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22/07/2025 | FRANCE | N°494744

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 22 juillet 2025, 494744


Vu la procédure suivante :



La société Vert Marine a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler le titre exécutoire n° 17/2017 émis le 17 octobre 2017 par la commune d'Antibes en vue du recouvrement de la somme de 720 144,56 euros au titre du remboursement des frais de mise en régie provisoire de l'exploitation de la salle omnisport de la commune pour la période du 18 août 2015 au 31 décembre 2016 en application de la convention de délégation de service public et de la décharger de l'obligation de payer cette somme, d'autre part,

d'annuler le titre exécutoire n° 6/2020 du 30 juin 2020 en vue du recouvr...

Vu la procédure suivante :

La société Vert Marine a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler le titre exécutoire n° 17/2017 émis le 17 octobre 2017 par la commune d'Antibes en vue du recouvrement de la somme de 720 144,56 euros au titre du remboursement des frais de mise en régie provisoire de l'exploitation de la salle omnisport de la commune pour la période du 18 août 2015 au 31 décembre 2016 en application de la convention de délégation de service public et de la décharger de l'obligation de payer cette somme, d'autre part, d'annuler le titre exécutoire n° 6/2020 du 30 juin 2020 en vue du recouvrement de la même somme pour les mêmes frais et de la décharger de l'obligation de payer cette somme, ou, subsidiairement, de ramener le montant des pénalités à la somme de 5 000 euros et de la décharger du surplus. Par un jugement n°s 1705629, 2003847 du 22 février 2022, le tribunal administratif de Nice a déchargé la société Vert Marine de l'obligation de payer la somme de 720 144,56 euros mise à sa charge par ces titres exécutoires.

Par un arrêt n° 22MA01149 du 2 avril 2024, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune d'Antibes contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 3 juin et 3 septembre 2024 et les 16 avril et 5 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune d'Antibes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Vert Marine la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat de la commune d'Antibes et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Vert Marine ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune d'Antibes a conclu, le 19 octobre 2012, un contrat de délégation de service public pour une durée de dix ans avec la société Vert Marine en vue de l'exploitation d'une salle omnisports désormais dénommée l'Azur Aréna Antibes. En raison de la défaillance de la société VM 06160, filiale de la société Vert Marine qui s'était substituée à cette dernière en qualité de titulaire du contrat, la commune d'Antibes a mis la société Vert Marine en demeure de reprendre l'exploitation de la salle, puis, par deux titres exécutoires émis les 17 octobre 2017 et 30 juin 2020, a mis une somme de 720 144,56 euros à sa charge en vue du remboursement des frais de mise en régie provisoire pour la période du 18 août 2015 au 31 décembre 2016. Par un jugement du 22 février 2022, le tribunal administratif de Nice a accordé à la société Vert Marine la décharge de l'obligation de payer cette somme. Par un arrêt du 2 avril 2024, contre lequel la commune d'Antibes se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, applicable devant les cours administratives d'appel en application de l'article R. 611-18 du même code : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, les parties peuvent être informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience. Cette information précise alors la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. (...) ". Il résulte des derniers alinéas, respectivement, des articles R. 613-1 et R. 613-2 que lorsque la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue, l'instruction peut être close à la date d'émission de l'ordonnance qui prononce cette clôture ou à la date d'émission de l'avis d'audience.

3. En vertu de l'article R. 611-11-1, lorsque l'affaire est en état d'être jugée, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut mettre en œuvre la procédure d'information des parties définie par les dispositions de cet article en leur indiquant la date ou la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience, ainsi que la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close par une clôture à effet immédiat. L'absence de production de mémoire par la partie en défense, que celle-ci ait été ou non mise en demeure de produire, ne fait pas obstacle à ce que le juge, s'il l'estime utile, mette en œuvre cette procédure. Cependant, la faculté de prendre une ordonnance de clôture d'instruction à effet immédiat n'est ouverte qu'à compter de la date fixée dans la lettre d'information et une fois expiré chacun des délais laissés aux parties pour produire un mémoire ou répliquer aux mémoires communiqués.

4. Lorsque, après avoir pris une ordonnance de clôture d'instruction à effet immédiat dans les conditions rappelées aux points 2 et 3, le juge rouvre l'instruction, celle-ci ne peut plus être close à la date d'émission d'une nouvelle ordonnance qui prononce cette clôture ou à la date d'émission de l'avis d'audience sans nouvelle information préalable des parties dans les conditions prévues par l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

5. Il ressort des pièces de la procédure suivie devant la cour administrative d'appel de Marseille que celle-ci a, par un courrier du 9 octobre 2023, informé les parties, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de ce qu'il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience au cours du premier semestre 2024 en précisant que l'instruction était susceptible, à compter du 8 novembre 2023, de faire l'objet d'une clôture à effet immédiat par l'émission d'une ordonnance ou d'un avis d'audience. L'instruction a été clôturée avec effet immédiat par une ordonnance du 6 décembre 2023. L'instruction a ensuite été rouverte par une ordonnance du 7 février 2024 et, à cette même date, un nouveau mémoire produit par la société Vert Marine, enregistré le 21 décembre 2023, a été communiqué à la commune. En émettant, le 27 février suivant, un avis d'audience mentionnant qu'il emportait clôture de l'instruction à cette date en application des dispositions des articles R. 611-11-1 et R. 613-2 du code de justice administrative alors qu'aucune des communications mentionnées ci-dessus ni aucun courrier n'avait informé les parties que l'instruction était à nouveau susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance ou d'un avis d'audience en application de ces dispositions et quand bien même le délai imparti à la commune pour répliquer au dernier mémoire de la société Vert Marine était échu, la cour administrative d'appel a méconnu la règle rappelée au point 4. La commune d'Antibes est, par suite, fondée à soutenir que l'arrêt attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, la commune d'Antibes est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

Sur les frais de l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d'Antibes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, au titre des mêmes dispositions, à la charge de la société Vert Marine, la somme de 3 000 euros à verser à la commune d'Antibes.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 2 avril 2024 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : La société Vert Marine versera une somme de 3 000 euros à la commune d'Antibes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société Vert Marine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Antibes et à la société Vert Marine.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 494744
Date de la décision : 22/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-04-01-05 PROCÉDURE. - INSTRUCTION. - POUVOIRS GÉNÉRAUX D'INSTRUCTION DU JUGE. - CLÔTURE DE L'INSTRUCTION. - AFFAIRE EN ÉTAT D’ÊTRE JUGÉE – INFORMATION DES PARTIES DE LA DATE À PARTIR DE LAQUELLE UNE CLÔTURE D’INSTRUCTION À EFFET IMMÉDIAT POURRA ÊTRE PRONONCÉE (ART. R. 611-11-1 DU CJA) [RJ1] – CAS OÙ LE JUGE A ROUVERT L’INSTRUCTION APRÈS AVOIR FAIT UN PREMIER USAGE DE CETTE FACULTÉ – POSSIBILITÉ DE PRONONCER UNE CLÔTURE DE L’INSTRUCTION À EFFET IMMÉDIAT SANS NOUVELLE INFORMATION PRÉALABLE DES PARTIES – ABSENCE.

54-04-01-05 En vertu de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative (CJA), lorsque l’affaire est en état d’être jugée, le tribunal administratif ou la cour administrative d’appel peut mettre en œuvre la procédure d’information des parties définie par les dispositions de cet article en leur indiquant la date ou la période à laquelle il est envisagé de l’appeler à l’audience, ainsi que la date à partir de laquelle l’instruction pourra être close par une clôture à effet immédiat. L’absence de production de mémoire par la partie en défense, que celle-ci ait été ou non mise en demeure de produire, ne fait pas obstacle à ce que le juge, s’il l’estime utile, mette en œuvre cette procédure. Cependant, la faculté de prendre une ordonnance de clôture d’instruction à effet immédiat n’est ouverte qu’à compter de la date fixée dans la lettre d’information et une fois expiré chacun des délais laissés aux parties pour produire un mémoire ou répliquer aux mémoires communiqués. ...Lorsque, après avoir pris une ordonnance de clôture d’instruction à effet immédiat dans les conditions rappelées ci-dessus, le juge rouvre l’instruction, celle-ci ne peut plus être close à la date d’émission d’une nouvelle ordonnance qui prononce cette clôture ou à la date d’émission de l’avis d’audience sans nouvelle information préalable des parties dans les conditions prévues par l’article R. 611-11-1 du CJA.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2025, n° 494744
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:494744.20250722
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