Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 17 juillet 2003 sous le n° 03BX1468, présentée pour la COMMUNE DE CREGOLS représentée par son maire en exercice par la SCP Faugère ;
Elle demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 avril 2003 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, annulé l'arrêté du maire de la COMMUNE DE CREGOLS en date du 13 octobre 2000 en tant qu'il prescrivait l'arrêt du fonctionnement d'une micro-centrale hydroélectrique exploitée par la société Saint Martin Labouval et, d'autre part, condamné la COMMUNE DE CREGOLS à verser à ladite société une somme de 20 000 euros assortie des intérêts au taux légal ;
2°) de rejeter la demande de la société Saint Martin Labouval ;
3°) de condamner la société Saint Martin Labouval à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu l'ensemble des pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement convoquées à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2006 :
- le rapport de Mme Fabien, premier conseiller,
- les observations de Me Larrouy-Castera, avocat de la SNC Saint Martin Labouval,
- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales : « En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances » ; qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : « La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : …5° le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels… » ;
Considérant qu'en 1998, des désordres ont été constatés sur la voie départementale n° 8 à Crégols et notamment l'affaissement du mur de soutènement de cette voie, dans sa portion longeant le canal d'amenée d'eau alimentant, à partir du Lot, la micro-centrale hydroélectrique exploitée par la société Saint Martin Labouval ; que les rapports de deux bureaux d'étude géotechnique ont mis en cause les variations du niveau d'eau dans ce canal d'amenée ; qu'à la demande du directeur départemental de l'équipement du Lot et sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, le maire de Crégols a interdit, par arrêté du 13 octobre 2000, l'accès à la plate-forme de la micro-centrale et à la digue attenante, ainsi que la poursuite de l'exploitation de la micro-centrale au motif qu'elle contribuerait à la détérioration des terrains d'assise de la voie et présenterait, en cas d'affaissement de ceux-ci, un danger pour la sécurité publique ; que, cependant, l'expert, désigné par ordonnance du juge des référés administratifs du 22 janvier 2001, concluait, à l'issue des opérations d'expertise, à l'absence de risque généré par le fonctionnement de la micro-centrale ; qu'il estimait, en particulier, qu'un effondrement de la route départementale dans le canal d'amenée d'eau serait uniquement susceptible d'empêcher l'exploitation de la micro-centrale en la privant d'alimentation en eau ; que le maire de Cregols abrogeait alors, par arrêté du 18 septembre 2001, l'interdiction d'exploiter la micro-centrale ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 13 octobre 2000 en tant qu'il avait prescrit cette interdiction et a condamné la COMMUNE DE CREGOLS à verser une indemnité de 20 000 euros à la société Saint Martin Labouval ;
Sur la légalité de l'arrêté du 13 octobre 2000 :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de l'expert, qu'à la date à laquelle a été prescrit l'arrêt de l'exploitation de la micro-centrale, cette dernière ne constituait pas un danger grave ou imminent pour la sécurité publique ; qu'ainsi , et alors même que le maire s'est borné à prendre une mesure apparaissant indispensable au regard des avis techniques alors portés à sa connaissance, la COMMUNE DE CREGOLS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 13 octobre 2000 en tant qu'il prescrivait ladite mesure au motif qu'elle n'était pas justifiée par les risques existant réellement à la date à laquelle elle a été prise ;
Sur la demande indemnitaire :
Considérant que l'illégalité dont était entaché l'arrêté du 13 octobre 2000 est constitutive, quel que soit le contexte dans lequel il a été pris, d'une faute de nature à engager la responsabilité de la COMMUNE DE CREGOLS ; que la société Saint Martin Labouval est en conséquence fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse n'a retenu cette responsabilité que pour la période postérieure au 6 mars 2001 au motif qu'elle ne pourrait être engagée que sur le terrain de la faute lourde ;
Considérant que la société Saint Martin Labouval a été contrainte de cesser l'exploitation de sa micro-centrale hydroélectrique du 13 octobre 2000 au 18 septembre 2001 ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des résultats d'exploitation des années précédentes, que le manque à gagner qu'elle a subi doit être évalué à 96 770,53 euros hors taxes ; qu'elle justifie en outre, par la production de factures d'un montant de 223,26 euros, 101,40 euros et 4 524,69 euros, de frais de contrôle avant remise en marche de la centrale ainsi que de frais de réparation des installations, nécessitée par leur arrêt prolongé, d'un montant total de 4 849,35 euros hors taxe ; que la facture produite d'un montant de 1 090,01 euros se rapporte en revanche à une autre centrale exploitée par la société requérante ; que cette dernière justifie également de frais d'honoraires d'expertise et de constat d'huissier d'un montant de 15 263,54 euros hors taxe engagés en vue de la résolution du présent litige ; que le montant global de son préjudice doit ainsi être fixé à 116 883,42 euros hors taxe ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y lieu de porter de 20 000 euros à 116 883,42 euros le montant de l'indemnité que la COMMUNE DE CREGOLS doit être condamnée à verser à la société Saint Martin Labouval ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que la société Saint Martin Labouval a droit aux intérêts de la somme de
116 883,42 euros à compter du 5 janvier 2001, date de sa demande préalable d'indemnisation ;
Considérant que la société requérante a demandé la capitalisation des intérêts le 22 août 2002, date à laquelle il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'elle a droit en conséquence à la capitalisation des intérêts échus au 22 août 2002, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Saint Martin Labouval, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la COMMUNE DE CREGOLS la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de condamner la COMMUNE DE CREGOLS à verser à ce titre une somme de 1 300 euros à la société Saint Martin Labouval ;
DECIDE
Article 1er : Le montant de l'indemnité que la COMMUNE DE CREGOLS est condamnée à verser à la société Saint Martin Labouval est porté de 20 000 euros à 116 883,42 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2001. Les intérêts échus à la date du 22 août 2002, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 10 avril 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La COMMUNE DE CREGOLS versera à la société Saint Martin Labouval une somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La requête de la COMMUNE DE CREGOLS est rejetée.
Article 5 : Le surplus de l'appel incident de la société Saint Martin Labouval est rejeté.
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N° 03BX01468