Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 et 26 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret du 18 février 2025 portant déchéance de sa nationalité française ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à son conseil, Me Guermonprez-Tanner, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que le décret attaqué a une incidence grave et immédiate sur sa situation concrète en tant, d'une part, qu'il crée un environnement favorisant l'aggravation de ses troubles psychiques reconnus médicalement et en tant, d'autre part, qu'il a pour effet de le priver de tout document d'identité rendant impossible la poursuite de ses missions d'intérim et le privant ainsi des ressources indispensables à la satisfaction de ses besoins et de ceux de ses enfants en bas âge ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- d'une part, la décision contestée méconnaît les principes de nécessité et de proportionnalité des sanctions, au regard des faits retenus pour prononcer sa condamnation pénale, de la plus faible intensité de celle-ci au regard de celle prononcée à l'encontre de ses coprévenus, de son profil qui ne correspond pas à celui d'un djihadiste convaincu, de son comportement ultérieur qui lui a permis de bénéficier d'aménagements de peine, de ses efforts d'insertion professionnelle, de sa contribution à l'entretien de ses enfants et de son attachement aux valeurs de la France ;
- la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée dès lors qu'il a acquis la nationalité française à 13 ans, qu'il a grandi en France, qu'il ne dispose d'aucune attache au Maroc et que sa compagne et ses enfants sont français.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code pénal ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Aux termes de l'article 25 du code civil : " L'individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d'Etat, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride : / 1° S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme (...) ". Ces dispositions permettent de déchoir de la nationalité française les personnes qui ont acquis cette nationalité et qui ont également une autre nationalité lorsqu'elles ont été condamnées pour crime ou délit constituant un acte de terrorisme. L'article 25-1 du code civil ne permet la déchéance de la nationalité dans ce cas qu'à la condition que les faits aient été commis moins de quinze ans auparavant et qu'ils aient été commis soit avant l'acquisition de la nationalité française, soit dans un délai de quinze ans à compter de cette acquisition. Par ailleurs, l'article 421-2-1 du code pénal qualifie d'acte de terrorisme " le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme " mentionnés aux articles 421-1 et 421-2 du code pénal.
3. M. B..., de nationalité marocaine, a acquis la nationalité française par l'effet collectif attaché au décret de naturalisation de sa mère du 8 janvier 2010. Par un jugement du 14 juin 2018 du tribunal correctionnel de Paris, devenu définitif, M. B... a été condamné à une peine de quatre ans d'emprisonnement, dont 1 an assorti d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant 3 ans pour des faits qualifiés de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, infractions prévues par les articles 421-1 et 421-1-2 du code pénal. Il demande la suspension de l'exécution du décret du 18 février 2025, pris sur le fondement des articles 25 et 25-1 du code civil, par lequel il a été déchu de la nationalité française.
4. M. B... soutient, d'une part, que la décision contestée méconnaîtrait les principes de nécessité et de proportionnalité des sanctions et, d'autre part, qu'elle porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée. Eu égard, d'une part, tant à la nature et à la gravité des faits qu'il a commis qui ont donné lieu à la condamnation pénale mentionnée au point 3, qu'à l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment ses troubles psychiques et son comportement postérieur apprécié à la date de la mesure critiquée, et, eu égard, d'autre part, aux effets de la mesure de déchéance de nationalité sur sa situation personnelle, les moyens qu'il a soulevés ne sont pas, en l'état de l'instruction propres à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que la requête de M. B... doit être rejetée en application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....
Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Fait à Paris, le 10 juin 2025
Signé : Olivier Yeznikian