Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération générale des fonctionnaires-Force ouvrière (FGF-FO), l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), la Fédération syndicale unitaire (FSU), l'Union syndicale solidaires fonction publique, l'Union fédérale des syndicats de l'Etat-CGT et la Fédération des services publics CFE-CGC demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du 2 août 2023 du ministre de la transformation et de la fonction publiques et du ministre délégué chargé des comptes publics relative au chèque-vacances au bénéfice des agents de l'Etat, ainsi que la décision du 6 novembre 2023 de la directrice générale de l'administration et de la fonction publique et la décision implicite de la directrice du budget rejetant leur recours gracieux contre cette circulaire ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La Fédération générale des fonctionnaires-Force ouvrière et les autres syndicats requérants soutiennent que la circulaire attaquée est entachée :
- d'un vice de procédure résultant de l'absence d'information suffisante et de consultation préalable du comité interministériel consultatif d'action sociale des administrations de l'Etat, en méconnaissance des articles 4 à 6 du décret du 6 janvier 2006 ;
- d'illégalité en ce qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 732-3 du code général de la fonction publique, de l'article L. 411-18 du code du tourisme et de l'article 2 du décret n° 2006-21 du 6 janvier 2006, selon lesquelles les retraités sont au nombre des bénéficiaires des chèques-vacances ;
- d'incompétence en ce qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 411-21 du code du tourisme qui renvoient à un décret en Conseil d'Etat les conditions d'application des dispositions législatives relatives au chèque-vacances ;
- d'illégalité et d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle méconnaît les dispositions des articles L. 411-18 et L. 411-19 du code du tourisme en excluant les retraités du bénéfice des chèques-vacances alors qu'ils représentent la catégorie de bénéficiaires aux ressources les plus faibles.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code du tourisme ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 2006-21 du 6 janvier 2006 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La Fédération générale des fonctionnaires-Force ouvrière (FGF-FO), l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), la Fédération syndicale unitaire (FSU), l'Union syndicale solidaires fonction publique, l'Union fédérale des syndicats de l'Etat-CGT et la Fédération des services publics CFE-CGC demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du 2 août 2023 relative au chèque-vacances au bénéfice des agents de l'Etat en tant qu'elle exclut du bénéfice des chèques-vacances les fonctionnaires civils et militaires retraités, les ouvriers de l'Etat retraités, les agents non titulaires retraités de l'Etat et les retraités de l'Etat qui bénéficient du versement par l'Etat d'une retraite au titre des pensions d'Etats étrangers garanties.
2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 9 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais codifié à l'article L. 731-2 du code général de la fonction publique, les fonctionnaires " participent à la définition et à la gestion de l'action sociale, culturelle, sportive et de loisirs dont ils bénéficient ou qu'ils organisent ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 janvier 2006 relatif à l'action sociale au bénéfice des agents de l'Etat : " Il incombe à l'Etat employeur d'organiser une action sociale dans la limite des crédits prévus à cet effet ". L'article 3 du même décret précise que cette action sociale " est organisée aux niveaux tant interministériel que ministériel " et l'article 4 dispose que : " Conformément aux dispositions de l'article 9 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, les agents de l'Etat participent à la définition et à la gestion de l'action sociale par l'intermédiaire de représentants siégeant dans des organes consultatifs compétents en cette matière ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " S'agissant de l'action sociale interministérielle, la participation des agents, mentionnée à l'article 4 du présent décret, est organisée au sein du comité interministériel consultatif d'action sociale des administrations de l'Etat et de ses sections régionales ". Enfin, aux termes de l'article 6 de ce décret : " Le comité interministériel consultatif d'action sociale des administrations de l'Etat mentionné à l'article 5 du présent décret est institué auprès du ministre chargé de la fonction publique. (...) Le comité interministériel consultatif d'action sociale des administrations de l'Etat est compétent pour : 1. Proposer les orientations de l'action sociale interministérielle tant au niveau national qu'à l'échelon déconcentré ; il se dote à cette fin de commissions thématiques ; 2. Proposer la répartition des crédits d'action sociale interministérielle gérés tant au niveau central qu'au niveau déconcentré (...) ". En vertu de ces dispositions, le comité interministériel consultatif de l'action sociale doit être consulté sur les orientations et la répartition des crédits de l'action sociale interministérielle.
3. Par la circulaire attaquée du 2 août 2023, les conditions d'attribution des chèques-vacances ont été révisées, en restreignant leur bénéfice aux seuls agents publics en activité et en excluant du bénéfice de cette prestation d'action sociale interministérielle les agents retraités qui en bénéficiaient jusqu'alors, selon ce que prévoyait notamment la circulaire précédente du 22 décembre 2020. S'il ressort des pièces du dossier que les membres du comité interministériel consultatif de l'action sociale ainsi que les secrétaires généraux des organisations syndicales siégeant dans cette instance ont été informés de cette modification du champ des bénéficiaires des chèques-vacances par un courriel du 2 août 2023 de l'administration, il est constant que ni le comité interministériel consultatif de l'action sociale ni ses commissions permanentes n'ont été, préalablement à la signature de cette circulaire, informés et mis à même de débattre des nouvelles orientations souhaitées pour la mise en œuvre de l'action sociale interministérielle dans le cadre d'une réduction des crédits budgétaires, et particulièrement du recentrage du bénéfice de la prestation des chèques-vacances sur les seuls agents de l'Etat en activité, tel que prévu par la circulaire attaquée. Par suite, les organisations syndicales requérantes sont fondées à soutenir que la circulaire attaquée, faute de consultation préalable du comité interministériel consultatif de l'action sociale est entachée d'illégalité.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la circulaire du 2 août 2023 relative aux chèques-vacances au bénéfice des agents de l'Etat doit être annulée en tant qu'elle exclut les agents retraités du bénéfice des chèques-vacances.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 1 500 euros à verser à l'ensemble des organisations syndicales requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La circulaire du 2 août 2023 relative au chèque-vacances au bénéfice des agents de l'Etat est annulée en tant qu'elle exclut les agents retraités du bénéfice des chèques-vacances.
Article 2 : L'Etat versera aux organisations syndicales requérantes une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération générale des fonctionnaires-Force ouvrière (FGF-FO), pour l'ensemble des requérantes, au Premier ministre, au ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 4 juin 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Pierre Boussaroque, M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillers d'Etat et Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 24 juin 2025.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Nicole da Costa
La secrétaire :
Signé : Mme Elisabeth Ravanne