ne sont pas recevables ;
Considérant, d'autre part, que, la lettre du 3 juin 1986, par laquelle le ministre de l'éducation nationale s'est borné à informer l'intéressé que la commission de dérogation de titres avait émis un avis favorable à son recrutement en deuxième catégorie A (catégorie 2A) , ne présente pas le caractère d'une décision administrative individuelle, mais d'un acte préparatoire, qui n'est pas susceptible de faire grief au requérant ; que, par suite, l'intéressé n'est pas recevable à en demander l'annulation ;
Au fond, sur la légalité des décisions des 10 septembre 1987 et 5 février 1999 :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret du 9 décembre 1959 fixant le statut des personnels contractuels techniques et administratifs du centre national de la recherche scientifique : « Nul ne peut occuper un emploi et être classé dans la catégorie correspondante , s'il ne possède la qualification exigée, telle qu'elle est définie aux articles 7-1 à 20 inclus, ou un diplôme délivré par un établissement d'enseignement public ou privé et dont la valeur aura été déterminée par une commission présidée par le directeur général du centre national de la recherche scientifique et composée de personnalités scientifiques (...). Toutefois, il pourra être dérogé à cette disposition après avis d'une commission nommée par le directeur général du centre national de la recherche scientifique (...) » ; qu'aux termes de l'article 7-1 du même décret : « Les emplois de la hors catégorie sont réservés à des agents assurant des fonctions comportant des responsabilités exceptionnelles, tels que, notamment, chef de projet, chef de service technique, responsable d'équipements ou d'instruments d'une importance particulière. Les personnes appelées à exercer ces fonctions doivent 1° - Soit justifier de l'un des titres ou diplômes prévus à l'article 8 et de cinq années de pratique professionnelle accomplies dans un emploi leur ayant permis d'acquérir ou de compléter la qualification nécessaire pour exercer lesdites fonctions ; 2°- Soit appartenir à la première catégorie A ; 3°- Soit avoir atteint le 6ème échelon de la 2° catégorie A... » ; que l'article 8 dudit décret mentionne les titres d'agrégés, de docteurs d'Etat, d'archiviste paléographes et de docteurs ingénieurs ou de 3ème cycle ou des diplômes d'ingénieurs ; qu'il est constant que M. X ne possédait aucun des titres ou diplômes énumérés par l'article 8 du décret du 9 décembre 1959 et qu'il n'appartenait à aucune autre des catégories des personnels susmentionnées par les dispositions de l'article 7-1 précité;
Considérant que le ministre de l'éducation nationale a produit le compte rendu de la réunion de la commission, prévue à l'article précité dudit décret, statuant sur le cas de M. X en vue de son éventuel classement en hors catégorie, dressé par son président, le 23 juin 1986 ; qu'un tel document établit que la commission concernée a été préalablement consultée par l'administration; que, par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de ladite commission doit être écarté ;
Considérant que M. X a été recruté par le centre national de la recherche scientifique sur un emploi d'ingénieur pour assurer une mission d'audit sur l'ensemble de la recherche de l'établissement ; qu'une telle fonction ne comportant pas de responsabilités exceptionnelles telles que « chef de projet, chef de service technique, responsable d'équipement ou d'instruments d'une importance particulière » au sens des dispositions précitées de l'article 7 ;1 du décret du 9 décembre 1959, le ministre de l'éducation nationale a pu régulièrement, au vu de l'avis de la commission qui n'était pas favorable au classement de l'intéressé à la hors catégorie A, le recruter, par l'arrêté du 10 septembre 1987, dans la catégorie 2A à compter du 10 mars 1986, date de son admission comme stagiaire ; que l'appréciation qu'avait à porter l'administration s'effectuant au vu des fonctions pour lesquelles M. X était recruté et non pas de celles qu'il avait antérieurement occupées, ladite décision n'est entachée ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'aux termes de l'article 21 du décret du 9 décembre 1959 susmentionné : « L'engagement définitif des agents sur contrat est précédé d'un stage probatoire de six mois de service effectif renouvelable une seule fois pour une durée maximum de six mois (...) » ; qu'aux termes de l'article 22 modifié du même décret : « A l'expiration de la période de stage, il est pris, selon la procédure prévue à l'article 21 du présent décret, une décision confirmant l'engagement ou y mettant fin (...). Lorsque l'engagement est confirmé, les agents sont classés à l'échelon de début de la catégorie (...) » ; que l'engagement définitif de M. X par le CNRS était conditionné par la réalisation d'un stage probatoire de six mois ; que si l'arrêté du 13 mars 1986, le recrutant en qualité de stagiaire à compter du 10 mars 1986, disposait qu'il recevrait la rémunération « afférente au 1er échelon de la catégorie 0A » (correspondant au classement « hors catégorie A » au sens de l'article 7-1 du décret du 9 décembre 1959 précité), cette décision était subordonnée à ce que son stage soit jugé satisfaisant et que la commission visée par l'article 6 du même décret - dont il est constant qu'elle n'avait pas été consultée avant le recrutement de l'intéressé comme stagiaire à ce niveau de rémunération - le soit avant le recrutement définitif ; qu'ainsi cet arrêté ne constituait pas une décision créatrice de droits devenue définitive que le ministre n'aurait pu légalement retirer par l'arrêté du 10 septembre 1987 ; qu'au surplus, la nomination de M. X comme stagiaire sur un emploi qui ne comportait pas de responsabilités exceptionnelles selon une rémunération « hors catégorie A », n'a pu lui conférer aucun droit à un engagement définitif aux mêmes conditions ni porter atteinte au pouvoir de l'autorité compétente de vérifier, à l'occasion du recrutement comme contractuel à durée indéterminée, si le requérant remplissait les conditions exigées pour l'accès à l'emploi dont s'agit ; qu'ainsi M. X n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 10 septembre 1987 méconnaîtrait les droits acquis qu'il aurait prétendument tenus de l'arrêté du 13 mars 1986 ;
Considérant que l'arrêté du 10 septembre 1987 n'étant pas illégal, l'administration n'était pas tenue, par la décision attaquée du 5 février 1999, de faire droit à la demande de reclassement de M. X selon les éléments de sa rémunération comme stagiaire, à compter du 10 mars 1986 ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la demande présentée par l'intéressé devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. X, n'implique pas nécessairement que l'administration prenne une décision dans un sens déterminé ; que, par suite, les conclusions de M. X, tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale de procéder à la reconstitution de sa carrière, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 2 juin 2003 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.
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No 03BX02024