Vu I) la requête enregistrée au greffe de la cour le 17 février 2004, sous le n° 04BX00302, présentée par Me Lucas-Baloup, pour M. Yves X, demeurant ... ;
M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 26 juillet 2002 par laquelle le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées a décidé de prononcer son détachement d'office au sein d'un autre établissement public de santé ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu II) la requête enregistrée au greffe de la cour le 26 mars 2004, sous le n° 04BX00541, présentée par Me Lucas-Baloup, pour M. Yves X, demeurant ... ;
M. X demande à la cour :
1°) de décider qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 17 décembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 26 juillet 2002 par laquelle le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées a décidé de prononcer son détachement d'office au sein d'un autre établissement public de santé ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 84-131 du 24 février 1984 modifié portant statut des praticiens hospitaliers ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mars 2006 :
- le rapport de M. Margelidon, premier conseiller,
- les observations de Me Lorit pour M. Yves X,
- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes n° 04BX00302 et 04BX00541 concernent la situation d'un même fonctionnaire et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par l'acte attaqué en date du 26 juillet 2002, le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées informe M. X, praticien hospitalier, qu'il « a décidé » de prononcer à son encontre « une décision de détachement d'office » et l'invite, en joignant une liste des postes vacants correspondant à sa spécialité, à mettre en oeuvre ladite décision dans « les plus brefs délais » ; qu'eu égard à ses termes, cet acte constitue, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge ; qu'ainsi, le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 17 décembre 2003 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la demande ;
Considérant qu'aux termes de l'article 50 du décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers, dans sa version en vigueur : « (…) Le détachement d'office ne peut être prononcé que lorsque l'intérêt du service l'exige, dans un emploi de même discipline et comportant une rémunération équivalente ; il intervient après avis des instances consultées sur les demandes de mutation sans que les avis prévus à l'article 48 ci-dessus soient requis » ; qu'aux termes de l'article 66 dudit décret : « Les sanctions disciplinaires applicables aux praticiens relevant du présent statut sont : (…) 5. La mutation d'office ; (…) L'avertissement et le blâme sont prononcés par le ministre chargé de la santé, après avis du préfet, du conseil d'administration et de la commission médicale d'établissement de l'établissement où exerce le praticien, (…) ; Les autres sanctions sont prononcées par décision motivée du ministre chargé de la santé après avis du conseil de discipline . (…) » ; qu'il résulte de ces dispositions que le ministre chargé de la santé ne peut prendre la sanction de mutation d'office qu'après avis du conseil de discipline ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que saisie par le chef du service de néphrologie-dialyse du centre hospitalier d'Angoulême où exerçait M. X en raison des plaintes du personnel infirmier à son encontre pour son comportement tant humain que professionnel, la direction de l'établissement de santé a demandé qu'il soit procédé à une inspection ; que le rapport des médecins inspecteurs de santé publique remis en juin 2001 souligne, d'une part, les difficultés relationnelles du requérant avec le personnel ainsi que ses collègues, d'autre part, le refus de ce dernier de s'inscrire dans le projet médical du service et les aspects organisationnels qui en sont la conséquence nécessaire ; que ledit rapport conclut à l'existence de risques en termes de qualité et de sécurité de la prise en charge des patients du fait de la dégradation significative des relations entretenues au sein du service ; qu'il ressort, également, des pièces du dossier que, dans un courrier en date du 20 février 2002, adressé au directeur du centre hospitalier, le préfet de la Charente estimait « indispensable » la mise en oeuvre d‘une « procédure disciplinaire » à l'encontre de M. X ; que tant la commission médicale d'établissement que le conseil d'administration ont été saisis d'une procédure disciplinaire en vertu de l'article 66 du décret précité à l'encontre de M. X ; qu'eu égard à la portée de la mesure prise, qui est équivalente à une mutation d'office, et aux motifs qui avaient justifié la procédure disciplinaire entamée, la décision de détachement d'office finalement prise par le ministre, le 26 juillet 2002, en vertu de l'article 50 précité doit être regardée comme une sanction disciplinaire déguisée prise sans consultation du conseil de discipline donc sur le fondement d'une procédure irrégulière ; que, par suite, M. X est fondé à demander l'annulation de la décision du ministre de la santé du 26 juillet 2002 prononçant à son encontre un détachement d'office ;
Considérant que, par voie de conséquence, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. X tendant à ce que la cour prononce le sursis à exécution du jugement attaqué ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X une somme de 1 300 euros sur le fondement desdites dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 décembre 2003 est annulé.
Article 2 : La décision du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées en date du 26 juillet 2002 est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 300 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 décembre 2003.
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N°s 04BX00302/04BX00541