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04/04/2025 | FRANCE | N°466556

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 04 avril 2025, 466556


Vu la procédure suivante :



Par une décision nos 444541, 444594 du 15 décembre 2021, le Conseil d'État, statuant au contentieux a annulé l'arrêt nos 18NT02285, 18NT02316, 18NT02318 du 17 juillet 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il a statué sur la rente d'assistance pour tierce personne entre sa date de lecture et le dix-huitième anniversaire de F... C... et qu'il a omis de se prononcer sur les demandes des requérants présentées au titre des frais d'architecte ainsi que des intérêts moratoires et de leur capitalisation.
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Par un arrêt n°s 21NT03547, 21NT0355 du 17 juin 2022, la cour...

Vu la procédure suivante :

Par une décision nos 444541, 444594 du 15 décembre 2021, le Conseil d'État, statuant au contentieux a annulé l'arrêt nos 18NT02285, 18NT02316, 18NT02318 du 17 juillet 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il a statué sur la rente d'assistance pour tierce personne entre sa date de lecture et le dix-huitième anniversaire de F... C... et qu'il a omis de se prononcer sur les demandes des requérants présentées au titre des frais d'architecte ainsi que des intérêts moratoires et de leur capitalisation.

Par un arrêt n°s 21NT03547, 21NT0355 du 17 juin 2022, la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur renvoi, a donné acte du désistement du centre hospitalier de Falaise et de la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) dans l'instance n° 21NT03547, rejeté les conclusions concernant les honoraires d'architecte, dit que les sommes mises à la charge du centre hospitalier de Falaise et de la SHAM au profit de M. C... et de Mme A... porteront intérêt au taux légal à compter du 9 décembre 2015, et seront capitalisées pour produire elles-mêmes intérêt au 10 mars 2020 puis à chaque échéance annuelle, et rejeté le surplus des conclusions de la famille C....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 août et 26 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier de Falaise et la SHAM demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il statue sur les intérêts moratoires et leur capitalisation ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à l'intégralité des conclusions de leur appel sur ce point.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sarah Houllier, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du centre hospitalier de Falaise et autre ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., alors prise en charge par le centre hospitalier de Falaise (Calvados), a donné naissance, le 16 décembre 2009, à un garçon prénommé F.... Les examens réalisés peu après la naissance ont révélé que l'enfant était atteint de graves lésions au cerveau. Mme A... et son conjoint, M. C..., ont adressé le 9 décembre 2015 au centre hospitalier de Falaise une demande tendant à la réparation des préjudices subis par eux et leur enfant. Par un jugement du 13 avril 2018, le tribunal administratif de Caen, saisi par Mme A... et M. C... en l'absence de suite favorable donnée par l'établissement à leur demande d'indemnisation, a partiellement fait droit à leurs demandes ainsi qu'à celles de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Orne, qui réclamait le remboursement de ses débours, et a en outre condamné la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), en sa qualité d'assureur du centre hospitalier de Falaise à la date de l'accouchement, à garantir cet établissement des condamnations prononcées à son encontre. Par un arrêt du 17 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appels de la CPAM de l'Orne, du centre hospitalier de Falaise, de la SHAM et de M. C... et Mme A..., annulé ce jugement en tant qu'il a omis de statuer sur certaines conclusions de M. C... et Mme A..., porté à 260 121,90 euros la somme due par le centre hospitalier de Falaise à ces derniers, condamné l'établissement à leur verser en outre une rente annuelle de 2 360 euros ainsi qu'une rente au titre des frais d'assistance par tierce personne et condamné solidairement le centre hospitalier et la SHAM au versement de ces différentes indemnités et rentes. Par une décision du 15 décembre 2021, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant qu'il a statué sur la rente d'assistance pour tierce personne entre sa date de lecture et le dix-huitième anniversaire de F... C... et qu'il a omis de se prononcer sur les demandes des requérants présentées au titre des frais d'architecte ainsi que des intérêts moratoires et de leur capitalisation. Par un arrêt du 17 juin 2022, la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur renvoi, a notamment dit que les sommes mises à la charge du centre hospitalier de Falaise et de la SHAM sous la forme d'un versement de capital au profit de M. C... et de Mme A... porteront intérêt au taux légal à compter du 9 décembre 2015 et seront capitalisées pour produire elles-mêmes intérêt au 10 mars 2020 puis à chaque échéance annuelle, et a rejeté le surplus des conclusions de la famille C.... Le centre hospitalier de Falaise et la SHAM se pourvoient en cassation contre cet arrêt en tant qu'il s'est prononcé sur ces points en ce qui concerne les sommes autres que celles qui étaient dues aux consorts C... à la date du 9 décembre 2015.

2. Aux termes de l'article 1153 du code civil devenu l'article 1231-6 à compter du 1er octobre 2016 : " Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement. / Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. / Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit. (...) " Aux termes de l'article 1343-2 du même code, qui a repris, à compter du 1er octobre 2016, la substance de l'ancien article 1154 : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. "

3. Une créance détenue sur l'administration existe, en principe, à la date à laquelle se produit le fait qui en est la cause, sans qu'il soit besoin que le juge se livre au préalable à une appréciation des faits de l'espèce et en liquide le montant. Saisie d'une demande tendant au paiement de cette créance, l'administration est tenue d'y faire droit dès lors que celle-ci est fondée. En conséquence, les intérêts moratoires courent, lorsqu'ils ont été demandés, à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue à l'administration ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine.

4. Il résulte de ces principes que lorsque le juge alloue un capital à une victime en réparation des préjudices ayant résulté pour elle d'une prise en charge médicale fautive, les intérêts moratoires courent sur ce capital à compter du jour où la demande d'indemnisation au principal est parvenue à l'administration, pour l'ensemble des chefs de préjudice dont le fait générateur est antérieur à cette demande, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que, pour certains d'entre eux, des dépenses aient été exposées par la victime postérieurement à cette demande préalable d'indemnisation. En revanche, lorsqu'un préjudice naît postérieurement à la demande initiale, les intérêts sur la somme correspondante courent à compter de la date à laquelle l'indemnisation de ce préjudice est demandée. Les intérêts ainsi alloués portent eux-mêmes intérêts à condition qu'au moins une année d'intérêts soit due à la date à laquelle la capitalisation est demandée.

5. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Nantes a entendu mettre à la charge du centre hospitalier de Falaise et de la SHAM, sous la forme d'une réparation en capital, des sommes destinées à réparer les préjudices de la famille C... tenant notamment à la nécessité de se doter d'un véhicule adapté, à des frais de déplacement pour se rendre à des consultations médicales ou dans un centre éducatif, à des frais d'assistance pour tierce personne, à des frais d'appareillage liés au handicap et à des troubles dans les conditions d'existence. Il ne ressort pas des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que certaines de ces sommes réparaient des préjudices nés postérieurement à la date de la demande préalable d'indemnisation adressée par la famille C... au centre hospitalier, mais au contraire que l'ensemble de ces préjudices se rapportaient au handicap ayant résulté pour F... C... de sa prise en charge fautive par le centre hospitalier de Falaise. Par suite, en assortissant la totalité de cette réparation en capital des intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2015, date de réception par le centre hospitalier de la demande préalable d'indemnisation, la cour administrative d'appel, dont l'arrêt est suffisamment motivé, n'a pas commis d'erreur de droit. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. Leur pourvoi doit, dès lors, être rejeté.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du centre hospitalier de Falaise et de la SHAM est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier de Falaise, à la société Relyens Mutual Insurance, venue aux droits de la Société hospitalière d'assurances mutuelles, à M. D... C..., à Mme B... E... et à la caisse primaire d'assurance-maladie du Calvados.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Sarah Houllier, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 4 avril 2025.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Sarah Houllier

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 466556
Date de la décision : 04/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 04 avr. 2025, n° 466556
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sarah Houllier
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:466556.20250404
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