Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 17, 26 et 28 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision du 3 mars 2025 par laquelle le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de l'autoriser à participer aux épreuves du concours professionnel pour le recrutement de magistrats du premier grade de la hiérarchie judiciaire pour la session 2025 ;
2°) d'enjoindre au ministre de la justice, garde des sceaux de réexaminer sa situation avant le 2 avril 2025.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision contestée, d'une part, lui a été notifiée le 15 mars 2025, à une échéance très brève avant les épreuves du concours se déroulant le 2 avril 2025 et, d'autre part, préjudicie de manière grave et immédiate à sa situation en l'empêchant de se présenter à l'épreuve d'admissibilité ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- la décision de refus d'admission à concourir est entachée d'insuffisance de motivation dès lors qu'elle repose sur des motifs standardisés et sans rapport avec sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 et de l'arrêté du 18 octobre 2024 en ce qu'elle traite les conditions liées à l'exercice professionnel mentionnées à l'article 24 de cette ordonnance comme cumulatives, alors qu'elle ne sont qu'alternatives ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle ne retient pas que son expérience professionnelle, laquelle lui avait permis de se présenter aux épreuves du concours complémentaire en 2021, 2022 et 2024, la qualifie particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires au sens des dispositions de l'ordonnance du 22 décembre 1958.
Par un mémoire en défense et deux nouveaux mémoires, enregistré les 26, 28 et 30 mars 2025, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A... B... et d'autre part, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 28 mars 2025, à 11 heures :
- Me Poupot, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A... B... ;
- les représentants du ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au 31 mars 2025 à 10 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- le décret 72-255 du 4 mai 1972 ;
- l'arrêté du 7 juillet 2024 fixant les modalités d'inscription des candidats au concours professionnel prévues par l'article 22 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- l'arrêté du 18 octobre 2024 portant ouverture au titre de l'année 2025 du concours professionnel prévu par l'article 22 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Un concours professionnel est ouvert pour le recrutement de magistrats des second et premier grades de la hiérarchie judiciaire. / (...) Les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article et aux articles 23 et 24 sont remplies au plus tard à la date de la première épreuve du concours. (...) ". Aux termes de l'article 24 de la même ordonnance : " Le concours professionnel pour le recrutement de magistrats du premier grade de la hiérarchie judiciaire prévu à l'article 22 est ouvert : 1° Aux personnes remplissant la condition prévue au 1° de l'article 17 et justifiant d'au moins quinze années d'exercice professionnel dans le domaine juridique, administratif, économique ou social les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires (...) "
3. Par une décision du 3 mars 2025, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice a refusé d'autoriser Mme A... B... à participer aux épreuves du concours professionnel pour le recrutement de magistrats du premier grade de la hiérarchie judiciaire, session 2025, au motif qu'elle ne justifiait pas d'au moins quinze années d'activités professionnelles dans le domaine juridique, administratif, économique ou social la qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires. Mme A... B... demande la suspension de l'exécution de cette décision.
4. Il résulte de l'instruction et des échanges à l'audience que, pour retenir ce motif, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de prendre en compte dans sa totalité l'expérience de Mme A... B... en qualité d'attachée territoriale, de 2005 à 2018, puis d'attachée principale à compter de 2018 dans les services du département du Var, estimant qu'en dehors de celles qu'elle a exercées comme responsable du service marchés de 2016 à 2018, le contenu de ces fonctions ne se caractérisait pas par une autonomie et une technicité juridique la qualifiant particulièrement pour l'exercice des fonctions judiciaires. En l'état de l'instruction et eu égard au large pouvoir d'appréciation dont dispose le ministre, le moyen tiré de ce qu'il aurait ainsi commis une erreur manifeste d'appréciation n'apparaît pas propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée. Il en va de même du moyen tiré de l'erreur de droit qu'il aurait commise dans l'application des critères définis à l'article 25 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, ainsi que de celui tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que la requête de Mme A... B... doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme A... B... est rejetée
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C... A... B... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.
Fait à Paris, le 31 mars 2025
Signé : Philippe Ranquet