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25/07/2025 | FRANCE | N°496391

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 25 juillet 2025, 496391


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 25 juillet et 25 octobre 2024 et les 19 mai et 12 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Eni demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération n° 2024-22 de la Commission de régulation de l'énergie du 30 janvier 2024 portant décision sur le tarif d'utilisation des réseaux de transport de gaz naturel de GRTgaz et Teréga ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 25 juillet et 25 octobre 2024 et les 19 mai et 12 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Eni demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération n° 2024-22 de la Commission de régulation de l'énergie du 30 janvier 2024 portant décision sur le tarif d'utilisation des réseaux de transport de gaz naturel de GRTgaz et Teréga ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Eni soutient que la délibération attaquée :

- est entachée d'irrégularité en l'absence de consultation du Conseil supérieur de l'énergie ;

- méconnaît l'exigence de transparence posée par le paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (CE) n° 715/2009 du 13 juillet 2009 dès lors que la Commission de régulation de l'énergie ne justifie pas le choix de recourir à une méthodologie de définition des tarifs autre que la méthodologie de référence, qu'elle ne justifie pas les paramètres utilisés qui sont en lien avec les caractéristiques techniques du réseau de transport, en méconnaissance des dispositions du paragraphe 1 de l'article 26 de ce règlement, et qu'elle n'a pas pris compte les observations dans le cadre de la consultation publique, en méconnaissance des dispositions du paragraphe 1 de l'article 6 de ce même règlement ;

- méconnaît l'exigence de transparence posée par le paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (CE) n° 715/2009 du 13 juillet 2009 et l'exigence de reproductibilité du calcul des tarifs et de leur prévision précise posée par l'article 7 du règlement (UE) 2017/460 du 16 mars 2017 dès lors qu'elle ne contient aucun élément permettant aux opérateurs de comprendre la méthode retenue pour combiner les points d'entrée et de sortie et donc pour déterminer les scénarios de flux, et que l'algorithme de détermination des prix de référence n'a pas été publié ;

- méconnaît les dispositions du point 20 de l'article 3 du règlement (UE) 2017/460 du 16 mars 2017 dès lors que la combinaison des points d'entrée et de sortie retenue ne peut être considérée comme représentative de l'utilisation du réseau ;

- méconnaît les dispositions du point 20 de l'article 3 du règlement (UE) 2017/460 du 16 mars 2017 en tenant compte du niveau de capacité souscrite disponible à un point d'entrée et à un point de sortie pour l'élaboration d'un scénario de flux ;

- induit, par l'exclusion de certains points transfrontaliers pour la détermination des scénarios de flux, une discrimination injustifiée entre les utilisateurs du réseau principal en transit et les utilisateurs domestiques ;

- induit une discrimination injustifiée entre les utilisateurs du réseau principal en transit et les utilisateurs domestiques dès lors que deux points d'entrée sont attribués au point de sortie transfrontalier d'Oltingue, alors que la plupart des points de sortie vers le réseau régional se voient attribuer un seul point d'entrée, et que, dans certains scénarios de flux, le point d'entrée le plus proche n'est même pas partiellement attribué à ce point de sortie transfrontalier ;

- induit une discrimination injustifiée entre les utilisateurs du réseau principal en transit et les utilisateurs domestiques en ce qu'il résulte de l'égalisation du coût unitaire de transport au kilomètre pour les usages domestiques et le transit une majoration de 25 % du tarif au point de sortie transfrontalier d'Oltingue et de 32 % pour le point de sortie transfrontalier de Pirineos.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2009/73/CE du Conseil du 13 juillet 2009 ;

- le règlement (CE) n° 715/2009 du 13 juillet 2009 ;

- le règlement (UE) 2017/460 du 16 mars 2017 ;

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Serge Gouès, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 134-2 du code de l'énergie : " Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires, la Commission de régulation de l'énergie précise, par décision publiée au Journal officiel, les règles concernant : / (...) / 4° Les conditions d'utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel (...), y compris la méthodologie d'établissement des tarifs d'utilisation de ces réseaux (...) et les évolutions tarifaires (...) ". Aux termes de l'article L. 452-2 du même code : " Les méthodes utilisées pour établir les tarifs d'utilisation des réseaux de transport de gaz naturel, les tarifs d'utilisation des réseaux de distribution de gaz naturel et les tarifs d'utilisation des installations de gaz naturel liquéfié sont fixées par la Commission de régulation de l'énergie. (...) ". Aux termes de l'article L. 452-3 de ce code : " La Commission de régulation de l'énergie délibère sur les évolutions tarifaires (...) avec, le cas échéant, les modifications de niveau et de structure des tarifs qu'elle estime justifiées au vu notamment de l'analyse de la comptabilité des opérateurs et de l'évolution prévisible des charges de fonctionnement et d'investissement (...) ".

2. En application des dispositions citées au point 1, la Commission de régulation de l'énergie a adopté, le 30 janvier 2024, une délibération portant décision sur le tarif d'utilisation des réseaux de transport de gaz naturel de GRTgaz et de Teréga, par laquelle elle a fixé les tarifs (dits " ATRT8 ") applicables à compter du 1er avril 2024. La société Eni demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette délibération.

Sur la régularité de la délibération attaquée :

3. Il ressort des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l'énergie a été consulté pour avis sur le projet de délibération, le 25 janvier 2024. Par suite, le moyen tiré de l'absence de consultation de cet organisme manque en fait.

Sur la légalité de la délibération attaquée :

En ce qui concerne le principe de transparence :

4. Aux termes de l'article 13 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant les conditions d'accès aux réseaux de transport de gaz naturel : " 1. Les tarifs, ou leurs méthodologies de calcul, appliqués par les gestionnaires de réseau de transport et approuvés par les autorités de régulation conformément à l'article 41, paragraphe 6, de la directive 2009/73/CE, ainsi que les tarifs publiés conformément à l'article 32, paragraphe 1, de ladite directive, sont transparents, tiennent compte de la nécessaire intégrité du réseau et de la nécessité de l'améliorer, et reflètent les coûts réels supportés, dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d'un gestionnaire de réseau efficace et ayant une structure comparable et sont transparents, tout en comprenant un rendement approprié des investissements, et prennent en considération, le cas échéant, les analyses comparatives des tarifs réalisées par les autorités de régulation. Les tarifs, ou leurs méthodologies de calcul, sont appliqués de façon non discriminatoire. (...) ". Aux termes de l'article L. 452-1 du code de l'énergie : " Les tarifs d'utilisation des réseaux de transport, les conditions commerciales d'utilisation de ces réseaux, ainsi que les tarifs des prestations annexes réalisées par les gestionnaires de ces réseaux ou par les opérateurs des infrastructures de stockage mentionnées à l'article L. 421-3-1, sont établis de manière transparente et non discriminatoire afin de couvrir l'ensemble des coûts supportés par les gestionnaires des réseaux de transport et les opérateurs des infrastructures de stockage mentionnées au même article L. 421-3-1, dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d'opérateurs efficaces. (...) ".

5. Il ressort des termes de la délibération attaquée et de ses annexes que, d'une part, la Commission de régulation de l'énergie a exposé de manière détaillée la méthode de calcul des tarifs appliquée à l'entrée et à la sortie du réseau principal de transport de gaz aux fins de recouvrer les charges liées à ce réseau, et présenté, en annexe 10, un modèle simplifié de cette méthode. Elle a ainsi indiqué que 34 % de l'ensemble des charges du réseau principal seraient supportées par les différents points d'entrée et 66 % par les différents points de sortie de ce réseau en précisant que ce ratio était justifié par les grandes capacités de stockage en France conduisant à des capacités réservées aux points d'entrée très inférieures aux capacités réservées aux points de sortie. Pour effectuer la répartition de ces charges sur les différentes catégories homogènes de points d'entrée et de points de sortie du réseau principal et ainsi déterminer les tarifs, elle a indiqué s'être fondée sur deux inducteurs de coûts, en lien avec les caractéristiques techniques du réseau, que sont les capacités prévisionnelles souscrites aux différents points d'entrée et de sortie et les distances moyennes, pondérées par les capacités, parcourues par le gaz entre ces différents points, issues de scénarios de flux regardés comme pertinents. A cet égard, la délibération expose que les scénarios de flux retenus reposent sur le principe selon lequel chaque point de sortie du réseau principal est alimenté par le point d'entrée le plus proche, sous réserve des capacités disponibles et dans le respect des schémas de fourniture et de consommations prévisibles qu'elle a détaillés, afin de minimiser la distance moyenne globale et permettre de refléter au mieux le fonctionnement probable du réseau. Elle précise que les appariements entre les points d'entrée et de sortie ont été réalisés en utilisant un algorithme d'optimisation linéaire dit " simplexe ". Il est ensuite indiqué que les tarifs pour chaque catégorie de points d'entrée et de sortie ont été déterminés sur la base de ces inducteurs de coûts, dont les données finales figurent dans la délibération et ses annexes, et en appliquant un rabais pour tenir compte du rôle des installations de stockage. Il est enfin précisé que les tarifs aux points de sortie ont été calculés afin que le coût unitaire au kilomètre soit identique pour les utilisateurs domestiques et en transit. D'autre part, la Commission de régulation de l'énergie a explicité les motifs l'ayant conduite à privilégier cette méthode, plutôt que celle, de référence, proposée à l'article 8 du règlement (UE) de la Commission du 16 mars 2017 établissant un code de réseau sur l'harmonisation des structures tarifaires pour le transport du gaz et qui retient pour chaque point d'entrée, la distance moyenne, pondérée par les capacités, avec tous les points de sortie et inversement pour les points de sortie, ainsi que, à l'annexe 8 de la délibération attaquée, les écarts entre ces deux méthodes. Enfin, la Commission de régulation de l'énergie, qui n'était pas tenue de se conformer aux observations formulées par les acteurs du marché dans le cadre de la consultation publique organisée préalablement à la décision attaquée, a fait état de ces observations et y a répondu de manière détaillée.

6. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la délibération attaquée méconnaîtrait l'exigence de transparence résultant des dispositions mentionnées au point 4 au motif que la Commission de régulation de l'énergie ne justifierait pas le choix de recourir à une méthodologie de définition des tarifs autre que la méthodologie de référence prévue par l'article 8 du règlement du 16 mars 2017, qu'elle ne justifierait pas les paramètres utilisés qui sont en lien avec les caractéristiques techniques du réseau de transport en méconnaissance des dispositions du paragraphe 1 de l'article 26 de ce règlement et qu'elle n'aurait pas pris en compte les conclusions des consultations en méconnaissance des dispositions du paragraphe 1 de l'article 6 de ce même règlement, ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la reproductibilité du calcul des tarifs :

7. Aux termes de l'article 41 de la directive du Parlement Européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel : " 16. Les autorités de régulation motivent et justifient pleinement leurs décisions afin de permettre un contrôle juridictionnel. Les décisions sont rendues publiques tout en préservant la confidentialité des informations commercialement sensibles ". Aux termes de l'article 7 du règlement du 16 mars 2017 : " La méthodologie de calcul des prix de référence est conforme à l'article 13 du règlement (CE) no 715/2009 et aux obligations ci-dessous. Elle vise à : / a) permettre aux utilisateurs du réseau de reproduire le calcul des prix de référence et leur prévision précise (...) ".

8. La société Eni soutient que la délibération attaquée méconnaît l'exigence de reproductibilité du calcul des tarifs posée par les dispositions de l'article 7 du règlement du 16 mars 2017 à raison, notamment, de l'opacité des paramètres utilisés pour déterminer les distances moyennes pondérées associées aux différents points de sortie du réseau principal résultant de l'application des scénarios de flux retenus.

9. En premier lieu, il n'est pas contesté que l'algorithme utilisé pour le calcul des distances moyennes de gazoduc les plus courtes entre les points d'entrée et de sortie, pondérées par les capacités disponibles, est une méthode d'optimisation linéaire élémentaire, aisément accessible. Par suite, la circonstance que cet algorithme ne serait pas publié est sans incidence sur le respect de l'exigence de reproductibilité des tarifs en litige au sens et pour l'application de l'article 7 du règlement du 16 mars 2017.

10. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la société Eni, l'écart de quelques kilomètres entre les distances moyennes pondérées associées aux points de sortie transfrontaliers de Pirineos et d'Oltingue entre le texte soumis à consultation et la délibération attaquée, qui s'explique par la prise en compte de l'évolution des hypothèses de capacités souscrites entre la consultation et la délibération, à la demande notamment de certains fournisseurs de gaz et de gestionnaires de réseau, n'est pas non plus susceptible de faire obstacle à la reproductibilité des tarifs en litige.

11. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, la délibération attaquée et ses annexes explicitent la méthode de calcul des tarifs retenue par la Commission de régulation de l'énergie et mentionnent l'ensemble des paramètres permettant, comme le relève d'ailleurs l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) dans son avis du 8 décembre 2023 rendu sur le document de consultation, aux utilisateurs du réseau principal de reproduire et prédire le calcul des tarifs. Au demeurant, si la décision attaquée ne mentionne pas les paramètres de distance et les hypothèses de capacités retenues au point d'entrée de Taisnières et à chaque point de sortie vers le réseau régional, en faisant état, pour cette catégorie de points de sortie, seulement d'une capacité moyenne, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que les données en cause sont susceptibles de renseigner, d'une part, sur la localisation physique des différents points d'entrée et de sortie du réseau principal, d'autre part, sur les consommations moyennes journalières et les consommations maximales de pointe des utilisateurs directement raccordés à ce réseau et donc sur la stratégie industrielle et commerciale de ces derniers et, par suite, constituent, en tout ou partie, des informations dont la confidentialité est justifiée par l'exigence de protection de la sécurité du réseau et par le secret des affaires.

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance de l'exigence de reproductibilité des tarifs posée par l'article 7 du règlement du 16 mars 2017 ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les scénarios de flux :

13. En premier lieu, aux termes du point 20 de l'article 3 du règlement du 16 mars 2017, un " scénario de flux " est défini comme " une combinaison d'un point d'entrée et d'un point de sortie représentative de l'utilisation du réseau de transport si l'on se base sur les schémas de fourniture et de consommation prévisibles et pour laquelle il existe au moins un gazoduc permettant d'injecter du gaz dans le réseau de transport à ce point d'entrée et d'en soutirer à ce point de sortie, indépendamment de la question de savoir si la capacité est achetée à ce point d'entrée et à ce point de sortie ". Contrairement à ce que soutient la société Eni, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire la prise en compte, pour l'identification des scénarios de flux pertinents, des souscriptions prévisionnelles de capacités.

14. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les scénarios de flux retenus ne reflèteraient pas l'utilisation probable du réseau principal, compte tenu des capacités prévisionnelles souscrites et des positions géographiques respectives des points d'entrée et de sortie, en fonction des comportements les plus prévisibles.

En ce qui concerne la discrimination alléguée entre les utilisateurs domestiques et les utilisateurs de transit :

15. En premier lieu, il ressort des termes de la délibération attaquée que la Commission de régulation de l'énergie n'a pas retenu les schémas de transit reliant, d'une part, le point d'entrée d'Obergailbach, frontalier de l'Allemagne, et le point de sortie le plus proche d'Oltingue permettant d'exporter vers la Suisse et l'Italie, et d'autre part, le point d'entrée de Virtualys, frontalier de la Belgique, et le point de sortie le plus proche d'Obergailbach permettant d'exporter vers l'Allemagne au motif qu'il existerait, dans les deux cas, des interconnexions directes, plus compétitives, de la Belgique vers l'Allemagne et de l'Allemagne vers la Suisse. La société Eni soutient que l'exclusion de ces deux schémas de transit conduit à traiter défavorablement les utilisateurs du réseau principal qui sont seulement en transit par rapport aux utilisateurs domestiques dès lors que les scénarios de flux retenus pour déterminer les tarifs aux points de sortie transfrontaliers ne seraient pas construits selon le principe de minimisation de la distance moyenne globale, énoncé dans la délibération attaquée et fondé sur l'appariement d'un point de sortie du réseau principal avec le point d'entrée le plus proche, sous réserve des capacités disponibles.

16. Si la société Eni fait valoir, d'une part, que l'exclusion des deux schémas de transit mentionnés au point précédent repose sur l'hypothèse de minimisation des coûts supportés par un utilisateur pour chaque opération de transport prise isolément alors qu'en pratique un tel utilisateur raisonnerait à l'échelle d'un ensemble d'opérations de transport, pouvant conduire à retenir des trajets qui, pris indépendamment, seraient plus coûteux, et que, d'autre part, cette exclusion ne prendrait pas en compte l'existence d'un marché liquide en Europe permettant aux opérateurs d'optimiser leurs flux en fonction des signaux économiques, il ne ressort pas des pièces du dossier que les schémas de transit invoqués seraient suffisamment représentatifs de l'utilisation probable du réseau de transport principal et, par suite, devraient être pris en compte pour la détermination des scénarios de flux.

17. En second lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que, dans certains cas, la méthode de minimisation de la distance moyenne entre les points d'entrée et de sortie du réseau principal, pondérée par les capacités, conduit à l'appariement de deux points d'entrée avec un seul point de sortie, transfrontalier ou régional. Il en est ainsi en particulier lorsque les capacités souscrites aux points de sortie sont importantes, ce qui est le cas des points de sortie transfrontaliers, ou lorsque les capacités souscrites à l'entrée la plus proche sont utilisées pour satisfaire aux besoins d'autres sorties. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que si le scénario " hiver " pour le point de sortie transfrontalier Otlingue ne prévoit pas d'appariement, à tout le moins partiel, avec le point d'entrée Virtualys, à la différence du scénario " été ", cette différence est justifiée par la saisonnalité des scénarios de flux liée notamment au rôle particulier des points de stockage qui sont considérés comme des points de sortie en été et des points d'entrée en hiver, et résulte de l'optimisation des distances dans le cadre du scénario " hiver ".

18. La méthode d'appariement utilisée par la Commission de régulation de l'énergie étant appliquée de manière identique indépendamment de la catégorie, transfrontalière ou régionale, des points de sortie du réseau principal, le moyen tiré de ce que les utilisateurs en transit seraient traités de manière défavorable par rapport aux utilisateurs domestiques ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'égalisation du coût unitaire de transport au kilomètre pour les utilisateurs domestiques et en transit :

19. Aux termes de l'article 7 du règlement du 16 mars 2017 : " La méthodologie de calcul des prix de référence est conforme à l'article 13 du règlement (CE) n° 715/2009 et aux obligations ci-dessous. Elle vise à : /(...)/c) garantir la non-discrimination et empêcher les subventions croisées injustifiées, y compris en tenant compte des évaluations de la répartition des coûts visées à l'article 5 ; (...) ". Cet article 5 prévoit que le ratio, qu'il institue, de comparaison de la répartition des coûts entre utilisateurs domestiques et en transit doit être justifié par l'autorité de régulation nationale, lorsqu'il est supérieur à 10 %.

20. Si la société Eni conteste l'égalisation du coût unitaire de transport au kilomètre pour les utilisateurs domestiques et en transit dont il résulterait, selon elle, une majoration de 25 % du tarif au point de sortie transfrontalier d'Oltingue et de 32 % pour le point de sortie transfrontalier de Pirineos alors que les tarifs des points de sortie régionaux seraient inférieurs de 5 % à ceux qui auraient été déterminés sans cette égalisation, cette contrainte, qui a pour objet et pour effet de prévenir toute subvention croisée entre les utilisateurs, résulte des dispositions de l'article 7 du règlement du 16 mars 2017 cité au point précédent. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de l'égalisation du coût unitaire de transport au kilomètre à laquelle a procédé la Commission de régulation de l'énergie dans la délibération attaquée ne peut qu'être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Eni ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Eni est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Eni et à la Commission de régulation de l'énergie.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la société GRTgaz et à la société Teréga.

Délibéré à l'issue de la séance du 9 juillet 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Jérôme Goldenberg, conseillers d'Etat et M. Serge Gouès, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 25 juillet 2025.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Serge Gouès

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Planchette

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 496391
Date de la décision : 25/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2025, n° 496391
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Serge Gouès
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:496391.20250725
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