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12/12/2023 | FRANCE | N°23LY02508

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 12 décembre 2023, 23LY02508


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui accorder un titre de séjour.



Par un jugement n° 2101292 du 30 juin 2023, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 30 décembre 2020.



Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 27 juillet 2023, le préfet de l'Isère demande à la cour :



1°) d

'annuler ce jugement du 30 juin 2023 ;



2°) de rejeter la requête présentée par M. B... en première instance.



Il sou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui accorder un titre de séjour.

Par un jugement n° 2101292 du 30 juin 2023, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 30 décembre 2020.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2023, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2023 ;

2°) de rejeter la requête présentée par M. B... en première instance.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté en litige méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté en litige n'est pas entaché d'incompétence ;

- il est suffisamment motivé ;

- il n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Combes, demande à la cour de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens présentés par le préfet de l'Isère ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Mauclair, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant kosovare né le 4 novembre 1986 à Mitrovica (ex-Yougoslavie), s'est vu reconnaître le statut de réfugié le 23 décembre 2010. Par une décision du 20 août 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lui a retiré ce statut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifiées à l'article L. 511-7 de ce code. L'intéressé a sollicité le 28 octobre 2020 la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 7° des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Par un arrêté du 30 décembre 2020, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer la carte de séjour sollicitée sur ce dernier fondement. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.

Sur la demande d'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. M. B... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 novembre 2023, il n'y a pas lieu pour la cour de se prononcer sur sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier, que, pour rejeter la demande du titre de séjour présentée par M. B..., le préfet de l'Isère s'est fondé sur la circonstance que son comportement était constitutif d'une menace à l'ordre public, l'intéressé ayant commis des infractions pénales, répétées et de gravité croissante, pour lesquelles il a, notamment, été incarcéré de 2017 à 2019. Il ressort de l'arrêté en litige, dont les mentions ne sont pas contestées, que M. B... a fait l'objet d'une première condamnation à deux cents euros d'amende par le tribunal correctionnel de Nantes le 11 décembre 2014 pour conduite d'un véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants et pour conduite sans permis, puis a été condamné le 26 février 2015 par le tribunal correctionnel de Laval à quatre mois d'emprisonnement pour vol par effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt et tentative de vol par effraction. M. B... a, par la suite, encore été condamné, le 22 juin 2015, par le tribunal correctionnel d'Angers, à six mois d'emprisonnement avec sursis pour tentative d'extorsion par violence, menace ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien, usage illicite de stupéfiants et vol avec violence n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail. Après une condamnation à une peine d'interdiction de conduire certains véhicules pendant six mois, prononcée le 30 novembre 2015 par le tribunal correctionnel de Nantes, il a, à nouveau, été condamné, le 12 mai 2016, par le tribunal correctionnel de Rennes, à une peine de trois ans d'emprisonnement assortie de l'interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pendant cinq ans et à une interdiction de séjour pendant cinq ans, pour vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement et blanchiment aggravé. Enfin, il a de nouveau été condamné, le 24 mars 2017, pour détention et transport non autorisés de stupéfiants à un mois d'emprisonnement par le président du tribunal de grande instance de Rennes.

5. Par ailleurs, si M. B... est entré en France en janvier 2009 pour y demander l'asile et a, après une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 23 décembre 2010 lui reconnaissant le statut de réfugié, bénéficié d'une carte de résident valable jusqu'au 22 décembre 2020, l'Office français de protection et des réfugiés et apatrides a mis fin au bénéfice de l'asile de M. B... par une décision du 20 août 2019 au regard de la menace à l'ordre public que représente son comportement rappelé au point 4. Il est constant que M. B..., qui souffre en réalité de nombreux troubles cognitifs consécutifs à un accident de circulation survenu en 2014, a été reconnu travailleur handicapé par la maison départementale de l'autonomie le 24 mars 2020, est accueilli, depuis le 17 mars 2020, dans le cadre du dispositif " Hébergement Sortant de Prison " mis en place par l'association d'insertion sociale et socio-judiciaire et a bénéficié d'un contrat d'aide par l'activité conclu le 2 novembre 2020 pour une durée de six mois renouvelable, et l'ensemble de ces éléments démontrent ainsi une volonté de M. B... de s'inscrire dans une démarche de réinsertion et d'accepter l'accompagnement socio-éducatif adapté proposé, tout en restant vulnérable et influençable. Toutefois, à la date de la décision attaquée, il ne justifiait pas d'une insertion professionnelle et sociale significative et stable, et les pièces du dossier ne permettent pas de considérer qu'il ne représentait plus, à cette date, une menace à l'ordre public. Enfin, si l'ensemble de sa famille, notamment ses deux parents, ses frères et ses sœurs, sont en situation régulière et attestent de leur soutien à M. B..., celui-ci, âgé de trente-quatre ans à la date de l'arrêté en litige, est célibataire et sans charge de famille.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté du 30 décembre 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé d'accorder à M. B... un titre de séjour.

7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble.

Sur l'autre moyen soulevé par M. B... en première instance :

8. L'arrêté en litige a été signé par M. Philippe Portal, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, qui disposait d'une délégation de signature à cette fin, consentie par arrêté

n° 38-2020-02-10-012 du 10 février 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Isère le 13 février 2020. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué manque en fait.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 30 décembre 2020.

Sur les frais liés au litige :

10. Il n'y pas a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 2101292 du 30 juin 2023 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.

La rapporteure,

A.-G. MauclairLa présidente,

M. C...

La greffière,

O. Ritter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 23LY02508 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02508
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Anne-Gaëlle MAUCLAIR
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : SARL NOVAS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;23ly02508 ?
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