La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/03/2005 | FRANCE | N°00BX02318

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2eme chambre (formation a 3), 29 mars 2005, 00BX02318


Vu, I°, sous le n° 002318, la requête enregistrée au greffe de la Cour le 19 septembre 2000, présentée pour la VILLE DE PAU, par la SCP Madar, Danguy, avocat ;

La VILLE DE PAU demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 13 juillet 2003 en tant qu'il l'a condamnée à payer à M. et Mme X la somme de 10 000 F, tous intérêts confondus, en réparation des préjudices subis du fait des fautes que le maire aurait commises dans l'exercice de ses pouvoirs de police et qu'il a rejeté ses conclusions tendant à être garantie par l'Etat de

cette condamnation ;

2° de rejeter la demande présentée par M. et Mme X au...

Vu, I°, sous le n° 002318, la requête enregistrée au greffe de la Cour le 19 septembre 2000, présentée pour la VILLE DE PAU, par la SCP Madar, Danguy, avocat ;

La VILLE DE PAU demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 13 juillet 2003 en tant qu'il l'a condamnée à payer à M. et Mme X la somme de 10 000 F, tous intérêts confondus, en réparation des préjudices subis du fait des fautes que le maire aurait commises dans l'exercice de ses pouvoirs de police et qu'il a rejeté ses conclusions tendant à être garantie par l'Etat de cette condamnation ;

2° de rejeter la demande présentée par M. et Mme X au tribunal administratif de Pau ;

3° de condamner M. et Mme X à lui payer une somme de 9 000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

4° dans l'hypothèse où la responsabilité de la collectivité serait reconnue, de condamner l'Etat, à titre principal, à réparer les préjudices subis par M. et Mme X, à titre subsidiaire, à la garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées contre elle, en tout cas, à lui payer une somme de 9 000 euros en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu, II° sous le n° 002319, la requête enregistrée au greffe de la Cour le 19 septembre 2000, présentée pour la VILLE DE PAU par la SCP Madar, Danguy, avocat ;

La VILLE DE PAU demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement du 13 juillet 2000 par lequel le tribunal administratif de Pau l'a condamnée à indemniser M. et Mme X des préjudices subis du fait de la faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;

2° de condamner l'Etat, à titre principal, à indemniser les préjudices subis par M. et Mme X, à titre subsidiaire, à la garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées contre elle ;

3° de condamner l'Etat à lui payer une somme de 9 000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code des débits de boissons ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2005,

le rapport de M. Bayle, premier conseiller ;

et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n° 002318 et 002319 présentées par la VILLE DE PAU présentent à juger des mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

Considérant que, par jugement du 13 juillet 2000, le tribunal administratif de Pau a condamné la VILLE DE PAU à payer à M. et Mme X la somme de 10 000 F en réparation des préjudices subis par eux du fait de la faute du maire de Pau dans l'exercice de ses pouvoirs de police de la circulation et a rejeté les conclusions de la ville tendant à être garantie par l'Etat des condamnations prononcées contre elle ; que, par un jugement du même jour, le tribunal a rejeté les demandes de la VILLE DE PAU tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices dont se plaignaient M. et Mme X et à la relever indemne des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle à raison de ces préjudices ; que la VILLE DE PAU interjette appel de ces deux jugements ; que, par la voie de l'appel incident, M. et Mme X demandent la condamnation de la ville à leur payer une indemnité supplémentaire de 1 500 euros au titre des troubles subis dans leurs conditions d'existence depuis le premier jugement et la somme de 66 835 euros en réparation de la dépréciation de leur immeuble, l'ensemble augmenté des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

Sur la régularité du jugement condamnant la VILLE DE PAU :

Considérant qu'en estimant que la tardiveté avec laquelle le maire de Pau a édicté une réglementation dans le domaine relevant de sa compétence et l'illégalité de l'arrêté du 25 septembre 1997 constituaient des fautes de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard de M. et Mme X, les premiers juges ont répondu implicitement mais nécessairement, pour les écarter, aux moyens tirés du caractère suffisant des mesures prises par le maire et de l'absence d'imputabilité à la commune des préjudices allégués ; que le tribunal, qui a reconnu la réalité des troubles dans les conditions d'existence invoqués par les intéressés, a explicitement écarté le moyen tiré de l'absence de préjudice, fondé notamment sur l'affirmation que leur immeuble ne donnerait pas sur une voie d'accès aux débits de boissons ; que la responsabilité de la ville n'étant recherchée que sur le fondement de la faute, le tribunal n'avait pas à répondre au moyen inopérant tiré de ce que les préjudices invoqués ne présentaient pas un caractère anormal et spécial ; qu'ainsi, le jugement n'est pas entaché des irrégularités alléguées ;

Sur la responsabilité de la VILLE DE PAU :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2214-4 du code général des collectivités territoriales ainsi que des dispositions du code des communes qu'il reprend : Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, tel qu'il est défini au 2° de l'article L. 2212-2 et mis par cet article en règle générale à la charge du maire, incombe à l'Etat seul dans les communes où la police est étatisée, sauf en ce qui concerne les bruits de voisinage... Tous les autres pouvoirs de police énumérés aux articles L. 2212-2, L. 2212-3 et L. 2213-9 sont exercés par le maire y compris le maintien du bon ordre dans les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ; qu'aux termes de l'article L. 2213-4 du même code et des dispositions du code des commune qu'il reprend : Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voie ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre (...) la tranquillité publique... ; qu'il résulte de ces dispositions que le maire demeure compétent, y compris dans les communes où la police est étatisée telle que Pau, pour réglementer l'accès à certaines voies publiques en vue d'assurer la tranquillité publique ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la circulation, jusqu'à une heure tardive de la nuit, des véhicules motorisés à deux-roues utilisés par certains des consommateurs des débits de boissons implantés dans le quartier dénommé Mayolis est à l'origine de nuisances sonores de nature à perturber la tranquillité publique dans ce secteur, où demeurent M. et Mme X ; que, bien qu'informé de l'existence de ces nuisances dès l'année 1993, le maire de Pau n'a réglementé la circulation sur les voies concernées que par un arrêté du 25 septembre 1997, que le tribunal administratif a considéré comme illégal par un jugement du 14 mai 1998, devenu définitif ; que le maire a édicté une nouvelle réglementation de la circulation des engins motorisés à deux-roues dans le quartier dont s'agit par l'article 2 de l'arrêté du 27 juillet 1998 ; qu'en jugeant que la tardiveté avec laquelle le maire a pris les mesures de police de la circulation utiles pour préserver la tranquillité publique et que l'illégalité de l'arrêté du 25 septembre 1997 constituaient des fautes de nature à engager la responsabilité de la VILLE DE PAU, sans qualifier la première de faute lourde, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit ; que ni les directives du conseil des communautés européennes des 23 novembre 1978 et 18 décembre 1986, ni les prescriptions de l'article R. 70 du code de la route, reprises par l'article R. 318-3 de ce code, qui prohibent l'émission, par les véhicules à moteur, de bruits susceptibles de causer une gêne aux riverains, ni les dispositions de l'article R. 623-2 du code pénal, qui répriment les bruits ou tapages nocturnes troublant la tranquillité, ni l'arrêté du 14 février 1996 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a imposé, par application de l'article R. 2-12 du code des débits de boissons, une distance minimale de cent mètres entre deux débits, ni aucune autre disposition de nature législative ou réglementaire ne dispensaient le maire de faire usage de ses pouvoirs de police de la circulation pour prévenir les atteintes à la tranquillité dont se plaignaient les habitants du quartier ; que le principe d'égalité des citoyens devant la loi ne faisait pas obstacle, en tout état de cause, à ce que le maire ne réglementât la circulation nocturne que dans le quartier Mayolis, eu égard à la situation particulière de ce secteur ; que la ville ne peut utilement faire valoir, pour dégager sa responsabilité, qu'il n'appartenait pas au maire de contrôler l'utilisation des fonds de commerce, la mise aux normes des immeubles et le transfert des licences ; qu'il suit de là que la VILLE DE PAU n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué dans l'instance n° 002318, le tribunal administratif de Pau, qui n'avait pas à se prononcer sur un éventuel partage de responsabilités, l'a condamnée à réparer les conséquences dommageables directement liées à la carence du maire ;

Sur les préjudices :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que plusieurs pièces de l'appartement de M. et Mme X donnent sur une des rues du quartier Mayolis où sont implantés plusieurs débits de boissons ; que, contrairement à ce que soutient la VILLE DE PAU, les nuisances sonores provoquées par les véhicules motorisés à deux-roues ont causé aux intéressés des troubles dans leurs conditions d'existence, dont ils sont fondés à demander réparation ; qu'eu égard à l'importance des troubles subis par M. et Mme X et compte tenu de l'indemnité mise par ailleurs à la charge de l'Etat, le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation de la réparation qui leur est due à ce titre en condamnant la ville à leur payer la somme de 10 000 F (1524, 29 euros) ;

Considérant que M. et Mme X demandent, par la voie de l'appel incident, la condamnation de la VILLE DE PAU à leur payer en outre, d'une part, une somme de 1 500 euros au titre des troubles subis depuis le jugement du tribunal administratif, d'autre part, la somme de 66 835, 48 euros en réparation de la dépréciation de leur immeuble ; que, toutefois, ils ne démontrent pas que les atteintes à la tranquillité publique liées à la circulation des véhicules motorisés à deux-roues aient perduré ; que, si les intéressés produisent des attestations d'agences immobilières saisies du projet de vente de l'immeuble, selon lesquelles l'animation du quartier ferait obstacle à la cession de ce dernier pour le prix demandé, ces documents n'établissent pas que ledit immeuble aurait subi une dépréciation définitive du seul fait des fautes commises par le maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police de la circulation ; qu'il suit de là que les intéressés ne sont pas fondés à demander le paiement des sommes précitées ;

Sur l'appel en garantie de la VILLE DE PAU :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2216-2 du code général des collectivités territoriales ainsi que des dispositions de la loi du 7 janvier 1983 qu'il reprend : ... les communes sont civilement responsables des dommages qui résultent de l'exercice des attributions de police municipale, quel que soit le statut des agents qui y concourent. Toutefois, au cas où le dommage résulte, en tout ou partie, de la faute d'un agent ou du mauvais fonctionnement d'un service ne relevant pas de la commune, la responsabilité de celle-ci est atténuée à due concurrence. La responsabilité de la personne morale autre que la commune dont relève l'agent ou le service concerné ne peut être engagée que si cette personne morale a été mise en cause, soit par la commune, soit par la victime du dommage. S'il n'en a pas été ainsi, la commune demeure seule et définitivement responsable du dommage ;

Considérant que les services de police de l'Etat n'ont commis aucune faute en n'assurant pas l'exécution de l'arrêté du 25 septembre 1997 et de l'article 1er de l'arrêté du 27 juillet 1998, lequel article interdisait les rassemblements nocturnes certains jours de la semaine, qui ont été considérés comme illégaux par des jugement du tribunal administratif de Pau devenus définitifs ; que le préfet n'était pas tenu, en l'absence de dispositions législatives lui en faisant obligation, d'engager des poursuites sur le fondement du règlement sanitaire départemental ; que, si le préfet a pu commettre des fautes dans l'application des dispositions du code pénal et du code de la santé publique qui répriment le tapage nocturne et l'émission de bruits particuliers, cette circonstance n'est pas de nature à décharger la ville de la responsabilité qui lui incombe dans la survenance des préjudices du fait de la carence du maire dans l'exercice des pouvoirs de police en matière de circulation ; qu'eu égard à l'origine du préjudice au titre duquel la ville a été condamnée, cette dernière ne peut davantage faire valoir qu'il appartenait aux seuls services de l'Etat d'assurer la tranquillité publique, en vertu de l'article de L. 2214-4 précité du code général des collectivités territoriales ; qu'il résulte de ce qui précède que la VILLE DE PAU n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'Etat la garantisse des condamnations prononcées contre elle ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. et Mme X et l'Etat, qui ne sont pas parties perdantes dans les présentes instances, soient condamnés à payer à la VILLE DE PAU les sommes qu'elle réclame sur ce fondement ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la VILLE DE PAU à payer à M. et Mme X une somme globale de 1 300 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de la VILLE DE PAU et les conclusions d'appel incident de M. et Mme X sont rejetées.

Article 2 : La VILLE DE PAU versera à M. et Mme X une somme globale de 1 300 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

3

Nos 00BX02318, 00BX02319


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 00BX02318
Date de la décision : 29/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEPLAT
Rapporteur ?: M. Jean-Michel BAYLE
Rapporteur public ?: M. PEANO
Avocat(s) : SCP MADAR - DANGUY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2005-03-29;00bx02318 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award