Vu I° sous le n° 00712, la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour respectivement les 29 mars 2000 et 18 octobre 2002, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER D'ARCACHON, dont le siège social est situé Allée de l'hôpital, 33311 Arcachon, par Maître Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Le CENTRE HOSPITALIER D'ARCACHON demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 novembre 1999 en tant qu'il l'a condamné à verser à M. et Mme X une rente complémentaire annuelle de 50 000 F jusqu'à la majorité de leur fille Maëva ;
2° de rejeter la demande présentée par M. et Mme X devant le tribunal administratif, tendant à l'allocation d'une rente annuelle complémentaire au titre des charges supportées pour l'accueil de leur fille en fin de semaine et pendant les vacances ;
Vu II° sous le n° 00751, la requête enregistrée au greffe de la Cour le 4 avril 2000, présentée pour M. et Mme José , demeurant ..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'administrateurs légaux des biens de leur fille Maëva, par Maître Chauvet, avocat au barreau de Bordeaux ;
M. et Mme demandent à la Cour :
1° de réformer le jugement en date du 2 novembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné le centre hospitalier d'Arcachon à leur verser, d'une part et jusqu'à la majorité de l'enfant Maëva, des rentes annuelles indexées de 250 000 F et 50 000 F, et d'autre part la somme de 150 000 F à chacun au titre du préjudice moral, qu'ils estiment insuffisantes ;
2° de condamner le CENTRE HOSPITALIER D'ARCACHON à leur verser une rente annuelle viagère de 54 881, 65 euros et provisoirement une seconde rente viagère indexée de 10 564, 72 euros au titre de la tierce personne, une somme de 434 479, 69 euros en réparation de l'incapacité permanente partielle, une somme de 38 112, 25 euros par préjudice, pour l'indemnisation des souffrances endurées, du préjudice d'agrément, du préjudice esthétique et du préjudice sexuel, et une somme de 76 224, 51 euros à chacun d'eux au titre de leur préjudice moral, ainsi que de leur donner acte de ce qu'ils se réservent de demander, d'une part, la révision de la rente en cas de modification de la législation sur les charges sociales en matière de tierce personne, d'autre part, le remboursement des aménagements spécifiques que nécessiterait l'évolution de l'état de leur fille ;
3° de condamner le CENTRE HOSPITALIER D'ARCACHON à leur payer une somme de 4 573, 47 euros en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 décembre 2004,
le rapport de M. Bayle, premier conseiller ;
les observations de Me Chenebit, collaborateur de Me Larrouy pour M. et Mme ;
et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes du CENTRE HOSPITALIER D'ARCACHON et de M. et Mme sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que si, dans le jugement attaqué, le tribunal administratif n'a pas procédé à l'évaluation de chaque préjudice subi par la jeune Maëva , il a mentionné les dommages supportés par l'enfant tels qu'ils ont été décrits dans les rapports des expertises que le président de ce tribunal a ordonnées le 29 juin 1995 et le 2 mai 1997, a précisé les chefs de préjudices qui ouvraient droit à réparation et a évalué le montant global de l'indemnisation due à la victime ; qu'ainsi, il a donné une motivation suffisante à sa décision ; que, par suite, le moyen soulevé par M. et Mme et tiré de l'insuffisante motivation du jugement du fait de l'absence d'évaluation de chaque préjudice doit être écarté ;
Sur les préjudices de l'enfant :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que la jeune Maëva souffre, par suite des conditions dans lesquelles s'est déroulée sa naissance et dont il n'est pas contesté qu'elles engagent la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER D'ARCACHON, d'une infirmité motrice majeure et globale, d'origine cérébrale, assortie d'un fort strabisme, et entraînant un très important retard des acquisitions psychomotrices et de la vie de relation ; que les stations assise et debout sont impossibles ; que l'expert a évalué le taux de l'incapacité permanente partielle de l'enfant à 95 % et les préjudices d'agrément et esthétique de cette dernière à un degré de 7 sur une échelle de 7 ; que l'absence totale d'autonomie de l'enfant pour les actes de la vie courante rend nécessaire l'aide d'une tierce personne ; que, dans ces conditions, en fixant à 250 000 F, soit 38 112, 25 euros, le montant de la rente annuelle indexée à verser aux parents de la victime jusqu'à sa majorité et dont les quatre cinquièmes correspondent à la réparation de l'atteinte à l'intégrité physique, le tribunal, qui ne pouvait retenir un préjudice sexuel eu égard à l'âge de cette dernière, a fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation du préjudice subi par elle jusqu'à ses dix huit ans ; que la circonstance que les frais futurs de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde n'aient pu être évalués n'interdisait pas aux premiers juges de fixer selon les règles de droit commun la fraction de la rente correspondant à la réparation de l'atteinte à l'intégrité physique ; que, comme l'a jugé le tribunal, les frais d'hébergement et d'éducation dans un centre spécialisé engagés par la caisse primaire pour le compte de la jeune Maëva doivent s'imputer au fur et à mesure sur les quatre cinquièmes de cette rente qui indemnisent l'atteinte à l'intégrité physique ;
Considérant que la rente susmentionnée a pour objet de réparer les troubles que la jeune Maëva subit dans ses conditions d'existence du fait de son invalidité, à l'exception de l'assistance d'une tierce personne pour son accueil à domicile les fins de semaine et pendant les vacances ; qu'eu égard à leur spécificité, les frais résultant de la nécessité d'une tierce personne pour l'accueil de l'enfant à domicile pouvaient ne pas être pris en considération lors de l'évaluation de ces troubles ; qu'ainsi, la rente annuelle complémentaire de 50 000 F, soit 7 622, 45 euros, que le tribunal a allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne à domicile, et dont il a fait une juste appréciation, ne fait pas double emploi avec la rente principale servie à la victime ;
Considérant qu'il n'appartient pas à la Cour de donner acte, à M. et Mme , qu'ils se réservent le droit de demander la révision de la rente complémentaire en cas de modification de la législation sur les charges sociales en matière de tierce personne et le remboursement des aménagements spécifiques de leur habitation que nécessiterait l'évolution de l'état de leur fille ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme et le CENTRE HOSPITALIER D'ARCACHON ne sont pas fondés à contester l'évaluation faite par les premiers juges des préjudices subis par l'enfant Maëva ;
Sur les droits de M. et de Mme :
Considérant que le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M et Mme en condamnant le CENTRE HOSPITALIER D'ARCACHON à leur payer à chacun une somme de 150 000 F, soit 22 867, 35 euros ; que, par suite, les intéressés ne sont pas fondés à demander que l'indemnisation de leur préjudice moral soit augmentée ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie justifie devant la cour de débours pour un montant total de 638 207,06 euros au titre des frais médicaux et pharmaceutiques autres que ceux correspondant au séjour de l'enfant dans un centre spécialisé ; que, par suite, l'indemnité qui lui a été allouée par l'article 1er du jugement attaqué doit être portée de la somme de 1 402 610, 17 F, soit 213 826, 53 euros, à 638 207,06 euros ; qu'en outre, la caisse primaire peut prétendre au remboursement de la totalité des frais exposés par elle au titre de l'hébergement et de l'éducation de l'enfant Maëva ; qu'en revanche, elle n'est pas fondée à demander, au titre des dépenses qu'elle engagerait ultérieurement, le paiement d'un capital représentatif du montant annuel moyen des frais médicaux et pharmaceutiques exposés pour l'enfant Maëva dès lors que les dits frais ne présentent pas un caractère certain ; qu'enfin, il n'appartient pas à la cour de donner acte à la caisse primaire de ce qu'elle se réserve le droit de réclamer le paiement de toute nouvelle prestation qui serait servie à Mlle X ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le CENTRE HOSPITALIER D'ARCACHON et M. et Mme à payer à l'autre partie la somme que chacune demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le CENTRE HOSPITALIER D'ARCACHON à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde la somme de 352, 45 euros qu'elle demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La somme de 213 826, 53 euros que le CENTRE HOSPITALIER D'ARCACHON a été condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 novembre 1999 est portée à 638 207,06 euros. Le CENTRE HOSPITALIER D'ARCACHON remboursera à la caisse primaire les sommes exposées par elle pour assurer l'entretien et l'éducation de l'enfant Maëva , lesquelles sommes s'imputeront dans la limite des quatre cinquièmes sur la rente attribuée à M. et Mme par l'article précité du jugement du tribunal administratif.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 novembre 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le CENTRE HOSPITALIER D'ARCACHON versera à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde la somme de 352, 45 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les requêtes du CENTRE HOSPITALIER D'ARCACHON et de M. et Mme , et le surplus des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde sont rejetés.
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N°s 00BX00712, 00BX00751