Vu les procédures suivantes :
Par une ordonnance n°s 2005965 et 2100220 du 14 décembre 2023, enregistrée le 15 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, les requêtes, enregistrées respectivement les 12 octobre 2020 et 13 janvier 2021 au greffe de ce tribunal, présentées par M. A... B....
I.- Par la requête du 12 octobre 2020, enregistrée sous le n°490249 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la délibération n° 2020-123 du 21 juillet 2020 par laquelle la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a rendu, à la demande du président de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais, un avis sur sa demande d'autorisation de travail à temps partiel pour créer une entreprise ;
2°) d'annuler la décision du 27 juillet 2020 par laquelle le président de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais a refusé de faire droit à cette demande ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II.- Par la requête du 13 janvier 2021, deux mémoires en réplique, enregistrés les 25 mai et 4 juillet 2022 au greffe du tribunal administratif, et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 14 janvier et 20 février 2025 et, après clôture de l'instruction, le 31 mai 2025 sous le n° 490199 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 9 novembre 2020 par laquelle le président de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais a refusé de faire droit à sa demande d'autorisation de travail à temps partiel pour créer une entreprise ;
2°) d'ordonner l'organisation d'une médiation ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;
- le décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces des dossiers que M. B..., attaché principal qui exerce les fonctions de directeur de projet de la filière " sports, loisirs, santé et bien-être " au sein du service " Economie " de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais, a sollicité de cette dernière l'octroi d'un temps partiel afin de créer et diriger une société par actions simplifiée dénommée Oxup et chargée de développer des dispositifs médicaux utilisant la pression expiratoire positive pour le traitement de maladies respiratoires, sur la base d'une technologie développée et validée par le laboratoire HP2 de l'université Grenoble Alpes, l'exploitation du brevet étant assurée par la société " incubatrice " Linksium. Après avoir émis le 26 février 2020, sur saisine de M. B... en application de l'article 28 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires alors applicable, un avis favorable, le référent déontologue compétent pour la communauté d'agglomération a, le 9 mars suivant, sur saisine du président de la communauté d'agglomération en application de l'article 25 septies de la même loi, estimé qu'il existait un doute sérieux quant à la compatibilité du projet de création d'entreprise de M. B... avec les fonctions qu'il exerce au sein de l'administration. La communauté d'agglomération a alors soumis cette demande à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Par une délibération du 21 juillet 2020, cette dernière a estimé que le projet que l'intéressé entendait poursuivre, dans le cadre d'un cumul d'activités, était de nature à porter atteinte aux obligations déontologiques auxquelles il est soumis et au fonctionnement normal, à l'indépendance et à la neutralité du service, et émis, en conséquence, un avis d'incompatibilité. Par une décision du 27 juillet suivant, le président de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais a opposé un refus à la demande de M. B.... Ce dernier a, de nouveau, saisi le référent déontologue de son projet après en avoir modifié la présentation. Ayant obtenu de celui-ci un avis de compatibilité avec une réserve, M. B... a présenté à son employeur une seconde demande de temps partiel pour création d'entreprise, laquelle a été refusée le 13 novembre 2020. Par deux requêtes, qu'il convient de joindre pour statuer par une seule décision, M. B... demande l'annulation de l'avis du 21 juillet 2020 de la HATVP ainsi que des décisions des 27 juillet et 13 novembre 2020 du président de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais.
Sur le cadre juridique applicable :
2. Aux termes des dispositions du III de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, désormais codifiées à l'article L. 123-8 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire qui occupe un emploi à temps complet peut, à sa demande, être autorisé par l'autorité hiérarchique dont il relève à accomplir un service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise et à exercer, à ce titre, une activité privée lucrative. / (...) / Lorsque l'autorité hiérarchique a un doute sérieux sur la compatibilité du projet de création ou de reprise d'une entreprise avec les fonctions exercées par le fonctionnaire au cours des trois années précédant sa demande d'autorisation, elle saisit pour avis, préalablement à sa décision, le référent déontologue. Lorsque l'avis de ce dernier ne permet pas de lever ce doute, l'autorité hiérarchique saisit la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui se prononce dans les conditions prévues à l'article 25 octies. / (...) ". Aux termes de l'article 25 octies de cette même loi, désormais codifié, pour les dispositions ici pertinentes, aux articles L. 124-9, L. 124-10, L. 124-12, L. 124-14 et L. 124-15 du code général de la fonction publique : " I. - La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique apprécie le respect des principes déontologiques inhérents à l'exercice d'une fonction publique. / II. - A ce titre, la Haute Autorité est chargée : / (...) / 3° D'émettre un avis sur la compatibilité du projet de création ou de reprise d'une entreprise par un fonctionnaire sur le fondement du III de l'article 25 septies avec les fonctions qu'il exerce ; / (...) / VI. - Dans l'exercice de ses attributions mentionnées aux 3° à 5° du II, la Haute Autorité examine si l'activité qu'exerce le fonctionnaire risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service, de méconnaître tout principe déontologique mentionné à l'article 25 de la présente loi ou de placer l'intéressé en situation de commettre les infractions prévues aux articles 432-12 ou 432-13 du code pénal. / (...) / IX. - Lorsqu'elle est saisie en application des 3° à 5° du II du présent article, la Haute Autorité rend un avis : / 1° De compatibilité ; / 2° De compatibilité avec réserves, celles-ci étant prononcées pour une durée de trois ans ; / 3° D'incompatibilité. / La Haute Autorité peut rendre un avis d'incompatibilité lorsqu'elle estime ne pas avoir obtenu de la personne concernée les informations nécessaires. / (...) / Lorsqu'elle se prononce en application des 3° et 4° du II, la Haute Autorité rend un avis dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. L'absence d'avis dans ce délai vaut avis de compatibilité. / X. - Les avis rendus au titre des 2° et 3° du IX lient l'administration et s'imposent à l'agent. Ils sont notifiés à l'administration, à l'agent et à l'entreprise ou à l'organisme de droit privé d'accueil de l'agent. / (...) / . L'autorité dont le fonctionnaire relève dans son corps ou dans son cadre d'emplois d'origine peut solliciter une seconde délibération de la Haute Autorité, dans un délai d'un mois à compter de la notification de son avis. Dans ce cas, la Haute Autorité rend un nouvel avis dans un délai d'un mois à compter de la réception de cette sollicitation ".
3. Aux termes de l'article 16 du décret du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique, en vigueur à la date des décisions attaquées, dont les dispositions sont désormais reprises, en substance, à l'article R. 123-14 du code général de la fonction publique : " L'agent qui souhaite accomplir son service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise ou exercer une activité libérale, sur le fondement du III de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, présente une demande d'autorisation à l'autorité hiérarchique avant le début de cette activité. / Cette demande fait l'objet de la procédure prévue aux articles 19 à 25. Pour l'application du premier alinéa de l'article 24, l'activité ne doit pas placer l'intéressé en situation de méconnaître l'article 432-12 du code pénal. / (...) ". L'article 17 de ce décret, dont les dispositions sont désormais reprises, en substance, à l'article R. 124-35 du même code, précise que : " L'autorité compétente peut s'opposer au cumul d'activités ou à sa poursuite, si l'intérêt du service le justifie, si les informations sur le fondement desquelles l'autorisation a été donnée ou celles communiquées dans la déclaration mentionnée à l'article 13 sont inexactes ou si ce cumul est incompatible avec les fonctions exercées par l'agent ou l'emploi qu'il occupe au regard des obligations déontologiques mentionnées au chapitre IV de la loi du 13 juillet 1983 susvisée ou des dispositions de l'article 432-12 du code pénal ". Aux termes de son article 20, désormais repris à l'article R. 124-37 du même code : " La saisine de la Haute Autorité suspend le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration ". Selon l'article 24 du même décret, désormais repris à l'article R. 124-35 du même code : " Lorsque la demande d'autorisation d'exercice d'une activité privée émane d'un agent occupant un emploi n'entrant pas dans le champ de l'article 2, l'autorité hiérarchique examine si cette activité risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service, de méconnaître tout principe déontologique mentionné au chapitre IV de la loi du 13 juillet 1983 susvisée ou de placer l'intéressé dans la situation de commettre l'infraction prévue à l'article 432-13 du code pénal. / L'agent fournit toutes les informations utiles sur le projet d'activité envisagée. Lorsque l'autorité compétente estime ne pas disposer de toutes les informations lui permettant de statuer, elle invite l'intéressé à compléter sa demande dans un délai maximum de quinze jours à compter de la réception de celle-ci. / La décision de l'autorité dont relève l'agent peut comporter des réserves visant à assurer le respect des obligations déontologiques mentionnées au premier alinéa et le fonctionnement normal du service. ". L'article 25 de ce décret, désormais repris à l'article R. 124-37 du même code, ajoute que : " Lorsque l'autorité hiérarchique a un doute sérieux sur la compatibilité de l'activité envisagée avec les fonctions exercées par le fonctionnaire au cours des trois dernières années, elle saisit sans délai le référent déontologue pour avis. / La saisine du référent déontologue ne suspend pas le délai de deux mois dans lequel l'administration est tenue de se prononcer sur la demande de l'agent en application de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration. / Lorsque l'avis du référent déontologue ne permet pas de lever le doute, l'autorité hiérarchique saisit sans délai la Haute Autorité selon les modalités prévues à l'article 20. La saisine est accompagnée de l'avis du référent déontologue ".
4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions, d'une part, que lorsque l'autorité hiérarchique se prononce sur une demande d'autorisation de travail à temps partiel pour création ou reprise d'une entreprise, l'avis qui peut avoir été rendu préalablement par le référent déontologue, sollicité par l'agent lui-même ou par l'autorité hiérarchique dans le cas où elle estime être en présence d'un doute sérieux sur la compatibilité du projet avec les fonctions de l'agent, constitue seulement un élément de nature à l'éclairer sans lier sa décision. En revanche, si l'autorité hiérarchique, estimant que l'avis du référent déontologue ne lui a pas permis de lever le doute sérieux, saisit la HATVP et si cette dernière rend un avis d'incompatibilité ou de compatibilité avec réserves, cet avis de la HATVP s'impose à l'administration comme à l'agent. Les éventuelles irrégularités ou erreurs dont serait entaché l'avis du référent déontologue sont sans incidence sur la légalité de l'avis rendu par la HATVP et de la décision par laquelle l'autorité hiérarchique se borne à tirer les conséquences d'un avis d'incompatibilité ou de compatibilité avec réserves rendu par la Haute Autorité. Une telle décision de l'autorité hiérarchique étant prise en situation de compétence liée, les moyens tirés d'éventuels vices propres de cette décision ne peuvent davantage être utilement soulevés à son encontre.
5. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article 25 du décret du 30 janvier 2020 que, sauf si ce délai est interrompu par une saisine de la HATVP, l'administration est tenue de se prononcer dans un délai de deux mois sur la demande de l'agent et l'expiration de ce délai fait naître une décision implicite de rejet. Toutefois, l'intervention d'une telle décision ne fait pas obstacle à ce que l'autorité hiérarchique saisisse ultérieurement la HATVP de la demande de l'agent. Si les mêmes dispositions prévoient que la saisine de la HATVP est faite " sans délai " quand l'autorité hiérarchique estime qu'il persiste un doute sérieux, il n'en résulte en revanche pas qu'elle doive être réalisée, à peine d'irrégularité, dans un délai déterminé.
6. Enfin, si les dispositions du dernier alinéa du X de l'article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 instituent une simple faculté pour l'administration compétente de solliciter une seconde délibération de la Haute Autorité, dans un délai d'un mois à compter de la notification de son avis, elles n'instituent aucun droit pour l'agent à voir sa situation réexaminée. En l'absence d'un nouvel avis de la HATVP ou d'un changement de circonstances, l'autorité hiérarchique qui a refusé l'autorisation de cumul demandée en tirant les conséquences d'un avis d'incompatibilité rendu par la Haute Autorité et qui est saisie à nouveau d'une demande identique est tenue de la rejeter.
Sur la compétence en premier ressort du Conseil d'Etat :
7. L'avis par lequel la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s'est prononcée sur la compatibilité du projet d'activité privée lucrative de M. B... avec ses fonctions auprès de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais a le caractère d'une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, dont le Conseil d'Etat est, en application des dispositions du 4° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, compétent pour connaître en premier ressort. S'il résulte des dispositions combinées des articles R. 311-1 et R. 312-12 du même code que les recours formés par M. B... contre les décisions prises par le président de la communauté d'agglomération relèvent en principe de la compétence en premier ressort du tribunal administratif de Grenoble, le Conseil d'Etat est cependant compétent pour en connaître en premier ressort en l'espèce, en application des dispositions de l'article R. 341-1 du code de justice administrative, eu égard à la connexité de ces conclusions avec celles qui sont dirigées contre la délibération de la HATVP.
Sur l'avis de la HATVP du 21 juillet 2020 :
En ce qui concerne la compétence de la Haute Autorité :
8. Par l'article 34 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, le législateur a confié aux autorités d'emploi elles-mêmes et à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique le soin de se prononcer, en cas de demande de temps partiel présentée par un fonctionnaire pour créer ou reprendre une entreprise, sur la compatibilité du projet avec les fonctions qu'il a exercées au cours des trois années précédentes, attributions antérieurement exercées par la commission de déontologie de la fonction publique en application des articles 25 septies et octies de la loi du 13 juillet 1983, dans leur rédaction antérieure à cette loi. Aux termes de l'article 94 de la même loi : " XII. - Les articles 34 et 35 entrent en vigueur le 1er février 2020. / La commission de déontologie de la fonction publique est saisie et examine les demandes faites, jusqu'au 31 janvier 2020, sur le fondement du chapitre IV de la loi du 13 juillet 1983 précitée dans sa rédaction antérieure à la présente loi. L'absence d'avis de la commission dans un délai de deux mois à compter de sa saisine vaut avis de compatibilité. Ses membres demeurent en fonction jusqu'à la fin de l'examen des saisines. / Les demandes présentées à compter du 1er février 2020 sont examinées par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans les conditions prévues au même chapitre IV, dans sa rédaction résultant de la présente loi. ". Il résulte de ces dispositions que la commission de déontologie de la fonction publique devait être saisie et examiner les demandes effectuées auprès d'elle jusqu'au 31 janvier 2020, sur le fondement du chapitre IV de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2019, les autorités d'emploi et la Haute autorité pour la transparence de la vie publique exerçant, à compter du 1er février suivant, les attributions qui leur sont désormais confiées par l'article 34 de la loi du 6 août 2019.
9. Il ressort des pièces des dossiers que la demande d'autorisation de travail à temps partiel pour créer une entreprise présentée par M. B... a été transmise, après avis du référent déontologue, par la communauté d'agglomération du Pays Voironnais, à la HATVP le 19 juin 2020. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette dernière aurait été, eu égard à la date de sa demande, incompétente pour se prononcer sur elle.
En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les moyens soulevés par M. B..., tirés des irrégularités qui auraient affecté les conditions de saisine du référent déontologue ou celles dans lesquelles il s'est prononcé, des erreurs de fait, de droit ou d'appréciation dont serait entaché l'avis de ce dernier, et de ce que dans ces conditions, la saisine de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique n'aurait pas été précédée, en méconnaissance des articles 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 et 25 du décret du 30 janvier 2020 et contrairement au " processus de contrôle de la déontologie des agents publics " que décrirait la " doctrine " de la Haute Autorité, d'un " réel contrôle " déontologique de la part de l'autorité hiérarchique, assistée du référent déontologue, ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.
11. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, le délai dans lequel la saisine de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique est intervenue après que le référent déontologue a rendu son avis est sans incidence sur la légalité de l'avis de la Haute Autorité.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le présent code régit les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables. Sauf dispositions contraires du présent code, celui-ci est applicable aux relations entre l'administration et ses agents ". L'article L. 121-1 du même code dispose que : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".
13. Si M. B... soutient que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure ainsi que le principe des droits de la défense en ne le mettant pas en mesure de présenter des observations préalablement à l'adoption de la délibération qu'il conteste, cette dernière doit être regardée comme ayant été rendue sur une demande de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis serait entaché d'illégalité faute d'avoir été précédé d'une procédure contradictoire doit être écarté. Par ailleurs, il ne résulte d'aucune disposition ni d'aucun principe, contrairement à ce que soutient M. B..., que la Haute Autorité aurait été tenue de solliciter, de sa part, des précisions à la suite des informations complémentaires fournies par la communauté d'agglomération.
En ce qui concerne la légalité interne de l'avis :
14. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., il ne résulte d'aucune disposition, en particulier pas de celles de l'article 19 du décret du 30 janvier 2020 alors applicables, désormais codifiées à l'article R. 124-30 du code général de la fonction publique, qui régissent la composition du dossier de saisine de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique dans le seul cas où cette saisine constitue un préalable obligatoire à la décision de l'autorité hiérarchique à raison de l'emploi occupé par l'agent, que la saisine de la Haute Autorité dans le cas prévu au III de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 soit subordonnée à la condition que l'autorité hiérarchique justifie du caractère sérieux du doute la conduisant à y procéder. Les éventuelles erreurs ou omissions que présenteraient les pièces transmises à la Haute Autorité par l'administration ne sauraient davantage affecter, par elles-mêmes, la légalité de l'avis rendu par cette dernière. Les moyens de M. B... tirés de ce que, en raison de la composition du dossier que la communauté d'agglomération a transmis à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, l'avis en litige serait irrégulier ne peuvent par suite qu'être écartés.
15. En second lieu, lorsqu'elle exerce les attributions prévues au 3° du II de l'article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique examine notamment, aux termes du VI de cet article, si l'activité envisagée par le fonctionnaire présente un risque déontologique, c'est-à-dire " si elle risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service [ou] de méconnaître tout principe déontologique mentionné à l'article 25 de la présente loi ".
16. Pour estimer que la création de la société Oxup n'est pas compatible avec les fonctions exercées par M. B..., la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a relevé que le projet de ce dernier repose sur l'exploitation exclusive d'une sous-licence, octroyée par la société Linksium, relative à une technologie de masque d'altitude à pression expiratoire positive, et que cette technologie a été développée par le laboratoire HP2 de l'université Grenoble Alpes, qui a conclu un contrat de licence d'exploitation de son brevet avec la société Linksium, laquelle a pour objet de valoriser la recherche publique par le transfert de technologies vers le marché. Elle a ensuite constaté, d'une part, que, dans le cadre de ses fonctions publiques, M. B... conduit un projet de salle hypoxique dont le laboratoire HP2 est l'initiateur d'une étude de faisabilité et qui est présenté comme une " collaboration locale avec l'Université Grenoble Alpes et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) via le laboratoire HP2 " et, d'autre part, que des relations directes ou indirectes entre la communauté d'agglomération et la société Linksium sont caractérisées, notamment dans des domaines en lien avec les fonctions occupées par M. B... au sein de l'établissement (Campus La Brunerie, projet Kheoos, événement Inosport), et pourraient être renforcées à l'avenir au regard des initiatives prises par ce dernier et de l'importance de la société Linksium au niveau régional. Elle en a déduit l'existence d'importants risques déontologiques, notamment au regard de la prévention des conflits d'intérêts au sens de l'article 25 bis de la loi du 13 juillet 1983, un risque de remise en cause, par l'exercice simultané de ces fonctions publiques et de l'activité projetée, de l'impartialité de M. B... dans la mesure où cette activité dépendrait de deux acteurs qui ont des liens ou pourraient en avoir avec son administration, et, compte tenu du pouvoir de décision qui est confié à M. B... dans l'exercice de ses fonctions, un risque d'atteinte aux obligations déontologiques auxquelles il est soumis et au fonctionnement normal, à l'indépendance et à la neutralité du service, sans qu'aucune réserve n'apparaisse propre à les prévenir.
17. M. B... soutient que les éléments de fait ainsi retenus par la HATVP sont erronés, notamment en ce qui concerne le projet de salle hypoxique, dont il avait signalé à sa hiérarchie qu'il n'entendait plus le conduire pour le compte de la communauté d'agglomération, en raison précisément des risques de conflits d'intérêts que cela aurait impliqués s'il créait lui-même une entreprise en lien avec les mêmes partenaires. Il soutient aussi qu'une fois fait abstraction de ce projet de salle hypoxique, les relations de coopération qu'il devrait développer avec le laboratoire HP2 et la société Linksium dans le cadre de la création de son entreprise ne sont pas telles qu'eu égard à la nature de ses fonctions auprès de la communauté d'agglomération et à son niveau de responsabilité, il ne puisse poursuivre ces fonctions sans s'exposer à des risques de conflits d'intérêts, ou à tout le moins que ces risques ne puissent être prévenus par des réserves concernant les dossiers dont il aurait à connaître.
18. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'en qualité de directeur de projet de la filière " sports, loisirs, santé et bien-être ", au sein du service " Economie " de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais, M. B... est chargé de favoriser le développement des entreprises de la filière déjà implantées et l'implantation d'entreprises nouvelles, notamment par le biais de partenariats en relation avec les acteurs de la formation et de la recherche. A cette fin, il formule, en direction des élus, des propositions pouvant se revendiquer de son expérience et de son niveau de responsabilité, prend en charge l'organisation et la mise en œuvre du concours d'innovation " Inosport " qui, au-delà de la seule attribution d'un prix, permet de mettre en relation les participants, participe à l'instance de pilotage du Campus de la Brunerie, site consacré au secteur du sport, des loisirs et de la santé où se côtoient les acteurs et activités de la filière, et est chargé de développer une offre de services spécifiques aux entreprises du secteur. Or, il est constant que le laboratoire HP2 et la société Linksium sont des acteurs majeurs de cette filière à l'échelle locale et que les liens qui existeraient entre eux et M. B... en cas de réalisation de son projet de création d'entreprise le placeraient envers eux dans une situation de dépendance, de nature à faire douter de son impartialité à l'égard de l'ensemble des autres acteurs de cette filière dans l'exercice de l'ensemble de ses fonctions auprès de la communauté d'agglomération.
19. C'est, par suite, sans commettre d'erreur d'appréciation, ni méconnaître les dispositions du VI de l'article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a retenu que le projet de création d'entreprise de M. B... n'était pas compatible avec ses fonctions auprès de la communauté d'agglomération, y compris en assortissant de réserves l'autorisation qui lui serait donnée. Si M. B... soutient en outre que la Haute Autorité aurait manqué à son obligation d'examiner sa situation de manière approfondie, impartiale et équitable, aucun élément sérieux ne vient étayer une telle allégation, de sorte que ce moyen ne peut en tout état de cause qu'être écarté.
20. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la délibération de la HATVP qu'il conteste.
Sur la décision du président de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais du 27 juillet 2020 :
21. En premier lieu, pour les raisons qui viennent d'être exposées, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 27 juillet 2020 serait illégale en conséquence de l'illégalité de l'avis de la HATVP dont elle tire les conséquences.
22. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que la communauté d'agglomération, dès lors qu'elle avait saisi la HATVP dans les conditions définies au III de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 et que cette dernière avait rendu un avis d'incompatibilité, était tenue de prendre une décision refusant à M. B... l'autorisation qu'il sollicitait, sans qu'elle ait à justifier son refus par des considérations tenant à l'intérêt du service. Par suite, les autres moyens soulevés par M. B... à l'encontre de la décision du 27 juillet 2020, tirés des conditions irrégulières de saisine du référent déontologue, du délai excessif dans lequel serait intervenue la saisine de la Haute Autorité, de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure et de l'obligation d'impartialité, de loyauté et de bonne foi de l'administration, des erreurs de droit et de fait dont seraient entachés tant l'avis du référent déontologue que la décision attaquée et de ce que cette dernière procéderait d'un détournement de pouvoir ne peuvent qu'être écartés comme inopérants. Il en va de même, en tout état de cause, de celui tiré d'une méconnaissance des prescriptions de l'article 21 du décret du 30 janvier 2020, désormais codifié à l'article R. 124-32 du code général de la fonction publique, relatives au délai dans lequel doit être prise la décision, lesquelles ne sont applicables que dans le cas où la saisine de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique constitue un préalable obligatoire à la décision de l'autorité hiérarchique à raison de l'emploi occupé.
23. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du président de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais du 27 juillet 2020 qu'il conteste.
Sur la décision du président de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais du 13 novembre 2020 :
24. Pour opposer un refus à la nouvelle demande de M. B... d'être autorisé à accomplir un service à temps partiel pour créer la société Oxup, le président de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais a, d'une part, relevé que cette demande était similaire à celle formulée le 20 janvier 2020, à l'endroit de laquelle la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique avait émis un avis d'incompatibilité liant l'administration, puis constaté que les précisions apportées par l'intéressé ne modifiaient pas fondamentalement le problème déontologique que soulève son projet et que, par suite, il ne pouvait passer outre cet avis. Il a, d'autre part et au surplus, reproduit, en se les appropriant, les considérations ayant conduit la Haute Autorité à émettre son avis d'incompatibilité.
25. Il ressort des pièces du dossier que la seconde demande de M. B... avait un objet identique à celle qu'il avait initialement présentée, à savoir l'obtention d'un temps partiel pour la création de la société Oxup, dont l'objet était le développement de dispositifs médicaux destinés au traitement des maladies respiratoires, et reposait sur l'exploitation exclusive d'une sous-licence octroyée par la société Linksium, relative à une technologie validée par le laboratoire HP2. S'il y avait joint un document intitulé " notice explicative ", ce dernier présentait de nouveaux arguments en faveur de la compatibilité du projet avec ses fonctions, mais ne changeait pas l'objet de la demande sur laquelle la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique avait été amenée à se prononcer.
26. Dans ces conditions, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que, contrairement à ce que soutient M. B..., le président de la communauté d'agglomération était tenu de rejeter cette demande, sans avoir à saisir à nouveau la Haute Autorité et sans qu'ait d'incidence, à cet égard, la circonstance que le référent déontologue ait, le 2 septembre 2020, à la suite d'échanges avec M. B..., modifié son analyse initiale et émis un avis favorable au cumul d'activité projeté. Par suite, les autres moyens soulevés par M. B... à l'encontre de cette décision, tirés de son insuffisante motivation et de la méconnaissance de la procédure prévue à l'article 60 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale en cas de refus d'une autorisation de travail à temps partiel, ainsi que des erreurs dont seraient entachés ses motifs reproduisant, à titre surabondant, l'avis de la Haute Autorité ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.
27. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la communauté d'agglomération du Pays Voironnais du 13 novembre 2020 qu'il conteste, ni, en tout état de cause, à demander au Conseil d'Etat d'ordonner une médiation pour parvenir à un accord entre les parties au litige en application de l'article L. 114-1 du code de justice administrative.
28. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de M. B... doivent être rejetées, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que la communauté d'agglomération du Pays Voironnais demande au même titre.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de M. B... sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération du Pays Voironnais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la communauté d'agglomération du Pays Voironnais.
Délibéré à l'issue de la séance du 11 juillet 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Pierre Boussaroque, M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillers d'Etat et Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 24 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Muriel Deroc
La secrétaire :
Signé : Mme Elisabeth Ravanne