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25/04/2025 | FRANCE | N°503575

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 25 avril 2025, 503575


Vu la procédure suivante :



M. C... A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, en premier lieu, de suspendre l'exécution de la décision implicite de refus de renouvellement de titre de séjour qui est née le 30 juillet 2023, en deuxième lieu, de lui délivrer un récépissé dans un délai de 24 heures à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et,

en dernier lieu, d'adresser le récépissé par voie postale au 8 rue général Co...

Vu la procédure suivante :

M. C... A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, en premier lieu, de suspendre l'exécution de la décision implicite de refus de renouvellement de titre de séjour qui est née le 30 juillet 2023, en deuxième lieu, de lui délivrer un récépissé dans un délai de 24 heures à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, en dernier lieu, d'adresser le récépissé par voie postale au 8 rue général Cochet à Clermont-Ferrand dans un délai de 48 heures à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2500951 du 9 avril 2025, la juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, a enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un nouveau récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'ordonnance, en le notifiant à l'adresse qu'il a indiquée comme étant son nouveau domicile, au 8 rue général Cochet à Clermont-Ferrand et, d'autre part, a rejeté le surplus de la demande.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 et 22 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de rejeter la demande de M. A... B....

Il soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors que, en premier lieu, l'urgence ne saurait résulter de la seule circonstance que M. A... B..., qui n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il aurait fait l'objet d'une mesure d'éloignement prise par les autorités espagnoles qui serait susceptible d'être mise à exécution à brève échéance, soit placé en centre de rétention, en deuxième lieu, son placement en rétention découle de son comportement troublant l'ordre public et non de l'absence d'un titre de séjour français, en troisième lieu, il s'est délibérément placé dans la situation dont il se prévaut et ne démontre pas avoir effectué les démarches nécessaires pour le renouvellement de son récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour et, en dernier lieu, il a versé un récépissé falsifié auprès de la juridiction ;

- il n'est pas porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de mener une vie privée et familiale normale et à l'intérêt supérieur de l'enfant en ce que, en premier lieu, M. A... B... s'est placé délibérément dans la situation dont il se prévaut en se rendant sur le territoire d'un autre Etat membre sans titre de séjour en cours de validité, en deuxième lieu, il ne justifie pas de la réalité de sa résidence sur le territoire français ni de sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de son enfant et, en dernier lieu, l'impossibilité d'exercer son droit de visite et d'hébergement ne résulte pas de la décision implicite de rejet du préfet du Puy-du-Dôme ;

- il n'est pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir dès lors que, d'une part, M. A... B... s'est placé lui-même dans cette situation en se rendant délibérément en Espagne en connaissance de sa situation irrégulière et, d'autre part, il peut contester la décision dont il fait l'objet devant les juridictions espagnoles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2025, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle et conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et, d'autre part, M. A... B... ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 23 avril 2025, à 15 heures :

- les représentantes du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;

- Me Loiseau, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de M. A... B... ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. " Aux termes de l'article R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise. Ce document est revêtu de la signature de l'agent compétent ainsi que du timbre du service chargé, en vertu de l'article R. 431-20, de l'instruction de la demande. "

3. Aux termes de l'article R* 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. " Selon l'article R. 432-2 du même code : " La décision implicite de rejet mentionnée à l'article R.* 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que M. A... B..., ressortissant tunisien né en 1989 et père d'un enfant français, s'est vu délivrer à ce titre en 2019 une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Son titre a été renouvelé régulièrement et, en dernier lieu, le 26 avril 2022 pour une durée d'un an. Il a formé, le 7 mars 2023, une demande de renouvellement de son titre et a été mis en possession de récépissés successifs, le dernier expirant le 24 juillet 2024. En février 2025, il s'est rendu à des fins touristiques en Espagne où il a été placé, par un jugement du 26 février 2025, en centre de rétention pour une durée de 60 jours dans l'attente d'une éventuelle procédure administrative d'éloignement. Par une ordonnance du 9 avril 2025, dont le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur relève appel, la juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, sur la demande de M. A... B..., enjoint au préfet du Puy-de-Dôme, en application des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de délivrer à celui-ci dans un délai de 48 heures un nouveau récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour l'autorisant à travailler, devant être notifié à l'adresse qu'il a indiquée comme étant son domicile à Clermont-Ferrand.

5. La condition d'urgence posée par l'article L. 521-2 du code de justice administrative s'apprécie objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce. En particulier, le requérant qui saisit le juge des référés sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative doit justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. La circonstance qu'une atteinte à une liberté fondamentale, portée par une mesure administrative, serait avérée n'est pas de nature à caractériser, à elle seule, l'existence d'une situation d'urgence au sens de cet article.

6. Il résulte de l'instruction que M. A... B... s'est rendu en Espagne alors qu'il n'était plus en possession d'un document l'autorisant à voyager hors du territoire français, qu'il n'avait entrepris aucune démarche en vue d'obtenir un nouveau récépissé à l'expiration du dernier qui lui avait été délivré, se contentant de falsifier la date d'expiration de celui-ci, et qu'il n'avait pas davantage contesté la décision implicite de refus de renouvellement de son titre de séjour intervenue, en application des dispositions citées au point 3, au terme d'une période de silence de quatre mois gardé par l'administration sur sa demande. Il résulte également de l'instruction que l'autorisation de placement en rétention administrative délivrée par les juridictions espagnoles arrive à son terme dans les tous prochains jours sans qu'il soit fait état d'une prolongation de celle-ci ni de l'intervention d'une décision d'éloignement de M. A... B... à destination de la Tunisie. Il en résulte enfin que le placement en rétention de l'intéressé ne trouve pas sa seule justification dans l'irrégularité de sa situation au regard du séjour en Espagne mais est également fondé, selon les termes du jugement rendu par le juge de première instance de Rota, sur des motifs d'ordre public tenant à la possession par l'intéressé d'une arme blanche, celui-ci ayant par ailleurs fait l'objet le 18 février 2025 de condamnations pénales pour vol à l'étalage et falsification de documents d'identité. Il n'apparaît ainsi pas établi que la délivrance d'un nouveau récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour français soit de nature à permettre qu'il soit mis fin à la rétention de l'intéressé en Espagne, laquelle doit au demeurant, ainsi qu'il a été dit, prendre fin très prochainement.

7. Dans ces circonstances, et pour regrettable que soit le délai mis par l'administration pour instruire la demande de renouvellement de titre de séjour que M. A... B... a formée sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'est pas justifié, à la date de la présente ordonnance, d'une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative impliquant, sous réserve que les autres conditions posées par cet article soient remplies, qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les quarante-huit heures. Le ministre est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a prononcé une injonction à l'encontre du préfet du Puy-de-Dôme.

8. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler l'ordonnance de la juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et de rejeter les conclusions présentées par M. A... B... en première instance. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. A... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées, sans qu'il y ait lieu de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du 9 avril 2025 de la juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A... B... devant le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ainsi que ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. C... A... B....

Fait à Paris, le 25 avril 2025

Signé : Pierre Collin


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 503575
Date de la décision : 25/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 avr. 2025, n° 503575
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:503575.20250425
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