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20/06/2025 | FRANCE | N°504700

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 20 juin 2025, 504700


Vu la procédure suivante :

Mme D... B..., agissant en son nom et au nom de son fils mineur, C... A..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à la Ville de Paris de réexaminer sans délai sa situation en vue de leur offrir des perspectives d'hébergement satisfaisant aux objectifs résultant de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, à savoir un hébergement digne et pérenne, sans délai, à compter de la notification de

l'ordonnance à intervenir.



Par une ordonnance n° ...

Vu la procédure suivante :

Mme D... B..., agissant en son nom et au nom de son fils mineur, C... A..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à la Ville de Paris de réexaminer sans délai sa situation en vue de leur offrir des perspectives d'hébergement satisfaisant aux objectifs résultant de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, à savoir un hébergement digne et pérenne, sans délai, à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir.

Par une ordonnance n° 2512632 du 12 mai 2025, la juge des référés du tribunal administratif de Paris a enjoint à la Ville de Paris de réexaminer sans délai sa situation et celle de son enfant, en vue de leur offrir un hébergement conforme aux objectifs résultant de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, tant en termes de pérennité que de dignité de l'hébergement et en tenant compte du jeune âge de l'enfant.

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 mai et 17 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ville de Paris demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme B....

Elle soutient que c'est à tort que la juge des référés a retenu que le SMS adressé à Mme B... par le Samu Social lui notifiant un hébergement jusqu'au 1er juin 2025 dans l'établissement hôtelier Hôtel Jaure's Café de Juvisy-sur-Orge traduisait une absence de perspectives de pérennité de son hébergement et de celui de son enfant, constitutive d'une carence caractérisée dans l'accomplissement de ses missions dès lors qu'elle lui a proposé une prise en charge consistant en un hébergement hôtelier en Ile-de-France et un accompagnement social effectifs jusqu'à ce qu'une autre solution d'orientation pérenne et adaptée à leur situation soit trouvée.

Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 et 16 juin 2025, Mme B... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la Ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Ville de Paris et, d'autre part, Mme B... ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 12 juin 2025, à 11 heures :

- Me Froger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Ville de Paris ;

- les représentants de la Ville de Paris ;

- Me Pinatel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme B... ;

- Mme B... et son représentant ;

à l'issue de laquelle la juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 17 juin 2025 à 18 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

2. L'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " Le service de l'aide sociale à l'enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes : / 1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique (...) aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l'autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social (...) / (...) / 3° Mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs mentionnés au 1° du présent article ; (...) ". Aux termes de l'article L. 222-5 du même code : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : (...) 4° Les femmes enceintes et les mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu'elles sont sans domicile. (...) " Enfin, il résulte de l'article L. 221-2 de ce code que le département doit notamment disposer de " possibilités d'accueil d'urgence " ainsi que de " structures d'accueil pour les femmes enceintes et les mères avec leurs enfants " et de son article L. 222-3 que les prestations d'aide sociale à l'enfance peuvent prendre la forme du versement d'aides financières.

3. Il résulte des dispositions de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, citées au point 2, que la prise en charge, qui inclut l'hébergement, le cas échéant en urgence, des femmes enceintes ou des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu'elles sont sans domicile, incombe au département. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

4. Lorsque le juge des référés constate une carence caractérisée de la collectivité publique dans l'accomplissement de ses missions, il lui incombe d'enjoindre à cette collectivité, non de proposer une solution d'hébergement pérenne, mais de réexaminer la situation de l'intéressé, en vue de lui offrir un hébergement satisfaisant aux objectifs résultant de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles.

5. La Ville de Paris fait appel de l'ordonnance du 12 mai 2025 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Paris lui a enjoint, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de réexaminer sans délai la situation de Mme B... et de son enfant, en vue de leur offrir un hébergement conforme aux objectifs résultant de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, " tant en termes de pérennité que de dignité de l'hébergement en tenant compte du jeune âge de l'enfant ".

6. Il résulte de l'instruction que Mme B... assume seule la charge de son fils, né le 14 janvier 2025. Tous les deux ont été pris en charge à partir du 12 mai 2025, soit postérieurement à l'introduction de leur requête devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris, par le dispositif de mise à l'abri de la Ville de Paris consistant en un hébergement d'urgence dans un centre de mise à l'abri, assorti d'un accompagnement social. Se fondant sur le message reçu du SAMU social mentionnant que cet hébergement était prévu jusqu'au 1er juin 2025, la juge des référés du tribunal administratif de Paris a relevé le caractère précaire de ce dernier et a retenu en conséquence une carence caractérisée dans l'accomplissement de la mission confiée à la Ville de Paris en l'absence de " perspectives quant à la pérennité de l'hébergement " de la requérante et de son enfant. Elle a par suite enjoint à la Ville de Paris de réexaminer sans délai la situation de l'intéressée et de son enfant, en vue de leur offrir un hébergement conforme aux objectifs résultant de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles. Toutefois, d'une part, le certificat d'admission dans le dispositif d'hébergement hôtelier de la Ville de Paris, produit en première instance, mentionnait que l'intéressée serait prise en charge " tant qu'une autre solution d'orientation pérenne et adaptée à sa situation n'aura pas été trouvée ". En appel, la Ville de Paris a produit une nouvelle attestation précisant que la prise en charge de l'intéressée et de son enfant a le caractère d'une " prise en charge stabilisée sur le dispositif. De ce fait la famille pourra bénéficier d'un hébergement tant que la demande sera toujours en cours ". S'il a été produit en première instance un message adressé à Mme B... mentionnant un hébergement jusqu'au 1er juin 2025, il ressort de cette même attestation ainsi que des explications fournies en appel à l'audience que ce message est envoyé automatiquement avec l'indication de la durée de réservation de l'hébergement qui est, selon le contrat conclu avec l'hébergeur, déterminée mensuellement. Il a d'ailleurs été précisé à l'audience que Mme B... et son enfant sont bien toujours hébergés et qu'ils bénéficient d'un accompagnement social. D'autre part, si, à l'audience, Mme B... s'est prévalue de ce que les conditions de son hébergement ne seraient pas adaptées à sa situation et au développement de son enfant, la visite sur place à laquelle la Ville de Paris a fait procéder le 13 juin ne corrobore pas cette allégation qui n'est en outre pas suffisamment étayée par les pièces produites par Mme B.... Il résulte de tout ce qui précède que la Ville de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Paris lui a enjoint de réexaminer sans délai la situation de la requérante et de son enfant, en vue de leur offrir un hébergement conforme aux objectifs résultant de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles.

7. Par suite, il y a lieu d'annuler cette ordonnance et de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B.... La Ville de Paris n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'article 2 de l'ordonnance du 12 mai 2025 de la juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions d'injonction présentées par Mme B... devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en appel sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la Ville de Paris et à Mme D... B....

Fait à Paris, le 20 juin 2025

Signé : Nathalie Escaut


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 504700
Date de la décision : 20/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 2025, n° 504700
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP FABIANI PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:504700.20250620
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