Vu la procédure suivante :
La société anonyme (SA) Sogefimur a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2018, 2019 et 2020 à raison de son établissement situé au 1 boulevard Léo Lagrange dans les rôles de la commune des Ponts-de-Cé (Maine-et-Loire). Par un jugement nos 2008854, 2103776 du 19 janvier 2024, ce tribunal, après avoir admis l'intervention de la communauté urbaine d'Angers Loire Métropole, a fait droit à sa demande.
Par un pourvoi, enregistré le 15 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler, en ce qu'il statue sur les taxes auxquelles a été assujettie la société Sogefimur au titre des années 2019 et 2020, les articles 2 et 3 de ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter la demande de la société Sogefimur.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société Sogefimur a sollicité la décharge des cotisations primitives de taxe d'enlèvement des ordures ménagères mises à sa charge au titre des années 2018 à 2020 à raison d'un établissement situé aux Ponts-de-Cé (Maine-et-Loire) en se prévalant de l'illégalité des délibérations de la communauté urbaine d'Angers Loire Métropole des 12 mars 2018, 11 mars 2019 et 10 février 2020 ayant fixé le taux de cette taxe pour chacune de ces années. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre le jugement du 19 janvier 2024 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a fait droit à cette demande au titre des années 2019 et 2020.
2. Aux termes du I de l'article 1520 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales ainsi qu'aux dépenses directement liées à la définition et aux évaluations du programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés mentionnés à l'article L. 541-15-1 du code de l'environnement, dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal. / Les dépenses du service de collecte et de traitement des déchets mentionnées au premier alinéa du présent I comprennent : / 1° Les dépenses réelles de fonctionnement ; / 2° Les dépenses d'ordre de fonctionnement au titre des dotations aux amortissements des immobilisations lorsque, pour un investissement, la taxe n'a pas pourvu aux dépenses réelles d'investissement correspondantes, au titre de la même année ou d'une année antérieure ; / 3° Les dépenses réelles d'investissement lorsque, pour un investissement, la taxe n'a pas pourvu aux dépenses d'ordre de fonctionnement constituées des dotations aux amortissements des immobilisations correspondantes, au titre de la même année ou d'une année antérieure (...) ".
3. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères susceptible d'être instituée sur le fondement de ces dispositions n'a pas le caractère d'un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l'ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et non couvertes par des recettes non fiscales affectées à ces opérations. Il s'ensuit que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant des dépenses exposées pour ce service, déduction faite, le cas échéant, du montant des recettes non fiscales de la section de fonctionnement, telles qu'elles sont définies par les articles L. 2331-2 et L. 2331-4 du code général des collectivités territoriales, relatives à ces opérations.
4. Les dépenses susceptibles d'être prises en compte sont constituées de la somme, telle qu'elle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe, de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées lorsque la taxe n'a pas pourvu aux dépenses réelles d'investissement correspondantes ou des dépenses réelles d'investissement lorsque la taxe n'a pas pourvu aux dotations aux amortissements.
5. Pour juger que les taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères mise à la charge de la société Sogefimur au titre des années 2019 et 2020 étaient manifestement disproportionnés au regard des dépenses exposées par la communauté urbaine d'Angers Loire Métropole pour le service de collecte et de traitement des déchets, le tribunal administratif a retenu, au titre de celles-ci, les montants des dépenses réelles de fonctionnement et des dépenses d'ordre de fonctionnement au titre des dotations aux amortissements des immobilisations inscrites au budget annexe primitif de la communauté urbaine voté chacune de ces deux années pour la gestion des déchets. En statuant ainsi, sans rechercher, au besoin au moyen d'un supplément d'instruction, si ne devaient pas être pris en compte dans le total de ces dépenses, en sus ou à la place de certaines de ces dotations, les montants des dépenses réelles d'investissements exposées au cours de ces années pour des immobilisations que la communauté urbaine avait entendu financer par le produit de cette taxe, et alors de surcroît que la communauté urbaine soutenait que les dépenses à couvrir par la taxe d'enlèvement des ordures ménagères votée au titre des deux années en litige comprenait des dépenses réelles d'investissement à hauteur de 3 965 300 euros en 2019 et de 8 631 400 euros en 2020, le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement et commis une erreur de droit.
6. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander l'annulation, en tant qu'ils portent sur les cotisations de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles la société Sogefimur a été assujettie au titre des années 2019 et 2020, des articles 2 et 3 du jugement qu'il attaque.
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2, en tant qu'il statue sur les cotisations de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles la société Sogefimur a été assujettie au titre des années 2019 et 2020, et l'article 3 du jugement du 19 janvier 2024 du tribunal administratif de Nantes sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée à l'article 1er, au tribunal administratif de Nantes.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la société anonyme Sogefimur et à la communauté urbaine d'Angers Loire Métropole.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 janvier 2025 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, président de chambre, présidant ; M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat et M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur-rapporteur.
Rendu le 14 mars 2025.
Le président :
Signé : M. Thomas Andrieu
Le rapporteur :
Signé : M. Benjamin Duca-Deneuve
Le secrétaire :
Signé : M. Aurélien Engasser