Vu la procédure suivante :
M. G... et Mme D... C... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 5 juin 2024 par lequel le maire de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) a accordé un permis de construire pour la surélévation d'une construction existante à M. E... H... et Mme F... B..., de l'arrêté du 10 juin 2024 par lequel il leur a délivré un permis de construire modificatif, ainsi que de la décision implicite rejetant leur recours gracieux. Par une ordonnance n° 2413689 du 16 décembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 31 décembre 2024 et les 15 janvier et 9 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme C... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de renvoyer l'affaire au juge des référés du tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Maur-des-Fossés et de M. H... et Mme B..., la somme globale de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nejma Benmalek, auditrice,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. et Mme C..., à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la commune de Saint-Maur-des-Fossés et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de M. H... et autre ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Melun que, par un arrêté du 5 juin 2024, modifié par un arrêté du 10 juin 2024, le maire de Saint-Maur-des-Fossés a délivré à M. H... et Mme B... un permis de construire pour la réalisation de travaux de surélévation et d'extension d'une maison individuelle existante et pour la construction d'une piscine et d'une annexe. Par une ordonnance du 16 décembre 2024, contre laquelle M. et Mme C... se pourvoient en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a refusé de faire droit à leur demande tendant à la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de l'exécution de ces arrêtés.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
3. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation".
4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
5. En jugeant, pour rejeter leur demande comme irrecevable, que M. et Mme C... ne justifiaient pas d'un intérêt à agir contre le permis de construire attaqué, alors qu'ils établissaient être propriétaires d'une maison à usage d'habitation située à proximité immédiate de la parcelle d'assiette du projet, leur donnant en l'espèce la qualité de voisins immédiats, et faisaient valoir la proximité de la maison existante à étendre et à surélever, située à moins de 20 mètres de leur propre maison, la hauteur de la construction projetée, l'existence d'une vue directe sur cette construction, l'importance des travaux de démolition et de construction à réaliser et les nuisances sonores et visuelles résultant du projet en litige, le juge des référés a inexactement qualifié les faits de l'espèce. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. et Mme C... sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé, en faisant application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. En premier lieu, les requérants, voisins immédiats du projet, justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre la décision qu'ils contestent. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. H... et Mme B... et la commune de Saint-Maur-des-Fossés doit être écartée.
8. En second lieu, pour demander la suspension des arrêtés contestés et de la décision implicite rejetant leur recours gracieux, M. et Mme C... soutiennent que l'arrêté du 5 juin 2024 a été signé par une autorité incompétente, faute pour celle-ci d'avoir reçu à cet effet une délégation du maire de Saint-Maur-des-Fossés devenue exécutoire, que le projet n'a pas été établi par un architecte habilité, dit DPLG, en méconnaissance des dispositions des articles L. 431-1 et suivants et R. 431-2 du code de l'urbanisme, que le permis de construire en litige a été obtenu par fraude, dès lors que les pétitionnaires ont présenté leur projet comme portant sur l'extension et la surélévation d'une construction existante, alors qu'il porte en réalité sur une opération de démolition et reconstruction au sens du 3 des dispositions applicables à Saint-Maur-des-Fossés de l'article UP.2 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de l'établissement public territorial Paris Est Marne et Bois, dans le seul but d'échapper à l'application des dispositions relatives aux constructions nouvelles, que le projet en litige constitue une construction nouvelle et non l'extension et la surélévation d'une construction existante, qu'il méconnaît à ce titre les dispositions de l'article UP.6 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal, dès lors qu'il prévoit l'exécution de travaux au-delà de la bande de constructibilité définie par ces prescriptions et qu'il ne relève d'aucune des exceptions au principe d'inconstructibilité au-delà de cette bande, qu'à supposer que le projet en litige puisse être regardé comme portant sur l'extension et la surélévation d'une construction existante, il ne serait alors pas conforme, en premier lieu, aux dispositions applicables à Saint-Maur-des-Fossés de l'article UP.6 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal, dès lors que la construction existante est intégralement située au-delà de la bande de constructibilité, et, enfin, qu'il méconnaît les prescriptions du 1 du V des dispositions particulières applicables à Saint-Maur-des-Fossés de l'article UP.7 du même règlement, dès lors que l'extension au sol qu'il prévoit n'est pas réalisée dans le prolongement des murs existants et réduit le retrait de l'angle sud-est de la construction existante par rapport à la limite séparative.
9. Aucun de ces moyens n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une situation d'urgence, la demande de M. et Mme C... tendant à la suspension de l'exécution des deux arrêtés contestés ainsi que de la décision de rejet implicite de leur recours gracieux doit être rejetée.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Saint-Maur-des-Fossés et de M. H... et Mme B... qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme C... une somme à verser à M. H... et Mme B... et à la commune de Saint-Maur-des-Fossés au titre de ces dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 16 décembre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Melun est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. et Mme C..., la commune de Saint-Maur-des-Fossés et M. H... et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. G... C... et Mme D... C..., à M. E... H... et Mme F... B... et à la commune de Saint-Maur-des-Fossés.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 juin 2025 où siégeaient : M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat, présidant ; M. Edouard Geffray, conseiller et d'Etat Mme Nejma Benmalek, auditrice-rapporteure.
Rendu le 8 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Jean-Luc Nevache
La rapporteure :
Signé : Mme Nejma Benmalek
La secrétaire :
Signé : Mme Vasantha Breme