Vu, I, la requête, enregistrée sous le numéro 04BX01907 au greffe de la Cour le 22 novembre 2004, présentée pour Mme Catherine X, domiciliée ..., par Me Mayet ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 septembre 2004, en tant que le Tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 8 février 1994, par laquelle le maire de Tarbes a ordonné son transport au centre hospitalier de Lannemezan , de la décision, en date du 8 février 1994, par laquelle le directeur du centre hospitalier spécialisé de Lannemezan l'a transférée et l'a admise au centre hospitalier, de la décision, en date du 8 mars 1994, par laquelle le directeur du centre hospitalier spécialisé de Lannemezan l'a maintenue contre son gré, de l'arrêté, en date du 9 février 1994, par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a décidé de son hospitalisation d'office, pour une période d'un mois, de l'arrêté, en date du 10 mars 1994, par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a décidé du maintien de cette hospitalisation d'office, pour une période de trois mois, de l'arrêté, en date du 8 juin 1994, par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a décidé du maintien de l'hospitalisation d'office, pour une période de six mois ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et du centre hospitalier spécialisé de Lannemezan une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu, II, la requête, enregistrée sous le numéro 04BX01909 au greffe de la Cour le 22 novembre 2004, présentée pour la COMMUNE DE TARBES, représentée par son maire, par la SCP Petit Piedbois ;
La COMMUNE DE TARBES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 septembre 2004, en tant que le Tribunal administratif de Pau a annulé la décision en date du 8 février 1994, par laquelle son maire a décidé que Mme X serait conduite au centre hospitalier spécialisé de Lannemezan pour y être provisoirement hospitalisée d'office ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Pau ;
3°) de mettre à la charge de Mme X une somme de 800 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2006 :
- le rapport de Mme Billet-Ydier, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Péano , commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de la COMMUNE DE TARBES et de Mme X sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;
Considérant que Mme X demande l'annulation du jugement, en date du 21 septembre 2004, en tant que le Tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 8 février 1994, par laquelle le maire de Tarbes a ordonné son transport au centre hospitalier de Lannemezan, de la décision, en date du 8 février 1994, par laquelle le directeur du centre hospitalier spécialisé de Lannemezan l'a transférée et l'a admise au centre hospitalier, de la décision, en date du 8 mars 1994, par laquelle le directeur du centre hospitalier spécialisé de Lannemezan l'y a maintenue contre son gré, de l'arrêté, en date du 9 février 1994, par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a décidé de son hospitalisation d'office, pour une période d'un mois, de l'arrêté, en date du 10 mars 1994, par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a décidé de son maintien en hospitalisation d'office, pour une période de trois mois, de l'arrêté, en date du 8 juin 1994, par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a décidé de son maintien en hospitalisation d'office, pour une période de six mois ; que la COMMUNE DE TARBES demande l'annulation du même jugement, en tant que le Tribunal administratif de Pau a annulé la décision, en date du 8 février 1994, par laquelle son maire a décidé que Mme X serait conduite au centre hospitalier spécialisé de Lannemezan pour y être provisoirement hospitalisée d'office ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que la fin de non-recevoir opposée par le préfet des Hautes-Pyrénées, tirée de ce que la requête serait irrecevable au motif quelle n'aurait pas été accompagnée de la notification et de la copie du jugement attaqué avant l'expiration du délai d'appel, manque en fait ;
Considérant que la requête introductive d'instance de Mme X est suffisamment motivée ;
Considérant que la circonstance, à la supposer établie, que Mme X aurait admis l'utilité de la mesure d'hospitalisation d'office prise à son égard, est sans influence sur l'intérêt à agir de l'intéressée à l'encontre des décisions prononçant ladite mesure ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors en vigueur, : « les délais de recours contre une décision déférée au tribunal ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. » ;
Considérant que la notification de la décision, en date du 8 février 1994, par laquelle le maire de Tarbes a requis le directeur du centre hospitalier spécialisé de Lannemezan aux fins de transporter Mme X dans cet établissement, ne précisait pas les voies et délais de recours ; que celle des arrêtés du préfet des Hautes-Pyrénées, en date des 9 février, 10 mars et 8 juin 1994, n'indiquaient pas les voies et délais de recours ; que par suite, nonobstant la connaissance acquise manifestée par le recours administratif exercé par l'intéressée, le 16 septembre 1994, l'expiration du délai de recours ne lui était pas opposable ;
Considérant que Mme X soutient que la décision, en date du 8 février 1994, par laquelle le maire de Tarbes a requis le directeur du centre hospitalier spécialisé de Lannemezan aux fins de la transporter dans cet établissement constitue une décision susceptible d'un recours pour excès de pouvoir ; que le maire de Tarbes a, par arrêté en date du 8 février 1994, ordonné que Mme X, soit immédiatement conduite à l'hôpital de Lannemezan pour y être provisoirement hospitalisée d'office, que la décision de la même date, par laquelle cette autorité a requis le directeur dudit centre hospitalier aux fins de transport de l'intéressée, constitue une mesure d'exécution de l'arrêté susmentionné et ne présente pas le caractère d'une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;
Considérant que Mme X soutient que la décision, en date du 8 février 1994, par laquelle le directeur du centre hospitalier spécialisé de Lannemezan l'a transportée et admise dans cet établissement constitue une décision susceptible d'un recours pour excès de pourvoir ; que, lorsqu'il admet ou maintient dans son établissement un malade dont l'autorité compétente a ordonné l'hospitalisation d'office ou le maintien de l'hospitalisation d'office, le directeur d'un établissement psychiatrique se borne à exécuter cet ordre et ne prend pas lui-même une nouvelle décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que la mesure ainsi prise par le directeur du centre hospitalier ne perd pas son caractère d'acte ne faisant pas grief du fait que, postérieurement à la date de son intervention, l'arrêté prononçant ou maintenant l'hospitalisation d'office a été annulé par le juge administratif ;
Considérant que Mme X soutient que le maintien de son hospitalisation par le directeur du centre hospitalier de Lannemezan, au-delà du délai pendant lequel la décision initiale d'hospitalisation d'office pouvait produire ses effets, est entachée d'illégalité ; qu'il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire d'apprécier la légalité des décisions de maintien en internement en l'absence de décision de prorogation ; que les conclusions tendant à l'annulation de la décision de maintien en internement de l'intéressée ont été rejetées, à bon droit par le tribunal administratif, comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Considérant que, dans ces conditions, la commune de Tarbes et le préfet des Hautes-Pyrénées ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli certaines des conclusions de la demande de Mme X et que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses autres conclusions ;
Sur la légalité de l'arrêté du 8 février 1994 du maire de Tarbes :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 343 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : « En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au préfet qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'hospitalisation d'office dans les formes prévues à l'article L. 342. Faute de décision préfectorale, ces mesures provisoires sont caduques au terme d'une durée de quarante ;huit heures » ; qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : « (…) doivent être motivées les décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police » ; que, selon l'article 3 de la même loi, la motivation ainsi exigée « doit (…) comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ; qu'aux termes de l'article 4 du même texte : « Lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une décision soit motivée, le défaut de motivation n'entache pas d'irrégularité cette décision (…) » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative, lorsqu'elle prononce une mesure d'hospitalisation d'office à titre provisoire, doit indiquer, dans sa décision, les éléments de droit et de fait qui justifient cette mesure, sauf lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une telle décision soit motivée ; que, si elle peut satisfaire à cette exigence de motivation en se référant à un avis médical, c'est à la condition de s'en approprier le contenu et de joindre cet avis à la décision ;
Considérant que l'arrêté du maire de Tarbes ordonnant l'hospitalisation d'office de Mme X ne précise pas les éléments de fait qui justifient cette mesure provisoire ; que s'il fait référence à un certificat médical établi le même jour, il ne déclare pas, en tout état de cause, s'en approprier le contenu ; que, dans ces conditions, et quel que soit le contenu de ce certificat médical, l'arrêté du 8 février 1994 ne peut être regardé comme suffisamment motivé ; que, par suite, la COMMUNE DE TARBES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé, pour ce motif, ledit arrêté ;
Sur la légalité de l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées en date du 9 février 1994 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 342 du code de santé publique, dans sa rédaction alors applicable : « A Paris, le préfet de police et, dans les départements, les préfets prononcent par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'hospitalisation d'office dans un établissement mentionné à l'article L. 331 des personnes dont les troubles mentaux compromettent l'ordre public ou la sûreté des personnes. Le certificat médical circonstancié ne peut émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire (...) » ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative, lorsqu'elle prononce l'hospitalisation d'office d'un aliéné, doit indiquer dans sa décision les éléments de droit et de fait qui justifient cette mesure ; que si elle peut satisfaire à cette exigence de motivation en se référant au certificat médical circonstancié qui doit être nécessairement établi avant la décision préfectorale, c'est à la condition de s'en approprier le contenu et de joindre ce certificat à la décision ;
Considérant que l'arrêté contesté vise l'arrêté du maire de Tarbes du 8 février ordonnant la mise en dépôt de Mme X et le certificat médical, du docteur Jean, praticien au centre hospitalier spécialisé de Lannemezan ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du maire de Tarbes ne précise pas les considérations de fait qui en constituent le fondement ; que s'il vise un certificat médical établi le même jour par le docteur Lefèvre, il ne déclare pas s'en approprier les motifs ; qu'il n'est pas établi que ce document ait été annexé à l'arrêté du maire de Tarbes ; que, dès lors, l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées en date du 9 février 1994 qui ne vise pas le certificat médical établi par le docteur Lefèvre et ne s'en approprie pas le contenu et dont il n'est pas établi qu'il aurait été joint audit arrêté, est insuffisamment motivé au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;
Sur la légalité des décisions de maintien en hospitalisation :
Considérant que l'arrêté initial d'hospitalisation d'office, en date du 9 février 1994 étant annulé par le présent arrêt, l'irrégularité de la procédure d'admission ainsi sanctionnée vicie celle de maintien en hospitalisation ; que la requérante est par suite fondée à soutenir que les décisions de maintien, en date des 10 mars et 8 juin 1994, sont illégales ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle :
Considérant que Mme X n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'elle soit condamnée à verser à la commune de Tarbes et au centre hospitalier spécialisé de Lannemezan la somme qu'ils réclament en remboursement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant que, Mme X ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros à verser à la SCP Mayet Dervieux Perrault avocat de Mme X, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Pau du 21 septembre 2004 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme X tendant à l'annulation des arrêtés du préfet des Hautes-Pyrénées en date des 9 février, 10 mars et 8 juin 1994 prescrivant et maintenant l'hospitalisation d'office de l'intéressée.
Article 2 : Les arrêtés du préfet des Hautes-Pyrénées en date du 9 février 1994 ordonnant l'hospitalisation d'office de Mme X et les arrêtés de maintien en hospitalisation d'office des 10 mars et 8 juin 1994 de l'intéressée sont annulés.
Article 3 : La requête de la COMMUNE DE TARBES est rejetée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme X et du centre hospitalier spécialisé de Lannemezan est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 300 euros à la SCP Mayet Dervieux Perrault avocat de Mme X, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite SCP renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
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N°04BX01907,04BX01909