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04/04/2025 | FRANCE | N°471890

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 04 avril 2025, 471890


Vu la procédure suivante :



La société Domaine C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 novembre 2018 par lequel le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté, préfet de la Côte-d'Or, a délivré à la société civile d'exploitation viticole (SCEV) E... et Associés une autorisation d'exploiter la parcelle cadastrée R503 située sur le territoire de la commune de Chablis (Yonne). Par un jugement n° 1901465 du 9 juillet 2020, le tribunal administratif a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 20LY02832 du 11 janvier 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a ...

Vu la procédure suivante :

La société Domaine C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 novembre 2018 par lequel le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté, préfet de la Côte-d'Or, a délivré à la société civile d'exploitation viticole (SCEV) E... et Associés une autorisation d'exploiter la parcelle cadastrée R503 située sur le territoire de la commune de Chablis (Yonne). Par un jugement n° 1901465 du 9 juillet 2020, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20LY02832 du 11 janvier 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société Domaine C... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mars et 5 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Domaine C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société E... et Associés la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sarah Houllier, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Domaine C... et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société E... et Associés ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en 1954, Mme D... E... a donné à bail rural à M. A... C... la parcelle viticole R503 située sur le territoire de la commune de Chablis (Yonne), d'une contenance de 21a 37ca, au lieu-dit " Côte de Blanchot ". En 1984, ce bail a été transféré à la société Domaine C..., tandis que la parcelle passait, par dévolution successorale, à M. B... E.... Le 17 avril 2017, M. E... a donné congé à la société Domaine C... pour reprise de l'exploitation, en application de l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime. Il a déposé une demande d'autorisation d'exploiter cette parcelle par l'intermédiaire de la société E... et Associés, constituée entre lui-même et la société Le Château Grenouille. Par un arrêté du 6 novembre 2018, le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté a autorisé cette société à exploiter la parcelle en cause. La société Domaine C... a saisi le tribunal administratif de Dijon d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sa demande a été rejetée par le tribunal administratif par un jugement du 9 juillet 2020, confirmé, en appel, par l'arrêt du 11 janvier 2023 de la cour administrative d'appel de Lyon dont elle demande l'annulation.

2. En vertu du 3° du I de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, applicable en l'espèce, sont soumises à autorisation préalable : " Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole : / a) Dont l'un des membres ayant la qualité d'exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle fixées par voie réglementaire ; b) Ne comportant pas de membre ayant la qualité d'exploitant (...) ". Le second alinéa de l'article L. 331-3 du même code dispose que l'autorité administrative " vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée ". Aux termes du I de l'article L. 331-3-1 du même code dans la rédaction applicable en l'espèce : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; / 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place ; (...) ". Aux termes du II de l'article R. 331-6 du même code : " La décision d'autorisation ou de refus d'autorisation d'exploiter prise par le préfet de région doit être motivée au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles et des motifs de refus énumérés à l'article L. 331-3-1 ".

3. En premier lieu, il résulte de leurs termes mêmes que les dispositions de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime citées ci-dessus ont pour seul objet de déterminer quelles opérations sont soumises à autorisation préalable, les motifs susceptibles de justifier un refus étant quant à eux énoncés à l'article L. 331-3-1 du même code. Par suite, contrairement à ce que soutient le pourvoi, c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour administrative d'appel a jugé que les considérations prises en compte pour soumettre une opération à autorisation, en particulier le fait que l'un des membres ayant la qualité d'exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle fixées par voie réglementaire, n'étaient pas par elles-mêmes de nature à fonder un refus d'autorisation d'exploiter.

4. En deuxième lieu, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que l'autorité administrative a recherché, ainsi qu'il lui revenait de le faire, si l'octroi de l'autorisation sollicitée par la société E... et Associés était de nature à compromettre la viabilité économique de l'exploitation de la société Domaine C..., qu'elle a regardée comme ayant la qualité de preneur en place, nonobstant le fait qu'un contentieux était pendant devant la juridiction spécialisée des baux ruraux quant à la validité du congé qui lui avait été délivré. La cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que l'autorisation n'était pas illégale faute pour le préfet d'avoir fait ressortir que le rang de priorité de la société pétitionnaire n'était pas inférieur à celui de la société requérante.

5. Enfin, la législation relative au contrôle des structures agricoles étant indépendante de celle des baux ruraux, c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour administrative d'appel a jugé que la société Domaine C... ne pouvait utilement invoquer à l'encontre de l'autorisation attaquée la circonstance, à la supposer établie, que la demande d'autorisation d'exploitation présentée par la société E... et Associés avait pour seul objet de détourner les dispositions relatives au " congé-reprise " en vue de permettre à la société Le Château Grenouille d'exploiter la parcelle litigieuse.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Domaine C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Son pourvoi doit, par suite, être rejeté, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Domaine C... la somme de 3 000 euros à verser à la société E... et Associés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Domaine C... est rejeté.

Article 2 : La société Domaine C... versera à la société société E... et Associés une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Domaine C..., à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et à la société E... et Associés.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Sarah Houllier, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 4 avril 2025.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Sarah Houllier

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 471890
Date de la décision : 04/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 avr. 2025, n° 471890
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sarah Houllier
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:471890.20250404
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