Vu la procédure suivante :
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a, le 12 décembre 2024, saisi le Conseil d'Etat en application de l'article L. 52-15 du code électoral sur le fondement de sa décision du 14 novembre 2024 rejetant le compte de campagne de M. B... A..., candidat tête de liste " Pour une autre Europe " à l'élection des représentants français au Parlement européen, qui s'est tenue les 8 et 9 juin 2024.
M. A... a présenté un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2025.
La CNCCFP a présenté un mémoire en réplique, enregistré le 28 février 2025.
Cette saisine a été transmise au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 ;
- le décret n° 2023-1095 du 27 novembre 2023 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Denieul, auditeur,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral, rendu applicable comme les autres dispositions du titre Ier du livre Ier de ce code, à l'élection des représentants au Parlement européen par l'article 2 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen : " Tout candidat à une élection déclare un mandataire conformément aux articles L. 52-5 et L. 52-6 au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée. Ce mandataire peut être une association de financement électoral, ou une personne physique dénommée " le mandataire financier ". Un même mandataire ne peut être commun à plusieurs candidats. / Le mandataire recueille, pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne (...) ". Selon l'article L. 52-8 du même code : " Une personne physique peut verser un don à un candidat si elle est de nationalité française ou si elle réside en France. Les dons consentis par une personne physique dûment identifiée pour le financement de la campagne d'un ou plusieurs candidats lors des mêmes élections ne peuvent excéder 4 600 euros. / Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. Les personnes morales, à l'exception des partis et groupements politiques ainsi que des établissements de crédit ou sociétés de financement ayant leur siège social dans un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ne peuvent ni consentir des prêts à un candidat, ni lui apporter leur garantie pour l'obtention de prêts (...) ". Aux termes de l'article L. 52-9 de ce code : " Les actes et documents émanant d'une association de financement électorale ou d'un mandataire financier et destinés aux tiers (...) doivent indiquer que le candidat, le binôme de candidats ou la liste de candidats ne peuvent recueillir de dons que par l'intermédiaire de ladite association ou dudit mandataire et reproduire les dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 52-8 et du III de l'article L. 113-1 ".
2. Aux termes de l'article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. / Hors le cas prévu à l'article L. 118-2, elle se prononce dans un délai de six mois à compter de l'expiration du délai fixé au II de l'article L. 52-12. Passé ce délai, les comptes sont réputés approuvés. / Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection (...) ".
3. Selon l'article L. 118-3 de ce code : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : (...) / 3° Le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. / L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision (...) ". En application de ces dispositions, en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne prononce l'inéligibilité d'un candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré.
4. Enfin, aux termes de l'article 1er du décret du 27 novembre 2023 relatif à la dématérialisation des formalités accomplies par les candidats à l'élection des représentants au Parlement européen de 2024 et leurs mandataires auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques : " I. - Pour la prochaine élection des représentants au Parlement européen suivant la publication du présent décret, il est dérogé, dans les conditions mentionnées aux II et III du présent article, aux dispositions des articles R. 39-1 et R. 39-2 du code électoral. / II. - Lors de la perception d'un don, le mandataire prévu par le premier alinéa de l'article L. 52-4 du même code enregistre les informations suivantes qui doivent figurer dans une annexe du compte de campagne du candidat déposée au moyen d'un téléservice mis en œuvre par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques : le montant du don, sa date de versement, son mode de règlement, l'identité, la nationalité et l'adresse du domicile fiscal du donateur (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que M. A..., candidat tête de liste " Pour une autre Europe ", a perçu des dons de personnes physiques pour un montant de 452 euros correspondant à la totalité des recettes qu'il a déclarées, qui ont été recueillis directement sur son compte bancaire personnel et non par l'intermédiaire de son mandataire financier, en méconnaissance des dispositions des articles L. 52-4 et L. 52-9 du code électoral. De plus, ces dons étaient présentés, dans le compte de campagne, comme un apport personnel. M. A... ayant indiqué à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques que le choix de recueillir directement les dons sur son compte bancaire personnel visait à éviter que sa campagne électorale ne bénéficie de financements publics par le biais des réductions d'impôts auxquelles pourraient prétendre les donateurs, ce manquement présente un caractère délibéré. S'il soutient que les fonds ont exclusivement servi au paiement des dépenses de campagne officielle, qui n'ont pas à figurer dans le compte de campagne, il résulte de l'instruction qu'ils ont également financé une prestation informatique pour un montant de 191,10 euros. En outre, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques relève que le compte de campagne déposé par M. A... ne comprenait aucune annexe listant les donateurs, en méconnaissance des dispositions du II de l'article 1er du décret du 27 novembre 2023, et que le service de recueil de dons en ligne utilisé ne faisait pas figurer, contrairement aux exigences de l'article L. 52-9 du code électoral, les trois premiers alinéas de l'article L. 52-8 du même code.
6. Dans ces conditions, et en dépit du caractère limité des sommes en jeu, M. A... a commis, en ne se conformant pas à l'obligation de recueillir les dons par l'intermédiaire de son mandataire financier, un manquement délibéré à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales, justifiant qu'il soit déclaré inéligible pour une durée de six mois à compter de la date de la présente décision.
D E C I D E :
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Article 1er : M. A... est déclaré inéligible à toutes les élections pour une durée de six mois à compter de la présente décision.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à M. B... A....
Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.