Vu le recours sommaire et le mémoire ampliatif, respectivement enregistrés au greffe de la cour les 21 janvier et 5 avril 1993, présentés par le SECRETAIRE D'ETAT A LA MER qui demande à la cour :
- de réformer le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 27 novembre 1992, en tant que celui-ci a condamné M. Y... à ne verser à l'Etat que la somme de 328.000 F hors taxe, à titre de réparation définitive du pont Sadi X... à Sète ;
- de condamner M. Y... à payer à l'Etat la somme de 1.164.652 F correspondant au coût des réparations à effectuer, avec intérêts de droit à compter du 9 novembre 1989 et capitalisation des intérêts, ainsi que la somme de 4.000 F en remboursement des frais engagés non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des ports maritimes ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 1993 :
- le rapport de Melle ROCA, conseiller ; - les observations de Me Jean-Marie Z..., pour M. Y... ; - et les conclusions de M. CIPRIANI, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort du procès-verbal dressé le 17 novembre 1988 par un agent assermenté du service maritime et de navigation du Languedoc-Roussillon qu'un camion avec remorque transportant une pelle mécanique à chenilles, conduit par M. Y..., a heurté ce jour là la traverse supérieure du pont mobile Sadi X... à Sète ; qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de cet accident cette traverse ainsi que les deux poutres verticales situées sur les côtés de l'ouvrage ont été endommagées ; que, par un jugement avant-dire-droit du 4 octobre 1991, le tribunal administratif de Montpellier a désigné un expert pour évaluer la fiabilité des deux procédés de réparation définitive proposés à l'administration par les entreprises spécialisées en la matière ; que le SECRETAIRE D'ETAT A LA MER demande l'annulation du jugement rendu par ce même tribunal le 27 novembre 1992 après le dépôt du rapport d'expertise en tant qu'il a fixé à 328.000 F hors taxe le montant de la réparation définitive du pont, et réclame la somme globale de 1.164.652 F au titre de l'indemnisation due par M. Y... ;
Considérant que l'auteur d'une contravention de grande voirie doit être condamné à rembourser à la collectivité publique concernée le montant des frais exposés ou à exposer par celle-ci pour la remise en état de l'ouvrage endommagé et qu'il n'est fondé à demander la réduction des frais mis à sa charge que dans le cas où le montant des dépenses engagées en vue de réparer les conséquences de la contravention présente un caractère anormal ; qu'en l'espèce le SECRETAIRE D'ETAT A LA MER, qui n'attaque pas le jugement avant-dire-droit précité et qui ne saurait en conséquence remettre en cause son contenu, demande à être indemnisé d'une somme correspondant au montant des travaux d'une réfection totale effectuée selon un procédé impliquant le remplacement de toutes les pièces endommagées ; qu'il n'établit pas par les documents qu'il produits que ce procédé, beaucoup plus coûteux que celui consistant dans le seul remplacement de la traverse supérieure avec redressement des deux poteaux latéraux pour lequel le service maritime et de navigation avait dans un premier temps donné son accord, serait nécessaire à une remise en état satisfaisante de l'ouvrage eu égard aux normes de sécurité qui s'imposent ; que, dans ces conditions, le SECRETAIRE D'ETAT A LA MER n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a retenu le procédé de réfection partielle du pont, jugé fiable par l'expert pour garantir la durabilité de l'ouvrage et la sécurité de son fonctionnement, et s'est référé au devis correspondant établi par l'entreprise Ingenierie ouvrage d'art pour arrêter le coût des travaux de la réparation définitive à la somme de 318.000 F augmentée de la somme forfaitaire de 10.000 F au titre des aléas ; que l'Etat percevant la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les entreprises, le requérant ne peut utilement demander que cette somme de 318.000 F correspondant aux frais de remise en état de l'ouvrage endommagé soit majorée du montant de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant que la répression des contraventions de grande voirie ayant pour seul objet d'assurer le respect de l'intégrité du domaine public le SECRETAIRE D'ETAT A LA MER ne saurait, en l'absence de texte contraire concernant le domaine public maritime, user de cette procédure pour mettre à la charge de M. Y... les dépenses liées au surcoût dû aux manoeuvres d'ouverture de l'ouvrage pendant la période des travaux ; qu'il ne peut davantage faire supporter au contrevenant les conséquences pécuniaires de l'attitude fautive de l'administration qui n'a pas fait réaliser les travaux de réparation définitive du pont à l'époque où ils auraient pu être entrepris ;
Sur les intérêts :
Considérant que l'Etat a demandé le 5 avril 1993 la capitalisation des intérêts afférents à l'indemnité de 328.000 F que le tribunal administratif de Montpellier lui a accordée ; qu'à cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 de code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande du SECRETAIRE D'ETAT A LA MER ;
Article 1er : Les intérêts afférents à l'indemnité de 328.000 F que M. Y... a été condamné à verser à l'Etat par jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 27 novembre 1992 et échus le 5 avril 1993 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 novembre 1992 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus du recours du ministre est rejeté.