Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2023 par lequel le préfet de la Sarthe l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a fait interdiction d'un retour en France pendant trois ans.
Par un jugement n° 2305715 du 24 octobre 2023 le magistrat délégué du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 22 novembre, 12 et 14 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Mazouin, demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Rennes n°2305715 du 24 octobre 2023 en tant qu'il a fixé le pays de destination.
Il soutient que :
- l'exécution de ce jugement aurait des conséquences difficilement réparables ; son statut d'opposant politique est de nature à le priver du droit à un procès équitable eu égard tant à la teneur de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 mars 2022 que du dernier rapport d'Amnesty International ;
- les moyens qu'il présente sont sérieux et de nature à entraîner l'annulation du jugement et de l'arrêté préfectoral :
. le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation en s'abstenant de rechercher les raisons de la levée d'écrou ;
. il n'est pas établi qu'il ait participé à des actes ou à la préparation d'actes terroristes et qu'il constituait une menace pour l'ordre public ;
. les dispositions des articles 3 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues.
Par un mémoire enregistré le 13 décembre 2023, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable faute de justifier d'une atteinte grave et manifestement illégale au sens des dispositions applicables en matière de référé liberté ;
- l'urgence n'est pas constituée dès lors que l'éloignement n'est pas réalisable immédiatement ;
- aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ne peut être observée.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant russe né le 2 mars 1978, est entré en France en 2017 sous couvert d'un visa de court séjour et s'est ensuite maintenu irrégulièrement sur le territoire. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) respectivement les
22 décembre 2017 et 8 décembre 2020. Par un arrêté du 15 décembre 2020, le préfet de la Sarthe lui a fait obligation de quitter le territoire français sans que l'intéressé n'y défère. Par une décision du 22 février 2021, l'OFPRA a déclaré irrecevable la demande de réexamen de la demande d'asile présentée par M. B... et le recours formé contre cette décision a été rejeté par la CNDA le 11 juin 2021. Par un arrêté du 20 octobre 2023, le préfet de la Sarthe a obligé l'intéressé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour en France pendant trois ans. Aux termes d'un jugement du 24 octobre 2023, le magistrat délégué du tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de
M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté du 20 octobre 2023. M. B... demande, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement en tant qu'il a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Sarthe :
2. Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a prévu une procédure particulière de contestation de la légalité d'un arrêté préfectoral faisant obligation à un étranger de quitter le territoire français qui se traduit notamment par le caractère non exécutoire d'un tel arrêté pendant le délai de recours ouvert à son encontre, par l'effet suspensif attaché au pourvoi formé devant le tribunal administratif jusqu'à ce que le président du tribunal ou son délégué ait statué ainsi que par l'existence d'une procédure d'appel. Cet appel est toutefois dépourvu de caractère suspensif hors le cas où, sur le fondement des dispositions combinées des articles R.811-14 et R. 811-17 du code de justice administrative, il est sursis à l'exécution de ce jugement.
3. Si le préfet soutient que la requête présentée par l'intéressé est dirigée contre des actes préparatoires à une mesure d'éloignement qui ne lui font pas grief et ne peuvent être contestés devant le juge administratif à l'occasion de l'exercice d'un référé liberté, il ressort toutefois clairement des écritures du requérant que ce dernier a entendu présenter non pas un référé liberté sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative mais un sursis à l'exécution du jugement du 24 octobre 2023 sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Sarthe ne peut qu'être rejetée.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du 24 octobre 2023 :
4. Aux termes de l'article R. 811-17 du code de justice administrative : " (...) le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction. ".
5. En premier lieu, eu égard, en particulier, aux termes de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris qui, le 9 mars 2022, a émis un avis défavorable à la demande d'extradition présentée le 3 novembre 2021 par le gouvernement de la Fédération de Russie, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé apparaît sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué.
6. En second lieu, l'exécution du jugement, qui rend possible l'éloignement d'office du territoire français de M. B... à destination du pays dont il a la nationalité, risque d'entraîner pour l'intéressé des conséquences difficilement réparables en l'exposant, eu égard à la demande d'extradition le concernant, au risque d'être emprisonné.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n°2305715 du 24 octobre 2023 jusqu'à ce que la cour.
DECIDE :
Article 1er : Jusqu'à ce que la cour ait statué sur la requête de M. B... enregistrée le 21 novembre 2023, sous le n° 23NT03384, tendant à l'annulation du jugement n° 2305715 du 24 octobre 2023 du tribunal administratif de Rennes, il sera sursis à l'exécution de ce jugement en tant qu'il rejette les conclusions de l'intéressé dirigées contre l'arrêté du préfet de la Sarthe du 20 octobre 2023 en tant qu'il fixe le pays de destination.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.
Fait à Nantes le 20 décembre 2023.
La présidente de la 3ème chambre Le greffier
C. BRISSON R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT03390