Vu la procédure suivante :
La société Consortium Stade de France a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'une part, d'annuler la procédure de passation du contrat de concession portant sur l'exploitation du Stade de France ou, à tout le moins, la décision du 9 décembre 2024 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a décidé de classer son offre finale en deuxième position et d'engager des négociations exclusives avec son concurrent, et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres finales.
Par une ordonnance n° 2500595 du 6 février 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et des nouveaux mémoires, enregistrés les 11 et 20 février et 19, 24 et 28 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Consortium Stade de France demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge solidaire de l'État, de la société GL Events Venues et de la société Financière du Stade de France une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François-Xavier Bréchot, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Consortium Stade de France, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société GL Events Venues et de la société Financière du Stade de France et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un avis d'appel public à la concurrence publié au Bulletin officiel des annonces des marchés publics le 9 mars 2023 et au Journal officiel de l'Union européenne le 10 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a lancé une procédure de passation en vue de la conclusion, par l'Etat, d'un contrat de concession portant sur l'exploitation du Stade de France (Saint-Denis). Deux groupements momentanés d'entreprises, l'un composé de la société Consortium Stade de France, agissant en qualité de mandataire, et des sociétés Vinci Stadium, Bouygues Construction et Stade 1, l'autre composé de la société GL Events Venues, agissant en qualité de mandataire, et de la société Financière du Stade de France, ont déposé leurs candidatures le 27 avril 2023. À la suite du dépôt de leur offre initiale, le 3 janvier 2024, l'Etat a engagé des négociations avec chacun des candidats et les a invités à remettre leur offre " finale ". Par un courrier du 9 décembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a informé la société Consortium Stade de France que l'offre " finale " de son groupement avait été classée en deuxième position et qu'en application de l'article 10.3 du règlement de la consultation, il engageait des négociations exclusives avec l'autre soumissionnaire, classé en première position. La société Consortium Stade de France se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 6 février 2025 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la procédure de passation du contrat ou, à tout le moins, à l'annulation de la décision du 9 décembre 2024, et à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres " finales ".
2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public (...) / (...) Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Selon le I de l'article L. 551-2 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ".
3. En vertu des dispositions de l'article L. 551-10 du code de justice administrative, les personnes habilitées à engager le recours prévu à l'article L. 551-1 en cas de manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué. Il appartient dès lors au juge du référé précontractuel de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.
Sur l'analyse des candidatures :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 3123-20 du code de la commande publique : " Est irrecevable une candidature présentée par un candidat (...) qui ne possède pas les capacités ou les aptitudes exigées en application de la présente section ". Selon l'article R. 3123-1 du même code : " L'autorité concédante vérifie les conditions de participation relatives aux capacités et aux aptitudes des candidats nécessaires à la bonne exécution du contrat de concession ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 3123-19 du même code : " Si le candidat s'appuie sur les capacités et aptitudes d'autres opérateurs économiques, il justifie des capacités et aptitudes de ces opérateurs économiques et apporte la preuve qu'il en disposera pendant toute l'exécution du contrat. Cette preuve peut être apportée par tout moyen approprié. "
5. Le juge du référé précontractuel ne peut censurer l'appréciation portée par l'autorité concédante sur les capacités et aptitudes techniques que présentent les candidats à une concession que dans le cas où cette appréciation est entachée d'une erreur manifeste.
6. Aux termes de l'article III.1.1 du document complémentaire à l'avis de concession : " Le terme "Candidat" désigne l'opérateur économique qui se porte candidat à la présente procédure, soit sous forme individuelle, soit sous forme de groupement d'opérateurs économiques, quelle que soit sa forme juridique. Le groupement d'opérateurs économiques susmentionné est exclusivement composé de futurs actionnaires de la société dédiée titulaire du contrat de concession. / Conformément à l'article R. 3123-9 du code de la commande publique, les Candidats peuvent demander que soient également prises en compte les capacités et les aptitudes d'autres opérateurs économiques, quelle que soit la nature juridique des liens qui les unissent. / Le terme "Equipe Technique Candidate" désigne les opérateurs économiques éventuels qui ne font pas partie du Candidat, mais dont les capacités et les aptitudes, dont le Candidat disposera en tant que de besoin au cours de l'exécution du contrat de concession, sont présentées dans les candidatures ". Cet article précise en outre que le candidat devra produire " la preuve (par exemple, une attestation écrite) que le Candidat disposera des capacités et aptitudes des membres de son Equipe Technique Candidate en tant que de besoin ". Enfin, le dernier alinéa de l'article III.1.3 du même document précise que le Candidat peut se prévaloir " de la capacité technique et professionnelle de ses prestataires inclus dans l'Equipe Technique Candidate ".
7. Le juge des référés a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que le groupement GL Events Venues entend confier à la société d'exploitation du Palais omnisport de Paris Bercy (POPB), membre de son équipe technique candidate, une mission de conseil pour l'accompagner dans la définition et la mise en œuvre d'un projet d'investissement et d'exploitation du Stade de France, et que le groupement a justifié, en produisant une attestation du 18 avril 2023 du directeur général de la société d'exploitation du POPB, qu'il disposerait de l'ensemble des capacités, compétences et moyens de cette société pour l'exécution du contrat de concession. Eu égard à la portée très large tant de l'engagement ainsi pris par cette société que de la mission qu'entend lui confier le groupement GL Events Venues, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les références de la société d'exploitation du POPB, y compris en matière de construction, de gestion et d'exploitation d'enceintes évènementielles, pouvaient être prises en compte pour apprécier la capacité technique et professionnelle du groupement GL Events Venues.
8. En deuxième lieu, l'article III.1.2 du document complémentaire à l'avis de concession prévoit que l'autorité concédante apprécie la capacité économique et financière des candidats au regard, notamment, du chiffre d'affaires global et du chiffre d'affaires du domaine d'activité faisant l'objet du contrat de concession, sur les cinq derniers exercices disponibles.
9. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour juger que l'autorité concédante avait pu, sans erreur manifeste d'appréciation, estimer que le groupement justifiait de capacités économiques et financières suffisantes pour exploiter le Stade de France, le juge des référés a relevé que l'autorité concédante avait constaté que, si la société GL Events Venues était par elle-même une société de facturation générant peu de chiffre d'affaires, elle était la société-mère de filiales gérant des enceintes événementielles et générant à ce titre un chiffre d'affaires nettement supérieur à celui attendu de la concession. Ce faisant, le juge des référés a, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation et d'erreur de droit, interprété les documents de la consultation comme permettant à l'autorité concédante, compte tenu des spécificités de ce secteur d'activité, de prendre en compte le chiffre d'affaires généré par les filiales des candidats pour apprécier leur capacité économique et financière.
10. En troisième lieu, en relevant, pour écarter ce moyen d'erreur manifeste d'appréciation, que des sociétés filiales de la société GL Events Venues avaient un chiffre d'affaires supérieur à celui projeté pour l'exploitation du Stade de France, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a nécessairement estimé, sans entacher son ordonnance d'une insuffisance de motivation, que le chiffre d'affaires de ces sociétés offrait une garantie suffisante des capacités économiques et financières du groupement candidat.
Sur la définition de ses besoins par l'autorité concédante :
11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 3111-1 du code de la commande publique : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avant le lancement de la consultation (...) ". En vertu de l'article L. 3111-2 du même code, " les travaux ou services faisant l'objet du contrat de concession sont définis par référence à des spécifications techniques et fonctionnelles ". Selon le premier alinéa de l'article R. 3111-1 du même code, " les spécifications techniques et fonctionnelles définissent les caractéristiques requises des travaux ou des services ".
12. Les concessions sont soumises aux principes généraux du droit de la commande publique de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux candidats à l'attribution d'une concession, avant le dépôt de leurs offres, une information suffisante sur la nature et l'étendue des besoins à satisfaire. Il lui appartient à ce titre d'indiquer aux candidats les caractéristiques essentielles de la concession et la nature et le type des investissements attendus ainsi que les critères de sélection des offres. S'il est loisible à l'autorité concédante d'indiquer précisément aux candidats l'étendue et le détail des investissements qu'elle souhaite les voir réaliser, elle n'est pas tenue de le faire à peine d'irrégularité de la procédure. Il lui est en effet possible, après avoir défini les caractéristiques essentielles de la concession, de laisser les candidats définir eux-mêmes leur programme d'investissement, sous réserve qu'elle leur ait donné des éléments d'information suffisants sur la nécessité de prévoir des investissements, sur leur nature et leur consistance et sur le rôle qu'ils auront parmi les critères de sélection des offres.
13. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que l'article 2.2 du règlement de la consultation définissait l'objet du contrat de concession du Stade de France au regard de plusieurs objectifs, dont celui visant à " renforcer le dynamisme du lieu avec un maximum de matchs et d'événements ". Cet article précisait que l'exploitation de l'équipement devait " permettre l'accueil prioritaire des événements organisés par la Fédération Française de Rugby (en ce compris la Ligue Nationale de Rugby par délégation) et la Fédération Française de Football, ainsi que des Grands Evènements Sportifs Internationaux (GESI) ", tout en pouvant " également permettre l'accueil d'autres évènements sportifs divers, l'organisation de concerts ou l'organisation d'autres évènements (...) ". L'exigence d'accueillir prioritairement les " grands évènements " des fédérations françaises de football et de rugby ainsi que les " grands évènements sportifs internationaux " figurait également aux articles 36 et 37 du projet de contrat de concession. Si les " grands évènements " des fédérations françaises de football et de rugby n'étaient pas définis par ce projet de contrat, lequel renvoyait à la conclusion de conventions entre le soumissionnaire et les fédérations, le volet A du cahier des charges de la concession précisait qu'afin de maintenir la " portée iconique " du Stade de France et sa " vocation de stade national ", le concessionnaire devait " accueillir les équipes nationales et les finales des grandes compétitions nationales ". Enfin, l'article 11 du règlement de la consultation prévoyait que, pour apprécier l'offre présentant le meilleur avantage global, l'autorité concédante évaluerait, au titre du critère n° 4, " la robustesse économique et financière de l'offre ", notamment au regard du " niveau " et de la " fermeté " des engagements obtenus des fédérations sportives nationales. En estimant, au terme d'une appréciation souveraine des documents de la consultation, exempte de dénaturation, que l'autorité concédante avait ainsi apporté aux candidats une information suffisante sur la nature et l'étendue des besoins à satisfaire en matière d'accueil prioritaire des " grands évènements " des fédérations françaises de football et de rugby, alors même que cette autorité avait laissé aux candidats le soin de conclure un accord avec ces fédérations quant au nombre et au type de matches susceptibles d'être accueillis, par priorité sur toute autre utilisation, au Stade de France, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil n'a pas commis d'erreur de droit.
Sur les critères d'appréciation des offres :
14. Aux termes de l'article L. 3124-5 du code de la commande publique : " Le contrat de concession est attribué au soumissionnaire qui a présenté la meilleure offre au regard de l'avantage économique global pour l'autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du contrat de concession ou à ses conditions d'exécution. Parmi ces critères peuvent figurer notamment des critères environnementaux, sociaux ou relatifs à l'innovation. Lorsque la gestion d'un service public est concédée, l'autorité concédante se fonde également sur la qualité du service rendu aux usagers. / Les critères d'attribution n'ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l'autorité concédante et garantissent une concurrence effective. Ils sont rendus publics dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".
15. En premier lieu, il ressort des pièces soumises au juge des référés que, selon l'article 11 du règlement de la consultation, les offres des soumissionnaires devaient être appréciées au regard de cinq critères, dont un critère n° 1 relatif aux " éventuels engagements demandés à l'Etat et avantages économiques pour l'Etat ". Il était précisé que " ce critère évalue le niveau des éventuels subventions ou versements demandés à l'Etat au titre du contrat de concession ainsi que le niveau des redevances et autres flux financiers à verser par le concessionnaire à l'Etat ". Les redevances étaient, selon l'article 50 du projet de contrat de concession, composées d'une part fixe et d'une part variable, les modalités de calcul de cette part variable devant figurer à l'article 50.2 du projet de contrat.
16. Pour écarter le moyen tiré de ce que ce critère n° 1 serait irrégulier au motif qu'il aurait pris en compte le niveau des redevances variables proposées par les soumissionnaires, alors qu'il s'agissait, selon la société requérante, de données invérifiables et non constitutives d'un engagement quelconque, le juge des référés a relevé que si la part variable de la redevance reposait sur une donnée prévisionnelle, l'offre du soumissionnaire devait préciser les modalités de calcul de cette part variable, qui devaient ensuite être inscrites à l'article 50 du futur contrat de concession, et contenir notamment une note F1 " modèle financier ", comportant les projections détaillées des redevances, ainsi qu'un module permettant de réaliser un test de sensibilité pour attester de la solidité du montage financier, en particulier s'agissant des redevances. En estimant, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que ce critère était suffisamment objectif et précis, alors même qu'il prenait en compte une donnée prévisionnelle relative au niveau des redevances variables, dès lors que l'autorité concédante disposait de données financières précises, assorties d'engagements contractuels des soumissionnaires quant aux modalités de calcul de la redevance variable, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit.
17. En second lieu, la société Consortium Stade de France ne peut utilement contester le bien-fondé de l'ordonnance qu'elle attaque en invoquant, pour la première fois devant le juge de cassation, le moyen, qui n'est pas d'ordre public et n'est pas né de cette ordonnance, tiré de ce que l'Etat ne pouvait, à travers le critère n° 4, déléguer son pouvoir d'appréciation des offres à des tiers à la procédure de passation du contrat.
Sur les moyens tirés de la méconnaissance du principe d'égalité et du principe d'impartialité de la procédure :
18. En premier lieu, aux termes de l'article L. 3123-10 du code de la commande publique : " L'autorité concédante peut exclure de la procédure de passation d'un contrat de concession les personnes qui, par leur candidature, créent une situation de conflit d'intérêts, lorsqu'il ne peut y être remédié par d'autres moyens. / Constitue une telle situation toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du contrat de concession ou est susceptible d'en influencer l'issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du contrat de concession. "
19. Il ressort des pièces des dossiers soumis au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil que, en laissant aux candidats le soin de négocier et conclure un accord avec les fédérations françaises de football et de rugby, dans les conditions rappelées au point 13, et en prenant en compte, parmi les éléments d'appréciation du critère n° 4 d'attribution des offres, le " niveau " et la " fermeté " des engagements obtenus des fédérations sportives nationales, sans que soit imposée la conclusion d'un accord avec ces dernières préalablement à l'attribution de la concession, l'Etat n'a pas fait participer ces fédérations, qui n'étaient pas susceptibles d'en influencer l'issue, au déroulement de la procédure de passation de la concession. Par suite, la société Consortium Stade de France ne pouvait utilement soutenir devant le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil que la société GL Events Venues entretenait de multiples liens avec la Fédération française de rugby révélant une situation de conflits d'intérêts. Elle ne pouvait pas plus utilement soutenir que la Ligue nationale de rugby se trouvait dans une situation de conflit d'intérêts, au regard de ses liens allégués avec la société GL Events Venues, dès lors qu'elle ne participait pas au déroulement de la procédure de passation du contrat de concession et n'était pas davantage susceptible d'en influencer l'issue.
20. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour écarter le moyen tiré de ce que l'autorité concédante aurait manqué à son obligation de garantir l'égalité entre les candidats lors de leurs négociations avec les fédérations françaises de football et de rugby en vue de l'élaboration de leurs offres, le juge des référés a estimé que ni la circonstance que la société Consortium Stade de France était le concessionnaire sortant ni les liens que la société GL Events Venues entretenait avec la Fédération française de rugby n'étaient de nature à caractériser une rupture d'égalité entre les soumissionnaires qui aurait nécessité de l'autorité concédante la mise en œuvre de mesures particulières dans le cadre de la procédure de passation. En se fondant sur ces motifs, qui n'étaient pas inopérants, le juge des référés, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de la société Consortium Stade de France, a suffisamment motivé son ordonnance et n'a pas commis d'erreur de droit.
Sur la participation de la société d'exploitation du POPB :
21. Aux termes de l'article L. 3123-8 du code de la commande publique : " L'autorité concédante peut exclure de la procédure de passation d'un contrat de concession les personnes qui ont entrepris d'influer indûment le processus décisionnel de l'autorité concédante ou d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu lors de la procédure de passation du contrat de concession, ou ont fourni des informations trompeuses susceptibles d'avoir une influence déterminante sur les décisions d'exclusion, de sélection ou d'attribution. "
22. En estimant, au regard de la lettre de candidature du groupement GL Events Venues ainsi que de la note " J1 " de son mémoire juridique et de la note de synthèse de son offre finale, que ce candidat n'avait pas fourni, quant au principe de l'intervention de la société d'exploitation du Palais omnisport de Paris Bercy (POPB) dans le cadre du contrat de concession et à la nature des missions qui lui seraient confiées, des informations trompeuses susceptibles d'avoir une influence déterminante sur les décisions d'exclusion, de sélection ou d'attribution de la concession litigieuse, au sens des dispositions précitées de l'article L. 3123-8 du code de la commande publique, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de la société Consortium Stade de France, a suffisamment motivé son ordonnance et n'a pas dénaturé la portée du contenu de l'offre du groupement GL Events Venues.
Sur la procédure de négociation des offres :
23. En premier lieu, aux termes de l'article L. 3121-1 du code de la commande publique : " L'autorité concédante organise librement une procédure de publicité et mise en concurrence qui conduit au choix du concessionnaire dans le respect des dispositions des chapitres I à V du présent titre et des règles de procédure fixées par décret en Conseil d'Etat. / Elle peut recourir à la négociation. / Ces dispositions s'appliquent sous réserve des règles particulières du chapitre VI du présent titre. " Selon l'article L. 3124-1 de ce code : " Lorsque l'autorité concédante recourt à la négociation pour attribuer le contrat de concession, elle organise librement la négociation avec un ou plusieurs soumissionnaires dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. / La négociation ne peut porter sur l'objet de la concession, les critères d'attribution ou les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation. " Aux termes de l'article L. 3124-2 du même code : " L'autorité concédante écarte les offres irrégulières ou inappropriées. " Selon l'article L. 3124 3 de ce code : " Une offre est irrégulière lorsqu'elle ne respecte pas les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation. " Aux termes de l'article R. 3124-1 du même code : " Lorsque l'autorité concédante fait usage de la possibilité de négocier prévue à l'article L. 3121-1, elle peut décider de limiter le nombre de soumissionnaires admis à participer à la négociation. / Elle procède à la sélection du ou des soumissionnaires en appliquant les critères d'attribution fixés aux articles R. 3124-4 et R. 3124-5 ".
24. Il résulte de ces dispositions que l'autorité concédante peut librement négocier avec les candidats à l'attribution d'une concession l'ensemble des éléments composant leur offre, dès lors que cette négociation ne conduit pas cette autorité à remettre en cause l'objet de la concession, les critères d'attribution ou les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation. Ces dispositions ne s'opposent pas à ce que, lorsqu'elle recourt à la négociation, l'autorité concédante y admette, dans le respect du principe d'égalité de traitement des candidats, un soumissionnaire ayant remis une offre initiale irrégulière. Le respect de ce principe implique toutefois qu'elle ne puisse retenir un candidat dont la régularisation de l'offre se traduirait par la présentation de ce qui constituerait une offre entièrement nouvelle. En tout état de cause, l'autorité concédante est tenue de rejeter les offres qui sont demeurées irrégulières à l'issue de la négociation.
25. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil que le règlement de la consultation prévoyait, à son article 3.2, que la consultation se déroulerait en trois étapes, à savoir une phase de remise des " offres initiales ", une phase de remise des " offres finales " et une phase de " mise au point avec le titulaire pressenti ". Ce même article précisait que " après chaque remise d'Offres ", l'Etat pourrait " soit décider d'attribuer sans négociation le Contrat de Concession au Soumissionnaire qui aura remis l'offre économiquement la plus avantageuse, soit décider d'entamer une phase de négociation avec tout ou partie des Soumissionnaires. / L'Etat pourra décider, à tout moment de la procédure, de demander à tout ou partie des Soumissionnaires de soumettre une nouvelle Offre ". L'article 10.3 du même règlement, relatif à la négociation des offres, prévoyait que " L'Etat peut décider d'engager une négociation avec l'ensemble des Soumissionnaires ayant remis une Offre ou seulement avec celui ou ceux ayant remis, sur la base des critères prévus à l'Article 11, les meilleures Offres " et que " à tout moment de la négociation, l'Etat peut décider (i) de réduire le nombre de Soumissionnaires admis initialement à la négociation (...) ou (ii), y compris en cas de négociations conduites avec un seul Soumissionnaire, d'ouvrir des négociations avec un ou plusieurs des autres Soumissionnaires non initialement admis à la négociation ", ainsi que " décider d'organiser une étape supplémentaire à la consultation, notamment en demandant la remise de nouvelles Offres à tout ou partie des Soumissionnaires ".
26. En jugeant qu'eu égard au stade de la procédure de passation de la concession, au cours duquel l'autorité concédante avait décidé d'engager des négociations exclusives avec le soumissionnaire classé en première position après examen des offres " finales " remises par les candidats, la société Consortium Stade de France ne pouvait utilement soutenir que l'offre finale du groupement GL Events Venues était irrégulière, le juge des référés a, par une appréciation souveraine qui n'est pas arguée de dénaturation, implicitement estimé qu'il résultait des dispositions des articles 3.2 et 10.3 du règlement de la consultation que l'offre " finale " au sens de ce règlement ne désignait pas la dernière offre remise par les candidats à l'issue de la négociation, mais une offre intermédiaire encore susceptible de faire l'objet d'une négociation et donc d'être régularisée. Ce faisant, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit.
27. Par ailleurs, la société Consortium Stade de France ne peut utilement invoquer, pour la première fois devant le juge de cassation, le moyen, qui n'est pas d'ordre public et n'est pas né de l'ordonnance attaquée, tiré de ce que l'autorité concédante aurait méconnu les dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article 10.3 du règlement de la consultation selon lesquelles " aucune négociation ne pourra être menée sur la base d'une Offre irrégulière ou inappropriée au sens des articles L. 3124-3 et L. 3124-4 du code de la commande publique ".
28. Enfin, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société Consortium Stade de France n'avait pas soutenu devant lui que l'engagement de négociations exclusives avec le groupement GL Events méconnaissait le principe d'égalité de traitement des candidats. Dès lors qu'un tel moyen n'est pas d'ordre public, la société Consortium Stade de France ne peut soutenir utilement que le juge des référés aurait commis une erreur de droit en ne recherchant pas si ce principe était à ce titre respecté.
Sur la durée du contrat de concession :
29. Aux termes de l'article L. 3114-7 du code de la commande publique : " La durée du contrat de concession est limitée. Elle est déterminée par l'autorité concédante en fonction de la nature et du montant des prestations ou des investissements demandés au concessionnaire, dans les conditions prévues par voie réglementaire. " Aux termes de l'article R. 3114-1 du même code : " Pour la détermination de la durée du contrat de concession, les investissements s'entendent comme les investissements initiaux ainsi que ceux devant être réalisés pendant la durée du contrat de concession, lorsqu'ils sont nécessaires à l'exploitation des travaux ou des services concédés. / Sont notamment considérés comme tels les travaux de renouvellement, les dépenses liées aux infrastructures, aux droits d'auteur, aux brevets, aux équipements, à la logistique, au recrutement et à la formation du personnel. " Selon l'article R. 3114-2 du même code, " pour les contrats de concession d'une durée supérieure à cinq ans, la durée du contrat ne doit pas excéder le temps raisonnablement escompté par le concessionnaire pour qu'il amortisse les investissements réalisés pour l'exploitation des ouvrages ou services avec un retour sur les capitaux investis, compte tenu des investissements nécessaires à l'exécution du contrat. "
30. Il résulte de ces dispositions que le choix de la collectivité publique est encadré quant à la fixation de la durée d'une concession. Il appartient cependant au juge des référés précontractuels, saisi sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de sanctionner les seuls manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles d'avoir lésé les entreprises requérantes ou risquent de les léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.
31. Pour écarter le moyen tiré de l'illégalité, en raison de son caractère excessif, de la durée de la concession du Stade de France, fixée à trente ans alors que l'autorité concédante avait imposé aux candidats des travaux de faible ampleur tout en leur permettant de proposer des " travaux libres " de rénovation, restructuration ou extension, le juge des référés a relevé que les soumissionnaires disposaient d'informations précises et suffisantes relatives au périmètre de la concession, aux besoins de l'Etat, notamment quant à la nature et au type d'investissements attendus, et aux critères de sélection des offres, leur permettant de présenter utilement leur offre. En se fondant sur ce motif, par lequel il doit être regardé comme ayant estimé que la société Consortium Stade de France n'avait pas été lésée par le manquement qu'elle invoquait, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit.
32. Il résulte de tout ce qui précède que la société Consortium Stade de France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil qu'elle attaque.
33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, de la société GL Events Venues et de la société Financière du Stade de France, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la société Consortium Stade de France demande au titre des frais exposés par elle à l'occasion du litige soumis au juge.
34. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Consortium Stade de France la somme de 3 500 euros à verser, d'une part, à l'Etat et d'autre part, à la société GL Events Venues et à la société financière du Stade de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Consortium Stade de France est rejeté.
Article 2 : La société Consortium Stade de France versera une somme de 3 500 euros, d'une part, à l'Etat, et d'autre part, à la société GL Events Venues et à la société Financière du Stade de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Consortium Stade de France, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société GL Events Venues, première défenderesse dénommée.