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13/03/2025 | FRANCE | N°502084

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 13 mars 2025, 502084


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision de fin de prise en charge du conseil départemental des Bouches-du-Rhône qui lui avait été notifiée le 19 février 2025 et d'enjoindre au département des Bouches-du-Rhône, d'une part, de lui permettre de bénéficier de son maintien dans un hébergement adapté à sa situation, d'un soutien financier, d'un suivi et accompagnement s

ocio-éducatif, d'un soutien dans son orientation professionnelle en milie...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision de fin de prise en charge du conseil départemental des Bouches-du-Rhône qui lui avait été notifiée le 19 février 2025 et d'enjoindre au département des Bouches-du-Rhône, d'une part, de lui permettre de bénéficier de son maintien dans un hébergement adapté à sa situation, d'un soutien financier, d'un suivi et accompagnement socio-éducatif, d'un soutien dans son orientation professionnelle en milieu adapté et protégé, d'un soutien dans les démarches administratives, notamment auprès de la préfecture des Bouches-du-Rhône, et de la mise en place d'un projet d'accès à l'autonomie, dans un délai de 24 heures à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, d'autre part, de lui octroyer une mesure de protection jeune majeur sur le fondement de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, dans un délai de 24 heures à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 2502036 du 25 février 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 et 12 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision de fin de prise en charge du conseil départemental des Bouches-du-Rhône notifiée à M. A... le 19 février 2025 ;

3°) d'enjoindre au département des Bouches-du-Rhône de lui permettre de bénéficier d'un maintien dans un hébergement adapté à sa situation, d'un soutien financier, d'un suivi et accompagnement socio-éducatif, d'un soutien dans son orientation professionnelle en milieu adapté et protégé, d'un soutien dans les démarches administratives, notamment auprès de la préfecture des Bouches-du-Rhône, et de la mise en place d'un projet d'accès à l'autonomie, dans un délai de 24 heures à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au département des Bouches-du-Rhône de lui octroyer une mesure de protection jeune majeur sur le fondement de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles dans un délai de 24 heures à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la fin de sa prise en charge en qualité de jeune majeur a été annoncée pour le 24 février 2025 alors qu'il se trouve dans une situation de précarité financière et sans solution de logement durable ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à la continuation de sa prise en charge prévu à l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles ;

- ni le conseil départemental des Bouches-du-Rhône, ni le juge administratif ne peuvent remettre en cause sa minorité dès lors que le juge des enfants l'a déjà retenue en prononçant son placement provisoire ;

- le rapport d'évaluation éducative et sociale est entaché d'irrégularité ;

- la présomption de minorité dont il bénéficie ne peut être renversée par le rapport d'expertise de détermination de l'âge biologique ;

- les informations relatives à son comportement figurant dans la lettre d'avertissement et motivant la fin de sa prise en charge ne sont pas démontrées ni vérifiées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code civil ;

- la loi du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Aux termes de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles , dans sa rédaction issue de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : (...) / 5° Les majeurs âgés de moins de vingt et un ans et les mineurs émancipés qui ne bénéficient pas de ressources ou d'un soutien familial suffisants, lorsqu'ils ont été confiés à l'aide sociale à l'enfance avant leur majorité, y compris lorsqu'ils ne bénéficient plus d'aucune prise en charge par l'aide sociale à l'enfance au moment de la décision mentionnée au premier alinéa du présent article et à l'exclusion de ceux faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 222-5-1 du même code : " Un entretien est organisé par le président du conseil départemental avec tout mineur accueilli au titre des 1°, 2° ou 3° de l'article L. 222-5, au plus tard un an avant sa majorité, pour faire un bilan de son parcours, l'informer de ses droits, envisager avec lui et lui notifier les conditions de son accompagnement vers l'autonomie. Si le mineur a été pris en charge à l'âge de dix-sept ans révolus, l'entretien a lieu dans les meilleurs délais. Dans le cadre du projet pour l'enfant, un projet d'accès à l'autonomie est élaboré par le président du conseil départemental avec le mineur. Il y associe les institutions et organismes concourant à construire une réponse globale adaptée à ses besoins en matière éducative, sociale, de santé, de logement, de formation, d'emploi et de ressources. Le cas échéant, la personne de confiance désignée par le mineur en application de l'article L. 223-1-3 peut assister à l'entretien. / Le mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille est informé, lors de l'entretien prévu au premier alinéa du présent article, de l'accompagnement apporté par le service de l'aide sociale à l'enfance dans ses démarches en vue d'obtenir une carte de séjour à sa majorité ou, le cas échéant, en vue de déposer une demande d'asile. / L'entretien peut être exceptionnellement renouvelé afin de tenir compte de l'évolution des besoins des jeunes concernés. / Le dispositif mentionné à l'article L. 5131-6 du code du travail est systématiquement proposé aux personnes mentionnées au 5° de l'article L. 222-5 du présent code ainsi qu'aux majeurs âgés de moins de vingt et un ans lorsqu'ils ont été confiés à un établissement public ou à une association habilitée de la protection judiciaire de la jeunesse dans le cadre d'une mesure de placement et qu'ils ne font plus l'objet d'aucun suivi éducatif après leur majorité, qui ont besoin d'un accompagnement et remplissent les conditions d'accès à ce dispositif ". Aux termes de l'article R. 222-6 du code de l'action sociale et des familles : " Le président du conseil départemental complète si nécessaire, pour les personnes mentionnées au 5° de l'article L. 222-5 ayant été accueillies au titre des 1°, 2° ou 3° du même article, le projet d'accès à l'autonomie formalisé lors de l'entretien pour l'autonomie mentionné à l'article L. 222-5-1, afin de couvrir les besoins suivants : / 1° L'accès à des ressources financières nécessaires à un accompagnement vers l'autonomie ; / 2° L'accès à un logement ou un hébergement ; / 3° L'accès à un emploi, une formation ou un dispositif d'insertion professionnelle ; / 4° L'accès aux soins ; / 5° L'accès à un accompagnement dans les démarches administratives ; / 6° Un accompagnement socio-éducatif visant à consolider et à favoriser le développement physique, psychique, affectif, culturel et social ".

4. Il résulte, d'une part, des dispositions de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles que les jeunes majeurs de moins de vingt-et-un ans ayant été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance d'un département avant leur majorité bénéficient d'un droit à une nouvelle prise en charge par ce service, lorsqu'ils ne peuvent demeurer provisoirement dans leur milieu de vie habituel et que leur situation requiert un accueil à temps complet ou partiel, modulable selon leurs besoins, en particulier de stabilité affective, ainsi que les mineurs rencontrant des difficultés particulières nécessitant un accueil spécialisé, familial ou dans un établissement ou dans un service tel que prévu au 12° du I de l'article L. 312-1.

5. Il résulte, d'autre part, des dispositions de l'article L. 222-5-1 du même code qu'un projet d'accès à l'autonomie, élaboré par le président du conseil départemental avec le mineur, en y associant d'autres institutions et organismes concernés, vise à apporter au mineur pris en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance une réponse globale adaptée à ses besoins en matière éducative, sociale, de santé, de logement, de formation, d'emploi et de ressources. Ce projet est complété, si nécessaire, en fonction des besoins particuliers du jeune majeur en application de l'article R. 222-6 de ce code, pour les jeunes majeurs de moins de vingt et un ans mentionnés au 5° de l'article L. 222-5, qui continuent de relever d'une prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance. Cette prise en charge prend la forme du document dénommé " contrat jeune majeur " qui a pour objet de formaliser les relations entre le service de l'aide sociale à l'enfance et le jeune majeur, dans un but de responsabilisation de ce dernier.

6. Une carence caractérisée dans l'accomplissement par le président du conseil départemental des missions fixées par les dispositions rappelées aux points précédents, notamment dans les modalités de prise en charge des besoins du mineur ou du jeune majeur relevant de l'aide sociale à l'enfance, lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour l'intéressé, est de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

7. Il résulte de l'instruction conduite devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille que M. A..., de nationalité ivoirienne, a déclaré être né le 2 décembre 2006 et être arrivé en France en septembre 2023. Le juge des enfants du tribunal judiciaire de Marseille a, par une ordonnance du 8 décembre 2023, renouvelée par une ordonnance du 17 juin 2024, confié provisoirement M. A... à l'aide sociale à l'enfance et prescrit une expertise pour déterminer son âge physiologique par une décision du 4 juillet 2024. Si le juge des enfants a clôturé en décembre 2024 la mesure d'assistance éducative dès lors que M. A... était devenu majeur selon la date de naissance alléguée, l'expertise médico-légale rendue le 10 septembre 2024 a conclu à un âge allégué incompatible avec les constations médicolégales et à un âge supérieur à 18 ans, avec, en prenant en compte les estimations des différentes techniques d'imagerie utilisées, un âge moyen de 21 ans. Dans ce contexte, alors que M. A... bénéficiait d'une prise en charge par le département des Bouches-du-Rhône en tant que jeune majeur de moins de vingt-et-un ans au titre des dispositions de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles citées au point 2, ce département lui a adressé, le 19 février 2025, une décision de fin de prise en charge au motif notamment de doutes sur l'âge allégué. Par une ordonnance en date du 25 février 2025, dont M. A... a fait appel, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, et tendant à ce que la décision de fin de prise en charge soit suspendue et à ce que soit enjoint au département des Bouches-du-Rhône de lui assurer une prise en charge au titre du dispositif jeune majeur sur le fondement de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles.

8. Pour rejeter la demande de M. A..., le juge des référés du tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur les éléments matériels d'investigation recueillis relatifs à son âge, qui concluaient tous à sa majorité, reprenant à la fois l'évaluation éducative et sociale réalisée par le département des Bouches-du-Rhône, l'analyse documentaire négative de la police de l'air et des frontières et l'expertise médico-légale du 10 septembre 2024 et, sur l'absence d'élément avancé par l'intéressé au soutien de ses allégations selon lesquelles il serait né le 2 décembre 2006. Il en a déduit que le requérant ne justifiant pas de son âge et ne démontrant pas avoir été mineur lorsqu'il avait été pris en charge, à titre provisoire, par l'aide sociale à l'enfance, la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône n'avait pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

9. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles citées au point 2 et de ce qui est dit au point 4 que l'obligation de prise en charge du jeune majeur pesant sur le département ne trouve à s'appliquer qu'à la condition qu'il ait été mineur lorsqu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance. Dès lors, contrairement à ce qui est soutenu en appel, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a pu, dans le cadre de son office, prendre en compte les différents éléments qui lui étaient soumis pour apprécier si, en mettant fin au contrat jeune majeur au motif que M. A... n'était pas mineur lors de sa prise en charge provisoire, le département aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

10. En second lieu, M. A... se borne, à l'appui de sa requête d'appel, à réitérer les circonstances de fait déjà alléguées en première instance, sans fournir d'éléments qui permettraient de remettre en cause l'appréciation portée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille.

11. Il résulte de ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel de M. A... ne peut être accueilli. Sa requête, y compris ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peut dès lors qu'être rejetée selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... et au département des Bouches-du-Rhône.

Fait à Paris, le 13 mars 2025

Signé : Rozen Noguellou


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 502084
Date de la décision : 13/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 mar. 2025, n° 502084
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:502084.20250313
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