Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 mars 2018 par lequel le président du conseil départemental d'Ille-et-Vilaine l'a placée en congé de longue maladie à plein traitement du 8 novembre 2016 au 7 novembre 2017 inclus, puis à demi-traitement du 8 novembre 2017 au 7 mai 2018 inclus. Par un jugement n° 1801999 du 29 juin 2021, le tribunal administratif a annulé cet arrêté et enjoint au président du conseil départemental de placer l'intéressée en position d'activité à compter du 8 novembre 2016 et d'en tirer les conséquences sur sa situation administrative.
Par un arrêt n° 21NT02143 du 5 mai 2023, la cour administrative d'appel de Nantes, sur appel du département d'Ille-et-Vilaine et appel incident de Mme B..., a annulé ce jugement et rejeté la demande de première instance et le surplus des conclusions des parties.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 5 juillet et 5 octobre 2023 et 2 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du département d'Ille-et-Vilaine ;
3°) de mettre à la charge du département d'Ille-et-Vilaine la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sarah Houllier, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme B... et à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du département d'Ille-et-Vilaine ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., rédactrice territoriale au sein des services du conseil départemental d'Ille-et-Vilaine, a été placée en congé de maladie ordinaire du 26 août au 11 novembre 2016. Le département a estimé que Mme B... souffrait d'une pathologie mentale affectant son aptitude à reprendre ses fonctions et, après avoir mandaté un médecin psychiatre pour conduire une expertise médicale, a saisi le comité médical d'une demande de placement en congé de longue maladie. Après avis favorable du comité médical, le président du conseil départemental a, par un arrêté du 2 mars 2018, décidé de placer d'office Mme B... en congé de longue maladie à compter du 8 novembre 2016 et jusqu'au 7 mai 2018. Par un jugement du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté et a enjoint au département d'Ille-et-Vilaine de reconstituer la carrière de Mme B... à compter du 8 novembre 2016 en la replaçant en position d'activité. Mme B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 mai 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, sur appel du département et son appel incident, a annulé ce jugement et rejeté sa demande de première instance.
Sur les moyens relatifs à la procédure suivie par l'administration :
2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté en litige, aujourd'hui repris en substance aux articles L. 822-6 à L. 822-8 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent (...) ".
3. Aux termes de l'article 24 du décret du 30 juillet 1987 relatif à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, pris pour l'application de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté en litige : " Lorsque l'autorité territoriale estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs d'un fonctionnaire, que celui-ci se trouve dans la situation prévue à l'article 57 (3° ou 4°) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée, elle peut provoquer l'examen médical de l'intéressé dans les conditions prévues aux alinéas 3 et suivants de l'article 25 ci-dessous. Un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive attaché à la collectivité ou établissement dont relève le fonctionnaire concerné doit figurer au dossier ". Les alinéas 3 et suivants de l'article 25 du même décret auquel il est ainsi renvoyé disposent que : " Au vu de ces pièces, le secrétaire du comité médical fait procéder à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé compétent pour l'affection en cause. / Le dossier est ensuite soumis au comité médical. Si le médecin agréé qui a procédé à la contre-visite ne siège pas au comité médical, il peut être entendu par celui-ci. / L'avis du comité médical est transmis à l'autorité territoriale qui, en cas de contestation de sa part ou du fonctionnaire intéressé, le soumet pour avis au comité médical supérieur visé à l'article 5 du présent décret ". Le deuxième alinéa de l'article 9 du même décret dispose également que : " L'intéressé et l'administration peuvent faire entendre le médecin de leur choix par le comité médical ". Enfin, le premier alinéa de l'article 5 du même décret dispose que : " Le comité médical supérieur institué auprès du ministre chargé de la santé par le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 susvisé peut être appelé, à la demande de l'autorité compétente ou du fonctionnaire concerné, à donner son avis sur les cas litigieux, qui doivent avoir été préalablement examinés en premier ressort par les comités médicaux ".
4. En premier lieu, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, par courrier du 31 janvier 2018, le président du centre de gestion du département d'Ille-et-Vilaine a informé Mme B... que son dossier serait examiné par le comité médical lors de sa séance du 15 février 2018 et l'a également informée qu'elle avait la possibilité de faire entendre le médecin de son choix au cours de cette séance. En jugeant que, dans ces conditions, ni la circonstance que le comité médical n'a pas proposé une autre date à la requérante pour qu'elle puisse faire entendre son médecin psychiatre qui n'était pas disponible à la date prévue, ni celle qu'il a refusé d'entendre ce médecin par téléphone n'ont entaché d'irrégularité la décision contestée, la cour administrative d'appel n'a ni commis une erreur de droit, ni entaché son arrêt de contradiction de motifs.
5. En second lieu, aucune disposition du décret du 30 juillet 1987 n'impartit au fonctionnaire un délai pour saisir le comité médical supérieur, ni n'impose à l'administration de laisser s'écouler un délai entre l'avis du comité médical départemental et sa décision pour permettre, le cas échéant, à l'intéressé de saisir le comité médical supérieur. Dans ces conditions, s'il est loisible à l'administration de prendre, dès le recueil de l'avis du comité médical, la décision de placer d'office le fonctionnaire en congé de longue maladie, il lui appartient, lorsque l'agent fait connaître dans un délai raisonnable son intention de contester l'avis du comité médical devant le comité médical supérieur, de statuer de nouveau sur sa situation, y compris pendant la période couverte par la décision antérieure, au vu de l'avis émis par le comité médical supérieur et de retirer, s'il y a lieu, la décision prise au vu de l'avis du comité médical départemental.
6. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la cour administrative d'appel a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que la circonstance que l'avis du comité médical avait été notifié à Mme B... en même temps que la décision de l'administration de la placer d'office en congé de longue maladie n'était pas, par elle-même, de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Par ailleurs, c'est par une appréciation souveraine des faits de l'espèce, exempte de dénaturation, que la cour a retenu que Mme B... n'avait pas, postérieurement à la notification de l'avis du comité médical, manifesté l'intention de contester cet avis devant le comité médical supérieur. La cour n'a pas davantage commis d'erreur de droit en en déduisant que l'administration n'avait pas commis d'irrégularité en ne saisissant pas le comité médical supérieur.
Sur les moyens relatifs au bien-fondé du placement en congé de longue maladie :
7. En premier lieu, pour juger que les conditions pour placer Mme B... en congé de longue maladie étaient réunies, la cour administrative d'appel, ainsi qu'il résulte de son arrêt, ne s'est pas fondée sur le seul fait que l'intéressée était dans l'incapacité de reprendre son emploi, mais a recherché si elle souffrait d'une pathologie rendant nécessaires un traitement et des soins prolongés et si celle-ci présentait un caractère invalidant ou une gravité confirmée. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 doit être écarté.
8. En second lieu, la cour administrative d'appel a relevé, en se référant aux différents avis médicaux figurant au dossier, et notamment à l'avis de l'expert judiciaire, que Mme B... présentait des tendances anxio-dépressives. Elle a estimé que, compte tenu de sa " personnalité de type sensitif " et d'une tendance à sous-estimer le niveau de conflit autour d'elle, elle présentait une pathologie d'un caractère invalidant, rendant impossible la reprise de ses fonctions et justifiant un suivi et un traitement prolongés. En statuant ainsi, bien qu'aient figuré également au dossier soumis aux juges du fond des attestations du psychiatre et du médecin traitant de Mme B... qui considéraient qu'elle était en état de reprendre ses fonctions, la cour administrative d'appel s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce exempte de dénaturation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du département d'Ille-et-Vilaine qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par le département d'Ille-et-Vilaine au même titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de Mme B... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département d'Ille et-Vilaine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au département d'Ille-et-Vilaine.