Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 23 408,11 euros se rapportant à des impositions à l'impôt sur le revenu, aux contributions sociales et à la taxe d'habitation dues par son père, décédé, augmentées de frais et majorations, qui lui a été notifiée par la mise en demeure du 19 novembre 2021 tenant lieu de commandement de payer. Par un jugement n° 2200971 du 16 mai 2023, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 23LY02189 du 3 octobre 2024, enregistré le 4 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, le pourvoi, enregistré au greffe de cette cour le 30 juin 2023, formé par
M. A... contre ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions relatives à l'obligation de payer la taxe d'habitation en litige.
Par ce pourvoi et un nouveau mémoire, enregistré le 22 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions relatives à l'obligation de payer la taxe d'habitation en litige ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à sa demande.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que
M. C... A..., père du requérant, était, à la date de son décès le 2 juin 2018, redevable de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 1997 à 1999, de cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 2013 à 2017 et de taxe d'habitation au titre des années 2009, 2010, 2013 et 2015 à 2017. Le 9 juin 2021, deux saisies administratives à tiers détenteur ont été notifiées à M. A..., en sa qualité d'héritier ayant accepté la succession, en vue du recouvrement de ces créances. À la suite de plusieurs échanges entre ce dernier et l'administration fiscale, le comptable public a délivré à l'encontre de M. A..., le 19 novembre 2021, une mise en demeure tenant lieu de commandement de payer la somme de 23 408,11 euros, correspondant à sa quote-part successorale des dettes fiscales non acquittées. M. A... a présenté le 21 décembre 2021 une réclamation contre cette mise en demeure que l'administration fiscale a rejetée le 8 février 2022. Par un jugement du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Dijon, après avoir regardé la demande présentée par M. A... tendant à l'annulation de cette mise en demeure comme tendant à la décharge de l'obligation de payer les dettes fiscales correspondantes, a rejeté cette demande. M. A... demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il concerne la taxe d'habitation.
2. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable (...) ". Aux termes de l'article L. 281 du même livre : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / (...) / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée (...) ". Aux termes de l'article R. 281-1 du même livre : " Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 (...) font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, au chef de service compétent (...) ". Aux termes de l'article R. 281-3-1 du même livre : " La demande prévue à l'article R. 281-1 doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée dans un délai de deux mois à partir de la notification : / a) De l'acte de poursuite dont la régularité en la forme est contestée ; / b) A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, de tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation au paiement ou sur le montant de la dette ; / c) A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, du premier acte de poursuite permettant de contester l'exigibilité de la somme réclamée ". Aux termes de l'article R. 281-4 du même livre : " Le chef de service ou l'ordonnateur mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 281 se prononce dans un délai de deux mois à partir du dépôt de la demande, dont il doit accuser réception. / (...) / Si aucune décision n'a été prise dans ce délai ou si la décision rendue ne lui donne pas satisfaction, le redevable ou la personne tenue solidairement ou conjointement doit, à peine de forclusion, porter l'affaire devant le juge compétent tel qu'il est défini à l'article L. 281. Il dispose pour cela de deux mois (...) ". Aux termes de l'article R. 281-5 de ce livre : " Le juge se prononce exclusivement au vu des justifications qui ont été présentées au chef de service. Les redevables qui l'ont saisi ne peuvent ni lui soumettre des pièces justificatives autres que celles qu'ils ont déjà produites à l'appui de leurs mémoires, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans ces mémoires ".
3. Lorsque le redevable d'une imposition se prévaut de la prescription de l'action en recouvrement, il soulève une contestation qui ne porte pas sur l'obligation de payer mais qui a trait à l'exigibilité de l'impôt. La prescription de l'action en recouvrement doit, en application du c de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales, être invoquée à l'appui de la réclamation préalable adressée à l'administration compétente dans un délai de deux mois à partir de la notification du premier acte de poursuite permettant de s'en prévaloir. Lorsqu'une réclamation a été présentée à l'administration à l'encontre de ce premier acte de poursuite sans invoquer un tel motif, le contribuable, s'il conteste devant le juge le rejet de cette réclamation, peut néanmoins invoquer devant ce juge, eu égard au premier alinéa de l'article R. 281-5 du même livre, la prescription de l'action en recouvrement à la condition que celle-ci n'implique l'appréciation d'aucune autre pièce justificative ou circonstance de fait que celles qu'il a produites ou exposées dans sa réclamation.
4. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour juger que le moyen soulevé par M. A..., tiré de la prescription de l'action en recouvrement à son endroit, était tardif et, par suite, irrecevable, le tribunal administratif de Dijon, après avoir relevé que si l'administration n'apportait pas la preuve de la notification à M. A... des deux saisies administratives à tiers détenteur du 9 juin 2021, qui mentionnaient les voies et délais de recours, l'intéressé en avait lui-même accusé réception le 21 juin 2021, a estimé qu'aucune réclamation préalable n'avait été présentée dans le délai de deux mois à compter de la notification de ces actes.
5. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un courrier en date du 16 juillet 2021, le conseil de M. A... a demandé à l'administration fiscale la mainlevée des deux saisies administratives à tiers détenteur mentionnées au point précédent et a soulevé la question de " l'ancienneté des taxes et impôts réclamés à la succession " du père de M. A..., ainsi que du respect par l'administration du délai qui lui était imparti pour agir. Eu égard à ses termes et à sa teneur, ce courrier du 16 juillet 2021, qui a fait l'objet d'une décision de rejet du 29 juillet 2021 par laquelle l'administration a indiqué que les sommes n'étaient pas prescrites et qui ne mentionnait pas les voies et délais de recours, revêt le caractère d'une réclamation au sens et pour l'application des articles L. 281, R. 281-1 et R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales. Dès lors, en estimant que M. A... n'avait pas présenté de réclamation préalable dans le délai de deux mois fixé par ces dernières dispositions, le tribunal administratif de Dijon a inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation.
6. Il en résulte que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque en tant qu'il rejette ses conclusions relatives à l'obligation de payer la taxe d'habitation en litige.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 16 mai 2023 est annulé en tant qu'il se prononce sur la taxe d'habitation.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de l'annulation prononcée à l'article 1er, au tribunal administratif de Dijon.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 27 mai 2025 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Réda Wadjinny-Green, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 24 juin 2025.
La présidente :
Signé : Mme Anne Egerszegi
Le rapporteur :
Signé : M. Réda Wadjinny-Green
Le secrétaire :
Signé : M. Brian Bouquet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :