Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 août 2020 par lequel la préfète de l'Aude a rejeté sa demande de titre de séjour, d'enjoindre à la préfète de l'Aude de saisir le collège de médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration afin de réexaminer sa situation et de déterminer s'il doit faire l'objet de soins médicaux et de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", ou à défaut de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours.
Par un jugement n° 2004865 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2022, M. C..., représenté par Me Coupard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 août 2020 par lequel la préfète de l'Aude a rejeté sa demande de titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de saisir le collège de médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration afin de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", ou à défaut de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'absence de nouvelle saisine de l'Office français de l'intégration et de l'immigration ;
- le jugement est entaché d'erreur d'appréciation en ce que le tribunal ne pouvait statuer uniquement au regard du jugement alors que les faits n'étaient pas contredits du fait d'une absence d'écritures du préfet ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine du collège des médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration ;
- il est entaché d'erreur de droit en l'absence de caractérisation de la menace à l'ordre public ;
- il est entaché d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de la gravité de son état de santé et de l'impossibilité de recevoir un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle.
Le préfet de l'Aude n'a présenté aucune observation, malgré une mise en demeure qui lui a été adressée le 19 janvier 2023.
Par ordonnance du 24 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 25 avril 2023.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 24 septembre 1979 à Sagarejo (Géorgie), de nationalité géorgienne, déclare être entré sur le territoire français le 2 juillet 2012. Il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade du 20 février 2015 au 19 février 2016, puis du 11 juin 2018 au 10 juin 2019. Le renouvellement de son titre de séjour lui a été refusé par un arrêté du préfet de l'Aude en date du 13 décembre 2019, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par un jugement n° 2000591 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 13 décembre 2019 en tant qu'il est fait obligation à M. B... de quitter le territoire français et a enjoint au préfet de l'Aude de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué sur la situation de l'intéressé. Par un arrêté du 12 août 2020 pris en exécution de ce jugement, la préfète de l'Aude a rejeté la demande de titre de séjour de M. B.... Par un jugement du 27 janvier 2022 dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.
4. La saisine du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration constitue une garantie pour l'étranger malade et l'absence de saisine prive le requérant d'une garantie et entache d'illégalité le refus de titre de séjour.
5. Il ressort des pièces du dossier que, selon l'avis émis par l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 12 juillet 2019, l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et que les soins nécessités par son état de santé doivent être poursuivis pendant une durée de douze mois. La préfète de l'Aude a estimé qu'à la date de l'arrêté contesté, lequel a été pris en exécution du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 juillet 2020, la durée des soins nécessaires à M. B... était désormais dépassée. Il ressort toutefois des pièces médicales produites, en particulier du certificat médical établi par un praticien du centre hospitalier de Carcassonne le 5 octobre 2020, que le requérant est " porteur VIH traité par Atripla avec un déficit immunitaire initial compliqué d'une endophtalmie à Candida en 2014 avec cécité droite. Il a été traité à 2 reprises pour une hépatite C. Il est diabétique traité par Metformine. Il est dépendant aux opiacés avec substitution par Methadone et pharmacodépendance aux opiacés majeurs (Fentanyl) ". Alors que ce certificat médical fait état de faits antérieurs à l'arrêté contesté, il résulte d'un autre certificat médical établi le 15 juin 2020 par le même praticien hospitalier que l'état de santé de M. B... nécessite la poursuite de son traitement antirétroviral par Atripla non disponible en Géorgie. Au regard de ces éléments, et alors même que le comportement de l'intéressé était susceptible d'être regardé comme étant constitutif d'une menace à l'ordre public, il appartenait à l'autorité préfectorale de saisir de nouveau le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration seul compétent pour se prononcer sur le maintien de la nécessité de la prise en charge médicale de l'intéressé, sur les conséquences d'un défaut de cette prise en charge et sur l'existence d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le requérant est fondé à soutenir qu'en l'absence de saisine de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, la décision contestée est intervenue au terme d'une procédure irrégulière.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Aude du 12 août 2020. Il est dès lors fondé à demander l'annulation tant de ce jugement que de l'arrêté en litige du 12 août 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".
8. Le présent arrêt, qui annule le refus de titre de séjour du 12 août 2020 de la préfète de l'Aude, n'implique pas eu égard au motif d'annulation, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " au requérant, mais implique nécessairement que le préfet réexamine la situation de l'intéressé en saisissant l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Aude de réexaminer la situation de M. B... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. B... présentées sur le fondement des article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2004865 du 27 janvier 2022 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du 12 août 2020 de la préfète de l'Aude sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Aude de se prononcer sur la situation de M. B... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., à Me Coupard et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.
La rapporteure,
A. Blin
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22TL21677 2