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28/07/2025 | FRANCE | N°506285

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 28 juillet 2025, 506285


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 et 17 juillet 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Moovance demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de la décision par laquelle le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie et la ministr

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 et 17 juillet 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Moovance demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision par laquelle le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie et la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, ont refusé de faire droit à sa demande tendant au retrait, à l'abrogation ou à la modification de l'arrêté du 28 décembre 2024 modifiant l'arrêté du 22 décembre 2014 définissant les opérations standardisées d'économie d'énergie ;

2°) d'enjoindre au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie, et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche de prendre toute mesure afin de permettre, à titre conservatoire, dans l'attente de l'intervention de la décision se prononçant sur le fond de la requête, à la société Moovance de bénéficier du dispositif des certificats d'économies d'énergie pour le covoiturage courte distance matérialisé par la fiche d'opération standardisée d'économie d'énergie TRA-SE-115 et, en tout état de cause, de mettre en place un dispositif transitoire effectif en cas de suppression définitive ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite en ce que la suppression de la fiche TRA-SE-115 porte une atteinte grave et immédiate à l'activité, au développement et à la pérennité de la société, dont le modèle d'affaires est construit sur cette mesure, les certificats d'économie d'énergie au titre du " covoiturage courte distance " représentant l'essentiel de ses sources d'encaissement, en la conduisant à interrompre sa campagne de levée de fonds, à rompre la moitié de ses contrats d'alternance et à mettre au chômage partiel la moitié de son équipe d'ingénierie, alors que l'administration avait indiqué travailler l'élaboration d'une nouvelle version de cette mesure ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- le refus de faire droit à sa demande tendant au rétablissement du dispositif des certificats d'économies d'énergie pour le covoiturage courte distance est entaché d'un défaut de motivation, l'administration n'en ayant pas communiqué les motifs malgré la demande qui lui a été adressée en ce sens ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit en l'absence de justification légale de la suppression de la fiche TRA-SE-115, alors que le covoiturage à courte distance a fait l'objet d'une adoption massive, présente un impact environnemental positif et contribue aux économies d'énergie, et qu'un dispositif de soutien est nécessaire pour lui permettre de se développer ;

- le rejet de sa demande est entaché d'erreur de droit, dès lors que l'arrêté supprimant la fiche TRA-SE-115 a été adopté au terme d'une procédure irrégulière, faute d'avoir fait l'objet d'une consultation préalable du public, que cette suppression sans un délai transitoire suffisant méconnaît les principes de sécurité juridique et de confiance légitime, que l'arrêté du 28 décembre 2024 méconnaît le principes de proportionnalité et l'exigence de bonne administration, et qu'il est contraire à la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 dès lors qu'il supprime un dispositif encourageant la réduction de la consommation énergétique dans le secteur des transports ;

- cet arrêté porte une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté d'entreprendre, et emporte des conséquences sociales défavorables, en ce que des dizaines d'emplois directs et indirects sont menacés à très court terme, et que le pouvoir d'achat est affecté ;

- l'arrêté litigieux va à l'encontre des objectifs et prescriptions de la Charte de l'environnement et méconnaît le principe de non-régression consacré à l'article L. 110-1 du code de l'environnement dès lors qu'il tend à supprimer sans l'adapter ni le remplacer par un dispositif plus adéquat, un dispositif incitatif au covoiturage courte distance ayant un effet bénéfique pour l'environnement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Les articles L. 221-1 à L. 222-9 du code de l'énergie instituent un dispositif soumettant les fournisseurs d'énergie dont les ventes excèdent un certain seuil à des obligations d'économies d'énergie, dont ils s'acquittent par la détention, à la fin de chaque période de référence, de certificats d'économies d'énergie. Les fournisseurs d'énergie peuvent réunir les certificats soit en réalisant eux-mêmes des économies d'énergie, soit en obtenant de leurs clients qu'ils en réalisent, soit en les acquérant auprès d'un autre fournisseur d'énergie ou d'une personne morale éligible qui, en application de l'article L. 221-7 de ce code, est susceptible d'obtenir des certificats en contrepartie de mesures d'économies d'énergie réalisées volontairement.

3. Aux termes de l'article R. 221-14 du même code : " Les actions menées par les personnes mentionnées à l'article L. 221-7 qui peuvent donner lieu à la délivrance de certificats d'économies d'énergie sont : / 1° La réalisation d'opérations standardisées définies par arrêté du ministre chargé de l'énergie et assorties d'un volume forfaitaire d'économies d'énergie déterminé par rapport à la situation de réfé²rence de performance énergétique mentionnée à l'article R. 221-16 (...) ". En application de ces dispositions, la ministre de la transition énergétique a, par un arrêté du 26 septembre 2022, notamment ajouté à l'annexe 6 de l'arrêté du 22 décembre 2014 définissant les opérations standardisées d'économies d'énergie, une nouvelle opération standardisée concernant le " covoiturage courte distance ", sous la forme d'une fiche codifiée sous la référence TRA-SE-115. Le covoiturage courte distance y était défini comme l'utilisation en commun d'un véhicule terrestre à moteur par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d'un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte pour un trajet dont la distance réalisée en France est inférieure ou égale à 80 km et organisé par le biais d'une plateforme numérique de mise en relation de personnes physiques. Par un arrêté du 28 décembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle a modifié l'arrêté du 22 décembre 2014 en supprimant la fiche d'opération standardisée TRA-SE-115 avec effet différé au 31 janvier 2025.

4. La société Moovance a saisi le 25 février 2025 le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie, d'une demande tendant au retrait, à la modification ou à l'abrogation de l'arrêté du 28 décembre 2024. Du silence gardé sur cette demande est née une décision implicite de rejet. La société requérante demande, au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cette décision, et d'enjoindre au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie, et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche de prendre toute mesure afin de lui permettre, à titre conservatoire, dans l'attente de l'intervention de la décision se prononçant sur le fond de la requête, de bénéficier du dispositif des certificats d'économies d'énergie pour le covoiturage courte distance matérialisé par la fiche d'opération standardisée d'économie d'énergie TRA-SE-115 et, en tout état de cause, de mettre en place un dispositif transitoire effectif en cas de suppression définitive

5. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

6. Si la société requérante soutient que la suppression de la fiche TRA SE 115 est de nature à menacer la pérennité de son activité, en faisant valoir que son modèle d'affaires repose sur cette mesure, l'essentiel de ses encaissements provenant du dispositif des certificats d'économie d'énergie au titre du " covoiturage courte distance ", et qu'elle a dû interrompre sa campagne de levée de fonds, rompre plusieurs contrats d'alternance et mettre au chômage partiel la moitié de son équipe d'ingénierie, les éléments qu'elle produit, notamment le document intitulé " tableau de trésorerie ", qui n'est assorti d'aucune explication, et le document intitulé " compte rendu - plan de restructuration Moovance ", ne permettent pas d'établir l'ampleur de la perte de recettes alléguée au regard de l'ensemble de l'activité de la société, ni l'impact potentiel de la décision contestée sur sa situation financière dans des conditions caractérisant une atteinte grave et immédiate à ses intérêts. Par suite, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, la requête de la société Moovance doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la société Moovance est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Moovance.

Fait à Paris, le 28 juillet 2025

Signé : Jean-Yves Ollier


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 506285
Date de la décision : 28/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2025, n° 506285
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:506285.20250728
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