Vu la procédure suivante :
M. B... C... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Dijon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, de suspendre l'exécution des arrêtés du 27 mai, 4 et 8 juillet 2025 par lesquels le préfet de la Côte-d'Or a, respectivement, prononcé à l'encontre de M. C... A..., ressortissant espagnol, une mesure d'expulsion et de retrait de son titre de séjour, fixé le pays de destination et assigné l'intéressé à résidence et, en dernier lieu, d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui restituer son titre de séjour dans un délai de quarante-huit heures suivant la notification de l'ordonnance à intervenir.
Par une ordonnance n° 2502621 du 19 juillet 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon, d'une part, l'a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Par une requête, enregistrée le 5 août 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de suspendre l'exécution des arrêtés du préfet de la Côte-d'Or respectivement du 27 mai 2025, qui a prononcé son expulsion, du 4 juillet 2025, qui a fixé le pays de destination et du 8 juillet 2025, qui l'a assigné à résidence ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui restituer son titre de séjour dans un délai de 48 heures suivant la notification de l'ordonnance à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 à verser à la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh, son avocat, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité dès lors qu'en retenant qu'il n'avait produit aucun élément de nature à établir la régularité de son séjour en France entre avril 2012 et février 2015, alors même que ce moyen de défense n'avait pas été soulevé, ni pendant l'instruction, ni lors de l'audience, le juge des référés a méconnu le principe du contradictoire ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la mesure d'éloignement est susceptible d'être exécutée à tout moment, alors même qu'il doit pouvoir assumer la garde de son fils ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à sa liberté d'aller et venir ;
- c'est à tort que le juge des référés a considéré que les dispositions de l'article L. 252-2 du code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui étaient pas applicables en retenant qu'il ne produisait aucun document de nature à établir la régularité de son séjour entre avril 2012 et février 2015, dès lors qu'il avait produit plusieurs documents démontrant sa présence régulière ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit, d'un défaut de base légale et méconnaît les dispositions des articles L. 251-2 et L. 252-2 du code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il se borne à fonder la décision d'expulsion sur l'existence d'une " menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société et l'ordre public " sans expressément qualifier " une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique " ;
- c'est à tort que le juge des référés a estimé que les conditions de l'article L. 252-1 du code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étaient satisfaites, en ce qu'il ne constitue pas une menace grave et actuelle à l'ordre public dès lors que, d'une part, les risques de récidives à la suite de condamnation sont inexistants et, d'autre part, il est parfaitement inséré professionnellement en France ;
- son fils est placé sous sa garde et risque d'être placé à l'ASE s'il venait à être expulsé en ce qu'il ne saurait le suivre en Espagne sans que cela ne porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant dès lors que, d'une part, il ne parle pas espagnol et, d'autre part, il vit en France depuis l'âge de trois ans et a intérêt à vivre auprès de ses proches en France.
Par une décision du 21 juillet 2025 du bureau d'aide juridictionnelle établi près le Conseil d'Etat, M. C... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale du droit de l'enfant ;
- le code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Par des arrêtés du 27 mai, 4 et 8 juillet 2025 le préfet de la Côte-d'Or a, respectivement, prononcé à l'encontre de M. C... A..., ressortissant espagnol, une mesure d'expulsion et de retrait de son titre de séjour, fixé le pays de destination et assigné l'intéressé à résidence. M. C... A... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Dijon sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Il relève appel de l'ordonnance du 19 juillet 2025 par laquelle le juge des référés a rejeté sa demande, estimant qu'il ne justifiait d'aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
3. Il résulte de l'instruction menée par le juge des référés du tribunal administratif que la commission d'expulsion a émis, le 17 mars 2025, un avis favorable à l'expulsion de M. C... A..., estimant qu'il représentait actuellement une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société, relevant qu'il avait été condamné, le 16 octobre 2023, à dix-huit mois d'emprisonnement, dont neuf avec sursis, pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'une incapacité supérieure à huit jours, le requérant ayant eu, dans un premier temps, une altercation verbale et physique avec un automobiliste avant, dans un second temps, de retourner au contact du même individu et, en présence du fils de ce dernier, qui tentait de s'interposer, ainsi que d'autres lycéens, de lui asséner un coup de couteau au niveau du flanc, occasionnant une incapacité totale de travail de quinze jours.
4. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3. ".Aux termes des dispositions de l'article L. 631-2 du même code : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que l'article L. 631-3 n'y fasse pas obstacle : (...) / 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; (...) / Par dérogation au présent article, peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application de l'article L. 631-1 l'étranger mentionné aux 1° à 4° du présent article lorsqu'il a déjà fait l'objet d'une condamnation définitive pour des crimes ou des délits punis de trois ans ou plus d'emprisonnement. (...) ". S'agissant des citoyens de l'Union européenne, les dispositions de l'article L. 252-1 de ce code précisent que : " L'étranger dont la situation est régie par le présent livre peut faire l'objet d'une décision d'expulsion, prévue à l'article L. 631-1, sous réserve que son comportement personnel représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. / Pour prendre une telle décision, l'autorité administrative tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée de son séjour sur le territoire national, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle dans la société française ainsi que l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. " En outre, les dispositions de l'article L. 252-2 du même code précisent que : " Sous réserve que l'article L. 631-3 n'y fasse pas obstacle, le citoyen de l'Union européenne qui séjourne régulièrement en France depuis dix ans ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion, en application de l'article L. 631-2, que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique. / Par dérogation au sixième alinéa de l'article L. 631-2, la circonstance qu'il a déjà fait l'objet d'une condamnation définitive pour des crimes ou des délits punis de trois ans ou plus d'emprisonnement n'a pas pour effet de le priver du bénéfice des dispositions du présent article." Enfin, si les citoyens de l'Union européenne sont dispensés de la détention d'un titre de séjour, l'article L.121-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date des faits et repris à l'article L.231-2 du même code disposait que les citoyens de l'Union européenne " qui souhaitent établir en France leur résidence habituelle se font enregistrer auprès du maire de leur commune de résidence dans les trois mois suivant leur arrivée. Les ressortissants qui n'ont pas respecté cette obligation d'enregistrement sont réputés résider en France depuis moins de trois mois. "
5. Le requérant fait valoir, comme en première instance, que, ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne résidant régulièrement en France depuis plus de dix ans, il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de " nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique " sur le fondement des dispositions de l'article L. 252-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées ci-dessus, condition non remplie en l'espèce. Il soutient par suite que le juge des référés a commis une erreur de droit en faisant application des dispositions de l'article L. 252-1 de ce code, entachant en outre son ordonnance d'irrégularité en relevant d'office qu'il ne justifiait pas d'un séjour régulier en France d'au moins dix ans alors qu'un tel moyen n'avait pas été soulevé par le préfet, en l'absence de défense devant lui. M. C... A..., qui ne peut faire état d'un séjour en France sous couvert d'un titre de séjour que pour une durée inférieure à dix ans à partir de février 2015, comme l'a relevé à juste titre le juge des référés qui était saisi du moyen fondé sur les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 252-2, soutient que, justifiant d'une activité professionnelle en France de plusieurs années avant 2015, il disposait ainsi au total d'une durée de séjour supérieure à dix ans. Toutefois, en tout état de cause, en l'absence de l'enregistrement dans sa commune requis par les dispositions citées au point 4, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir de cette circonstance. Par suite, c'est sans commettre d'irrégularité ni d'erreur de droit que le juge des référés a estimé que la mesure d'expulsion n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 252-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, ainsi que l'a relevé le juge des référés, si aucune autre infraction n'est mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. C... A..., et nonobstant la bonne conduite dont ce dernier a fait preuve lors de son parcours en détention , l'agression pour laquelle il a été condamné a été d'une extrême violence et s'est déroulée en présence d'adolescents et aux abords d'un établissement scolaire, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave sans que les autres circonstances relatives à sa situation soient de nature à remettre en cause cette appréciation. En outre, M. C... A... n'apporte en appel aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation très circonstanciée ayant conduit le juge des référés du tribunal administratif à écarter, eu égard à la menace que représente la présence de M. C... A... sur le territoire français une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur du fils âgé de seize ans dont la garde lui a été confiée.
7. Il résulte de ce qui précède qu'il est manifeste que la demande de suspension formée par M. C... A... ne peut être accueillie. Il y a donc lieu de rejeter l'ensemble des conclusions de sa requête selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. C... A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... C... A....
Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or.
Fait à Paris, le 12 août 2025
Signé : Nicolas Boulouis