Vu la requête, enregistrée le 20 août 2002, présentée pour M. et Mme Hector X, élisant domicile ..., par Me de Caunes ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 99/2531 du 17 mai 2002 par lequel le Tribunal administratif de Cayenne a rejeté leur demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il ont été assujettis au titre des années 1991, 1992 et 1993, ainsi que des pénalités dont il a été assorti ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
……………………………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 septembre 2006 :
- le rapport de Mme Leymonerie, rapporteur ;
- les observations de Me Laumonier, pour M. X ;
- et les conclusions de M. Doré, commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision du 26 juin 2003, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de la Guyane a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, de l'impôt sur le revenu mis à la charge de M. et Mme X, à concurrence d'une somme de 40 663,34 euros au titre de l'année 1992 et de 35 220,60 euros au titre de l'année 1993 ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant, d'une part, que la requête de M. X comporte des conclusions et des moyens dirigés contre le jugement du tribunal administratif ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre doit être écartée ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales : « L'administration, ainsi que le contribuable dans la limite du dégrèvement et de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel jusqu'à la clôture de l'instruction … » ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient l'administration, un contribuable est recevable, dans la limite des montants visés dans sa réclamation, à contester, pour la première fois en appel, la régularité de la procédure d'imposition et le bien-fondé des pénalités ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la procédure de vérification, pour la période du 5 décembre 1992 au 31 décembre 1993 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : « Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle … ne peut pas être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix » ; que selon l'article L. 54 du même livre : « Les procédures de fixation des bases d'imposition ou de rectification des déclarations relatives aux revenus provenant d'une activité dont les produits relèvent de la catégorie des bénéfices agricoles, des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux ou des revenus visés à l'article 62 du code général des impôts, sont suivies entre l'administration des impôts et celui des époux titulaire des revenus … » ; qu'enfin, l'article L. 54 A dudit livre prévoit que : « Sous réserve des dispositions des articles L. 9 et L. 54, chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits à l'un des conjoints ou notifiés à l'un d'eux sont opposables de plein droit à l'autre » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a, par un avis réceptionné le 10 août 1994, averti M. X de ce qu'il allait faire l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle et lui a demandé des informations sur sa situation familiale ; que les requérants, alors que M. X n'a informé l'administration fiscale de son mariage intervenu le 4 décembre 1992 qu'au cours d'un entretien le 26 octobre 1994, et a été ensuite avisé le 25 novembre 1994 que la procédure de vérification concernait son épouse depuis la date de leur mariage, ne sont pas fondés à soutenir qu'à défaut d'avoir été personnellement avertie de la vérification, Mme X a été privée d'une procédure contradictoire de vérification ; qu'enfin et en tout état de cause, les redressements restant en litige, notifiés au titre des revenus distribués, ressortent d'un contrôle sur pièces ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure de redressement :
S'agissant de la notification pour la période du 1er janvier 1991 au 4 décembre 1992 :
Considérant que si les notifications de redressements du 16 décembre 1994 et du 15 septembre 1995 relatives à la période du 1er janvier 1991 au 4 décembre 1992 étaient libellées au nom de « M. ou Mme X » alors qu'en application des dispositions de l'article L. 54 précitées, les procédures de rectification des déclarations relatives aux bénéfices industriels et commerciaux sont suivies par l'administration avec le conjoint titulaire des revenus, cette circonstance n'a pas été de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition suivie à l'égard de M. X dès lors que les notifications le concernaient et lui sont parvenues ;
S'agissant de la notification pour la période du 5 décembre 1992 au 31 décembre 1993 :
Considérant que, pour la période du 5 décembre 1992 au 31 décembre 1993, les notifications de redressements du 16 décembre 1994 et du 15 septembre 1995 ont été adressées à « M. ou Mme X » conformément à leur situation matrimoniale ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation … Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée » ; que les notifications de redressements du 16 décembre 1994 et du 15 septembre 1995, après avoir mentionné les dispositions du code général des impôts sur le fondement desquelles les redressements ont été effectués, exposent en termes clairs les motifs de droit et de fait des redressements contestés ; qu'ainsi, elles étaient suffisamment motivées pour permettre à M. et Mme X de faire valoir utilement leurs observations ainsi qu'ils l'ont fait ;
Considérant que les requérants ne peuvent utilement invoquer l'instruction administrative du 17 janvier 1978 numérotée 13 L-1513 qui, traitant de questions relatives à la procédure d'imposition, ne peut pas être regardée comme comportant une interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
S'agissant de la mise en recouvrement des impositions supplémentaires pour la période du 5 décembre 1992 au 31 décembre 1993 :
Considérant que si aux termes de l'article 6 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : « 1. Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu … sauf application des dispositions 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elle. Cette imposition est établie au nom de l'époux précédé de la mention Monsieur ou Madame … », la seule circonstance que sur l'avis de mise en recouvrement des impositions supplémentaires ne figure que le nom de M. X, à l'exclusion de celui de son épouse, est sans influence sur la régularité de l'imposition ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le montant en base des sommes mises en recouvrement au titre de l'année 1991 n'excède pas les montants en base retenus dans la notification de redressements pour ladite année ; que, par suite, le moyen du requérant tiré d'une mise en recouvrement excédant les redressements notifiés manque en fait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'erreur de l'administration portant atteinte aux droits de la défense au cours des procédures de vérification et de redressement, M. et Mme X ne sauraient utilement demander l'application des dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les revenus distribués :
Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : « 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices » ; que, selon l'article 110 du même code : « Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'application de l'impôt sur les sociétés … » ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale n'a pas intégré dans les revenus distribués par la société à responsabilité limitée X la totalité des sommes comptabilisées au poste « sous-traitance » qui, selon les requérants, correspondraient aux charges de rémunération de travailleurs clandestins, mais a limité le redressement aux charges comptabilisées à ce poste dont la société n'avait pas apporté la justification ; que dans la présente instance, les contribuables ne justifient pas de la preuve de la réalité des charges restant en litige en se bornant à affirmer, sans d'ailleurs l'établir, que d'autres taxes ayant pour base les charges de personnel auraient été assises sur la totalité du montant des sommes figurant en comptabilité au poste « sous-traitance » ;
Considérant, d'autre part, qu'en se bornant à soutenir qu'il n'ont pas bénéficié au titre de l'année 1991 de versements provenant de la société X ou de tiers, les requérants n'apportent pas la preuve qui leur incombe, par suite de la procédure de taxation d'office dont ils ont été l'objet pour cette période, de l'inexistence de distributions résultant de la remise en cause des charges comptabilisées dans le poste « achats » et des charges déduites au titre des dépenses payées pour des tiers ;
Considérant, enfin, que M. X, gérant de la société X et détenteur de 99 % des parts de celle-ci, devait être regardé comme le seul et véritable maître de l'affaire ; que, durant l'année 1992, la société a mis gratuitement un appartement à sa disposition ; que des dépenses personnelles telles que la scolarité de sa fille et des travaux effectués dans son appartement ont été également prises en charge par la société ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que les charges non engagées dans l'intérêt de l'entreprise durant les années en litige constituent dans leur intégralité des revenus distribués imposables au nom de M. X dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers ;
En ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux :
Considérant qu'aux termes de l'article 34 du code général des impôts : « Sont considérés comme des bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale … » ; que selon l'article 92 du même code : « 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus … » ; qu'enfin, aux termes de l'article 111 dudit code : « Sont notamment considérés comme des revenus distribués : … c) les rémunérations et avantages occultes … » ;
Considérant que la société X a inscrit au crédit du compte courant d'associé de M. X une somme de 1 578 275 francs (240 606,47 euros) en règlement d'une facture de vente de latérite ; que l'administration a imposé, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, cette somme mise à la disposition de M. X ;
Considérant que cette vente isolée ne peut être regardée, en l'absence de toute autre précision en dehors du volume du matériau qui, en lui-même, ne permet pas de qualifier l'activité, comme provenant de l'exercice d'une profession commerciale de M. X et alors que l'administration ne soutient pas que ce dernier serait, par ailleurs, exploitant de mines ou de carrières ; qu'elle ne saurait davantage être assimilée, comme le soutient l'administration, à une occupation ou exploitation lucrative ou source de profits au sens de l'article 92 précité, ni à titre subsidiaire, à des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c) de l'article 111 précité dès lors qu'il n'est pas contesté que la somme inscrite au compte courant de l'associé a eu pour contrepartie la vente de matériaux ; que le revenu issu de cette opération a été imposé, en conséquence, dans une catégorie d'impôt erronée ; qu'il convient de prononcer la décharge de l'impôt correspondant ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : « … 3. La majoration visée au 1 est portée à : 40 % lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à le produire dans ce délai … » et que selon l'article 1729 du même code : « 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales » ;
Considérant, d'une part, que M. X n'a pas souscrit de déclaration d'impôt sur le revenu au titre de l'année 1991 dans les trente jours d'une première mise en demeure ; que, par suite, c'est à bon droit que la majoration de 40 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts a été appliquée aux majorations maintenues ; qu'aucune erreur non substantielle de procédure d'imposition au titre de la vérification de l'année 1991 ne justifie la décharge de ces pénalités en application du 1er alinéa de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
Considérant, d'autre part, que les carences de la comptabilité de la société X et l'existence de minoration de recettes ne suffisent pas, dans les circonstances de l'espèce, à établir la mauvaise foi de M. X dans ses déclarations personnelles de revenus ; qu'il convient, dès lors, d'accorder au requérant la décharge des pénalités pour mauvaise foi qui lui ont été assignées au titre de l'article 1729 du code général des impôts, pour les années 1992 et 1993 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cayenne a rejeté leur demande en tant qu'elle tendait à la décharge de l'impôt correspondant au produit de la vente de latérite et des pénalités pour mauvaise foi afférentes aux compléments d'imposition des années 1992 et 1993 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à verser à M. et Mme X une somme de 1300 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence des sommes de 40 663,34 euros et de 35 220,60 euros, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu auquel M. et Mme X ont été assujettis au titre respectivement des années 1992 et 1993, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête.
Article 2 : La base de l'impôt sur le revenu assignée à M. X au titre de l'année 1991 est réduite d'une somme de 240 606,47 euros (1 578 275 francs).
Article 3 : M. et Mme X sont déchargés des droits et pénalités correspondant à la réduction de base d'imposition définie à l'article 2, ainsi que des pénalités pour mauvaise foi afférentes au complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre des années 1992 et 1993.
Article 4 : Le jugement n° 99/2531 en date du 17 mai 2002 du Tribunal administratif de Cayenne est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à M. et Mme X une somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X est rejeté.
7
N° 02BX01734