Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 23 août 2002, présentée pour la SOCIETE CELMAR, dont le siège est Route de Villeneuve sur Lot à Ste Livrade sur Lot (47110), par Me Y... ;
La SOCIETE CELMAR demande à la cour :
1) d'annuler le jugement en date du 28 mai 2002 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1991, 1992 et 1993 ;
2) de prononcer cette décharge ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mars 2006 :
- le rapport de M. Le Gars, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 mars 2006, présentée pour la SA CELMAR ;
Considérant que l'administration a remis en cause le montant du loyer acquitté auprès de la SOVABAIL au titre d'un bail à construction par la SA CELMAR, qui a pour objet l'exploitation d'un supermarché à l'enseigne Intermarché, qu'elle n'a estimé normal qu'à hauteur de 12 000 F sur les 240 000 F portés annuellement en charges déductibles au titre des exercices clos de 1991 à 1993 ; que le tribunal administratif de Bordeaux, qui a estimé, après avoir fait diligenter une expertise, que le loyer annuel normal s'élevait à 71 000 F, a fait droit partiellement à la demande de la SA CELMAR en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ces exercices à l'issue de ce rehaussement de 228 000 F par an de ses bases imposables ; que la SA CELMAR demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il n'a réduit ses bases imposables rectifiées que de la somme annuelle de 59 000 F et demande la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés maintenues à sa charge ;
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : « ... Le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises... » ; que selon l'article 39 du même code : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant... 1° les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, les loyers des immeubles dont l'entreprise est locataire... » ; qu'il appartient au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour écarter comme ne relevant pas d'une gestion normale le loyer de 240 000 F stipulé au bail à construction, le tribunal s'est fondé sur la valeur du terrain nu, qu'il a fixée à la somme de 700 000 F, à laquelle il a affecté, eu égard à la nature du contrat, un taux de rentabilité de 10 % ; qu'il a estimé que le loyer effectivement versé à la SOVABAIL, crédit-bailleur de l'opération ayant pris à bail le terrain litigieux afin de le relouer à la société requérante, était disproportionné par rapport à la valeur locative annuelle du terrain dont s'agit, qui s'élevait ainsi à 71 000 F ; que, toutefois, le montant litigieux du loyer a été négocié le 22 janvier 1985 par la société Scaex Inter Midi Pyrénées, société du groupement Intermarché chargée de la recherche de terrains ou de locaux pour l'implantation de supermarchés, pour la prise à bail commercial, pour une durée de neuf ans auprès des époux X..., agissant pour le compte de la société Sedeac dont ils étaient les principaux actionnaires, de ce terrain qui supportait alors un immeuble à usage industriel ; que cet accord a été passé sous condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire autorisant la construction d'une surface de vente alimentaire ainsi que du financement bancaire nécessaire ; que la société CELMAR, alors en formation, a contracté ce bail commercial le 1er décembre 1985 et entamé la démolition du bâtiment au début de l'année 1986 ; que la société CELMAR, qui ne pouvait obtenir le financement nécessaire à la construction du nouveau bâtiment à usage de supermarché en l'absence de droit réel immobilier, a obtenu des époux X... qu'ils transforment le bail commercial en bail à construction, mais aux mêmes conditions financières outre un surloyer exceptionnel de 160 000 F pour la période allant jusqu'au 20 mars 1987 afin de compenser le surcoût résultant de la nécessité de céder la propriété du terrain litigieux à la société Sedeac qui ne le détenait qu'en vertu d'un bail à construction contracté en 1978 et qui y avait édifié le bâtiment industriel détruit ; que cet avenant au bail initial stipulait que la novation en bail à construction était soumise à la condition suspensive de l'obtention du financement pour la construction projetée faute de quoi le bail commercial initial continuerait à faire foi entre les parties ; que c'est par suite à tort que, pour estimer la valeur locative du terrain et qualifier l'existence et l'étendue de l'acte anormal de gestion, le tribunal s'est fondé sur la valeur d'un terrain nu et non d'un terrain supportant un bâtiment industriel auquel il a affecté un taux de rentabilité correspondant à la nature d'un bail à construction et non d'un bail commercial ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la valeur locative de base de l'immeuble comprenant le bâtiment d'origine et son terrain d'assiette, avant abattement correspondant à la valeur ajoutée par la construction nouvelle par rapport à la valeur du bâtiment ancien et avant majoration correspondant à l'avantage résultant de la promesse de bail commercial à l'échéance des trente ans du bail à construction finalement conclu, peut être estimée à 280 000 F ; que ces abattement et majoration inclus, la valeur peut être arrêtée à la somme 267 000 F ; qu'elle est donc supérieure au montant du loyer annuel en litige qui s'élevait à 240 000 F ; que, par suite, et alors même, d'une part, que le seul terrain nu d'assiette avait été cédé pour 600 000 F en 1987 par les époux X... à la Sedeac, société dont ils étaient d'ailleurs les principaux actionnaires, pour les besoins de la réalisation financière du projet de la SA CELMAR et, d'autre part, que la rentabilité de l'exploitation de la société requérante est inférieure à celle que préconise le groupe Intermarché qui, ainsi qu'il a été dit, a largement participé à l'élaboration de son projet d'entreprise et, qu'enfin, la société Sedeac acquittait elle-même antérieurement un loyer annuel de seulement 1200 F pour le terrain nu en vertu d'un bail à construction contracté en 1978, l'administration n'établit pas qu'en poursuivant son implantation par la location en litige en 1987 en vertu d'un bail à construction au lieu du bail commercial initialement convenu pour un même loyer de 240 000 F annuel, la SA CELMAR, qui n'a d'ailleurs aucune communauté d'intérêts avec le bailleur, a réalisé un acte de gestion anormale ; que la société requérante est, par suite, fondée à demander la décharge de la totalité des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 1991, 1992 et 1993 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE CELMAR est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté partiellement sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La SA CELMAR est déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés qui ont été maintenues à sa charge au titre des exercices clos en 1991, 1992 et 1993.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 mai 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N° 02BX01765