Vu la requête enregistrée le 8 septembre 1995 au greffe de la cour, présentée pour la SOCIETE RESPONSABILITE LIMITEE BAL'S, dont le siège social est ... (Charente), représentée par son gérant en exercice, par Me X..., avocat ;
La société BAL'S demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 21 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1984, 1985 et 1986 ainsi que des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1984 au 31 octobre 1987 , ensemble les pénalités dont ces impositions ont été assorties ;
2 ) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités contestées ;
3 ) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution des rôles et avis de mise en recouvrement correspondants ;
4 ) subsidiairement, d'ordonner une expertise ;
5 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 25.000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre 1997 :
- le rapport de M. DE MALAFOSSE, président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. PEANO, commissaire du gouvernement ;
Sur la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " ...une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ... En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister d'un conseil" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 14 octobre 1987, le vérificateur s'est rendu dans le magasin de vente de prêt-à-porter exploité par la SARL BAL'S et a remis à la gérante de cette société un avis de vérification de comptabilité mentionnant la faculté pour le contribuable de se faire assister d'un conseil ; que, ce même jour, comme en atteste d'ailleurs le procès-verbal signé par la gérante de la société, qui est suffisamment explicite, le vérificateur s'est borné à procéder à un relevé des prix pratiqués dans le magasin ainsi qu'à la constatation matérielle des documents comptables existants ; que si, à cette occasion, le vérificateur a demandé à connaître les références de cravates en vente dans le magasin, références qui n'étaient pas mentionnées sur les étiquettes, ce qui a contraint la gérante à consulter les factures afférentes audit article, cette recherche, qui s'inscrivait dans le souci d'assurer l'exactitude du relevé de prix, n'a pas constitué un examen au fond de documents comptables ; qu'ainsi, cette première intervention a été limitée à des constatations matérielles de la nature de celles qui peuvent légalement procéder d'un contrôle inopiné ; que, par suite, le moyen que tire la société de ce que la vérification de comptabilité a été engagée le 14 octobre 1987 sans qu'elle ait été mise à même de se faire assister d'un conseil doit être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : "lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ...";
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de la Charente, saisie du désaccord existant entre l'administration et la société sur les coefficients de bénéfice brut ayant servi à la reconstitution des recettes et bénéfices de l'entreprise, a émis l'avis que ces coefficients devaient être ramenés à 1,95 pour 1984, 1,93 pour 1985 et 1,94 pour 1986, en se fondant notamment sur des comparaisons provenant d'entreprises jugées similaires par le service ; que toutefois, l'identité de ces entreprises, laquelle , sous réserve du respect du secret professionnel, doit être indiquée au contribuable afin de lui permettre de critiquer utilement les termes de comparaison, n'a pas été révélée à la société requérante ; qu'ainsi l'avis de la commission n'a pas été émis régulièrement ; qu'il s'ensuit que, quelle que soit la gravité des irrégularités affectant la comptabilité de la société requérante, la charge de prouver le bien-fondé des impositions litigieuses incombe à l'administration ;
En ce qui concerne les bases d'imposition :
Considérant que les rehaussements des bases d'imposition procèdent d'une reconstitution des recettes du magasin effectuée par le vérificateur, qui a écarté la comptabilité présentée par la société ;
Considérant, en premier lieu, que l'administration établit le caractère non probant de la comptabilité des années en litige en faisant état, sans être contestée, de ce que cette comptabilité ne permettait pas de connaître la consistance des recettes, et l'état des stocks à la clôture des exercices litigieux ;
Considérant, en second lieu, que l'administration établit que les coefficients de bénéfice brut déterminés par le vérificateur ont été calculés à partir d'une étude précise et détaillée des prix d'achat et de vente de la plupart des articles vendus dans le magasin ; que, de plus, les coefficients finalement retenus pour l'établissement des impositions contestées sont ceux déterminés par la commission départementale des impôts, qui a tenu compte de l'incidence des soldes ; qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que la société pratiquait systématiquement, comme elle l'affirme, un coefficient de 1,66 sur les pulls overs importés d'Italie, ni que les marges relevées par le vérificateur à partir des données constatées en 1987 étaient, en raison d'un changement des conditions d'exploitation, plus importantes que celles pratiquées durant les années en litige ; que la requérante ne fournit pas au juge d'appel une méthode de reconstitution plus fiable que celle retenue par le service ; que, dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise sollicitée, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe ;
Sur les pénalités de mauvaise foi :
Considérant, d'une part, que, dans sa réponse aux observations du contribuable en date du 19 mai 1988, le service a informé la société de ce que, compte tenu de la fréquence et de la gravité des erreurs et omissions constatées, dont il a fourni l'énumération, les droits correspondants aux redressements seraient assortis des pénalités prévues en cas de mauvaise foi ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que ces pénalités n'auraient pas été motivées manque en fait ;
Considérant, d'autre part, que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale ; qu'elles ne peuvent, dès lors, être utilement invoquées à l'appui d'une contestation de la procédure d'établissement des pénalités en litige par l'administration ;
Sur les pénalités appliquées sur le fondement de l'article 1763 A du code général des impôts :
Considérant, d'une part, que, pour les mêmes motifs que ci-dessus, la société ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'appui d'une contestation de la procédure d'établissement par l'administration des pénalités prévues par l'article 1763 A du code général des impôts ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : "Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce, sauf application de l'article L. 168 A, jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due" et qu'aux termes du 2 de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : "La prescription des sanctions fiscales autres que celles visées au troisième alinéa de l'article L. 188 est interrompue par la mention portée sur la notification de redressements qu'elles pourront être éventuellement appliquées" ; qu'il résulte de l'instruction que, par une lettre du 23 décembre 1987 reçue par la société le 29 décembre suivant, le service a informé la société qu'à défaut de désigner les bénéficiaires des revenus réputés distribués en 1984, elle serait assujettie à la pénalité prévue par l'article 1763 A du code général des impôts ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la SARL BAL'S, la prescription a bien été interrompue en ce qui concerne la pénalité à laquelle elle a été assujettie au titre des revenus distribués en 1984 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL BAL'S n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande en décharge des impositions et pénalités contestées ;
Sur les conclusions de la SARL BAL'S présentées sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que l'Etat n'est pas la partie perdante dans la présente instance et ne saurait donc être condamné à rembourser à la société requérante les frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
Article 1ER : La requête de la SARL BAL'S est rejetée.