Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 février 2001, présentée pour Mme Sylvie Y, élisant domicile ..., par Me Tocanne, avocat ;
Mme Y demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement du 31 octobre 2000 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet de la Gironde du 26 juin 1998 accordant à Mme X une licence pour la création d'une officine de pharmacie, par voie dérogatoire, sur le territoire de la commune de Saint-Sulpice-et-Cameyrac, d'autre part, des arrêtés de cette autorité des 10 juillet 1998 et 16 juillet 1998 lui refusant l'autorisation de créer une officine de pharmacie dans cette commune ;
2° d'annuler pour excès de pouvoir ces arrêtés ;
3° d'ordonner, sous astreinte, au préfet de la Gironde de reprendre l'instruction de sa demande et d'y statuer dans un délai maximum de trois mois ;
4° de condamner l'Etat à lui payer une somme de 10 000 F sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces au dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2005 :
- le rapport de M. Bayle, premier conseiller
- les observations de Me Gentilucci pour Mme X,
- et les conclusions de Péano , commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme Y demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 31 octobre 2000 rejetant ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet de la Gironde du 26 juin 1998 accordant à Mme X une autorisation pour la création d'une officine de pharmacie, par la voie dérogatoire, sur le territoire de la commune de Saint-Sulpice-et-Cameyrac, d'autre part, des arrêtés de cette autorité des 10 et 16 juillet 1998 lui refusant l'autorisation de créer une officine de pharmacie dans cette commune ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 570 du code de la santé publique, dans la rédaction issue de la loi n° 94-43 du 18 juin 1994 alors applicable : Toute ouverture d'une nouvelle officine, tout transfert d'une officine d'un lieu dans un autre sont subordonnés à l'octroi d'une licence délivrée par le représentant de l'Etat dans le département... Parmi les demandes d'ouverture d'une nouvelle officine, celles qui sont présentées par des pharmaciens n'ayant jamais été titulaires d'une licence d'officine ou n'en étant plus titulaires depuis au moins trois ans à la date de la demande bénéficient d'une priorité. Toute demande ayant fait l'objet du dépôt d'un dossier bénéficie d'un droit d'antériorité par rapport aux demandes ultérieures concurrentes... Cette licence fixe l'emplacement où l'officine sera exploitée... ;
Considérant que, pour fixer l'ordre de priorité des demandes de licence au titre du droit d'antériorité prévu par les dispositions précitées de l'article L. 570 du code de la santé publique, l'autorité administrative doit tenir compte des dates auxquelles les intéressés ont, pour la première fois, posé leur candidature pour l'ouverture d'une officine nouvelle dans la localité ; que lesdites demandes ne peuvent toutefois prendre rang qu'à compter du jour où elles sont accompagnées des pièces justificatives dont la production est exigée par les textes en vigueur ; qu'il résulte notamment des dispositions susrappelées, selon lesquelles la licence fixe l'emplacement de l'officine dont la création est projetée, que le pharmacien qui sollicite l'autorisation doit, à l'appui de sa demande, justifier, avec une précision suffisante, de la possibilité qu'il aura de réaliser les aménagements nécessaires dans le local où il entend exploiter son officine ;
Considérant qu'il résulte de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, qu'un permis de construire est exigé pour exécuter des travaux sur les constructions existantes, lorsque ces travaux ont pour effet d'en changer la destination, de modifier leur aspect extérieur ou leur volume ou de créer des niveaux supplémentaires ; qu'il est constant que, pour justifier de la possibilité qu'elle avait de s'installer sur le territoire de la commune de Saint-Sulpice-et-Cameyrac, Mme Y a produit, à l'appui de sa première demande d'autorisation de créer une officine dans cette commune, enregistrée le 9 novembre 1992, une attestation délivrée par le directeur départemental de l'équipement de la Gironde en date du 19 février 1993, selon laquelle la création de l'officine dans l'immeuble où elle envisageait de s'installer n'exigeait pas de permis de construire si le projet ne prévoyait ni modification de la façade, ni aménagements intérieurs pour le changement de destination que constituait la transformation dudit immeuble en local commercial ; que ce document se limitait, ainsi, à préciser les conditions que l'installation de Mme Y devait respecter pour être dispensée d'un permis de construire et ne valait pas, par lui-même, dispense d'une telle autorisation de construire ; que, si la requérante se prévaut d'une promesse de bail de neuf années, selon laquelle le rez-de-chaussée de l'immeuble en cause comprendrait une surface de 120 m2 destinée à une pharmacie, avec une réserve de 12 m2, et un local commercial de 104 m2, il ressort des pièces du dossier que ledit immeuble était affecté exclusivement à l'habitation et que l'exploitation de l'officine de pharmacie ne pouvait être assurée sans changement dans l'aménagement intérieur ; que, par suite, et alors même qu'elle n'envisageait pas de modifier la façade, le dossier présenté par Mme Y le 9 novembre 1992 ne pouvait être regardé comme justifiant, de manière suffisamment précise, de la possibilité de créer l'officine projetée dans l'immeuble d'habitation dont s'agit ; que la circonstance que, dans un avis du 5 mai 1998, destiné au pharmacien inspecteur régional de la santé publique, le directeur des affaires sanitaires et sociales de la région Aquitaine a considéré que le dossier déposé par Mme Y le 18 septembre 1996 était complet est sans influence sur l'appréciation du droit d'antériorité dont cette dernière entend se prévaloir par rapport à la demande de licence présentée par Mme X le 3 décembre 1992 ; que la circonstance que le préfet de la Gironde ait rejeté, en 1994 et 1996, les demandes de licence que Mme Y avait présentées par la voie normale ou la voie dérogatoire, pour des motifs tirés de ce que les conditions démographiques n'étaient pas remplies ou que les besoins de la population étaient déjà satisfaits, n'est pas de nature à établir que le dossier de la requérante enregistré le 9 novembre 1992 était complet ; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges, qui n'ont pas procédé à une substitution de motifs, ont écarté le moyen soulevé par Mme Y tiré de l'antériorité de sa demande par rapport à celle de Mme X ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que Mme X n'avait jamais été titulaire d'une licence d'officine ; que la circonstance, à la supposer établie, que le local dans lequel elle envisageait d'exercer son activité appartenait à une société civile dont l'un des associés était le pharmacien exploitant l'officine déjà existante dans la commune de Saint-Sulpice-et-Cameyrac, officine où Mme X était alors pharmacienne assistante, ne saurait permettre à Mme Y de se prévaloir d'une priorité en vertu des dispositions précitées de l'article L. 570 du code de la santé publique, dès lors que la demande de création sur laquelle il a été statué par l'arrêté du 26 juin 1998 a été présentée par Mme X à titre personnel ;
Considérant que Mme Y soutient que l'autorisation donnée à Mme X par l'arrêté du 26 juin 1998 méconnaît les prescriptions de l'article R. 5015-37 du code la santé publique, qui interdisent à un pharmacien ayant assisté un de ses confrères durant une période d'au moins six mois consécutifs d'entreprendre à l'issue de cette période, sauf accord de ce confrère, l'exploitation d'une officine où sa présence permette de concurrencer directement ce dernier ; qu'aucune disposition du code de la santé publique ne subordonne la délivrance de l'autorisation de créer une pharmacie au respect de ces prescriptions ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article R. 5015-37 dudit code est inopérant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Y n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes ;
Considérant que le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de Mme Y tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de reprendre l'instruction de sa demande d'autorisation de créer une officine de pharmacie sur le territoire de la commune de Saint-Sulpice-et-Cameyrac ne peuvent être accueillies ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme X soit condamnée à payer à Mme Y la somme que cette dernière demande sur ce fondement ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner Mme Y à payer à Mme X une somme de 1 300 euros ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme Y est rejetée.
Article 2 : Mme SERVANT versera à Mme Dalleac une somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N°01BX00262