Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 11 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Innov'SA demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de l'article 3.1.3.8 de l'arrêté conjoint de la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique du 6 février 2025 portant modification des modalités de prise en charge des véhicules pour personnes en situation de handicap inscrits aux titres I et IV de la liste des produits et prestations prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, en tant qu'il dispose que la prise en charge des poussettes standards est réservée aux personnes de moins de 16 ans ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'exécution de l'arrêté contesté, d'une part, aura des conséquences graves et irréversibles sur sa situation économique et sur ses effectifs, les fauteuils poussettes représentant la majorité de son activité et, d'autre part, aura pour effet de priver les patients de l'accès à ce dispositif ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence dès lors que la sous-directrice du financement du système de soins, dont la sous-direction a été créée par arrêté ministériel, n'est pas compétente pour signer des actes par délégation de la ministre des solidarités et de la santé et par délégation du ministre de l'action et des comptes publics, au regard des dispositions combinées de l'article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 et de l'article 2 du décret n° 97-464 du 9 mai 1997 ;
- il a été adopté au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la mesure contestée n'a pas été présentée dans un avis de projet soumis à la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS), ni mentionnée dans les recommandations de la CNEDiMTS, en méconnaissance de l'article R. 165-9 du code de la sécurité sociale ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il n'est pas justifié que la prise en charge des fauteuils poussettes, très majoritairement prescrits à des adultes, ne soit assurée que pour les personnes de moins de seize ans ;
- il méconnaît le principe d'égalité devant la loi dès lors que ni le critère d'âge ni le mode de propulsion du fauteuil roulant ne peuvent justifier un traitement différencié des personnes à qui sont prescrits les fauteuils poussettes ;
- il est entaché d'un détournement de pouvoir dès lors qu'il poursuit l'objectif d'évincer la société Innov'SA du marché.
Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés le 26 mars et le 2 avril 2025, la ministre du travail, de la santé, des solidarités et de la famille conclut au non-lieu à statuer. Il fait valoir que les dispositions litigieuses ont été abrogées par un arrêté du 31 mars 2025 publié au journal officiel du 2 avril 2025.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 2 avril 2025, la société Innov'SA conclut au non-lieu à statuer et maintient ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société Innov'SA et, d'autre part, la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ;
Vu la lettre informant les parties de la radiation de l'affaire du rôle de l'audience publique du 3 avril 2025 à 10 heures 30 ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale : " Le remboursement par l'assurance maladie des dispositifs médicaux à usage individuel (...) est subordonné à leur inscription sur une liste établie après avis d'une commission de la Haute Autorité de santé mentionnée à l'article L. 161-37. L'inscription est effectuée soit par la description générique de tout ou partie du produit concerné, soit sous forme de marque ou de nom commercial. L'inscription sur la liste peut elle-même être subordonnée au respect de spécifications techniques, d'indications thérapeutiques ou diagnostiques et de conditions particulières de prescription, d'utilisation et de distribution ".
3. Par un arrêté du 6 février 2025, la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ont modifié les modalités de prise en charge des véhicules pour personnes en situation de handicap (VPH) inscrits au titre IV de la liste des produits et prestations prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale (LPP). Le point 3.1.3.8 du titre IV issu cet arrêté dispose que : " La prise en charge des poussettes standards est assurée pour les personnes de moins de 16 ans présentant une incapacité de marche partielle ou totale, provisoire ou définitive, et qui présentent une incapacité, totale ou partielle, de marcher et/ou qui sont dans l'impossibilité, temporaire ou définitive, d'utiliser elles-mêmes un autre VPH et/ou qui se trouvent dans des situations environnementales ou d'activité empêchant l'utilisation d'un autre VPH. / Elles sont indiquées pour les personnes n'ayant pas besoin de maintien ou de positionnement ". La société Innov'SA demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution des dispositions du point 3.1.3.8 du titre IV de la LPP issues de cet arrêté en tant qu'elles limitent la prise en charge des poussettes standards aux personnes de moins de 16 ans.
4. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 31 mars 2025, la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ont supprimé les mots " de moins de 16 ans " au point 3.1.3.8 du titre IV de la LPP. Par suite, les conclusions de la société Innov'SA tendant à la suspension de ces dispositions sont devenues sans objet.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Innov'SA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de la société Innov'SA.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la société Innov'SA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Innov'SA, à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Fait à Paris, le 14 avril 2025
Signé : Jean-Yves Ollier