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07/03/2025 | FRANCE | N°491222

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 07 mars 2025, 491222


Vu la procédure suivante :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 31 mai 2023 par laquelle le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes lui a infligé une amende administrative d'un montant de 300 euros. Par une ordonnance n° 2303047 du 7 septembre 2023, la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.



Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 janvier et 23 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme

B... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler cette ordonnance ;


...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 31 mai 2023 par laquelle le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes lui a infligé une amende administrative d'un montant de 300 euros. Par une ordonnance n° 2303047 du 7 septembre 2023, la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 janvier et 23 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes la somme de 3 000 euros, à verser à la SARL Cabinet Briard, son avocat, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, Bonichot et associés, avocat de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle de la situation de Mme B..., allocataire du revenu de solidarité active, la caisse d'allocations familiales des Alpes-Maritimes a constaté qu'elle n'avait pas déclaré l'ensemble des pensions alimentaires qu'elle percevait. La caisse d'allocations familiales des Alpes-Maritimes, après avoir réintégré ces ressources pour le calcul des droits de Mme B... au revenu de solidarité active, a mis à sa charge, par décision du 9 juin 2023, un indu pour la période du 1er février 2019 au 31 janvier 2022. Le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes a en outre infligé à Mme B..., par une décision du 31 mai 2023, une amende administrative d'un montant de 300 euros. Par une ordonnance du 7 septembre 2023, prise sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté comme manifestement irrecevable, au motif qu'elle aurait dû être précédée d'un recours administratif préalable, la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 31 mai 2023 lui infligeant une amende administrative. Mme B... se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

2. D'une part, au sein de la section 5 " Recours et récupération " du chapitre II, consacré au revenu de solidarité active, du titre VI du livre II du code de l'action sociale et des familles, l'article L. 262-46 prévoit, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l'organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active. / Toute réclamation dirigée contre une décision de récupération de l'indu, le dépôt d'une demande de remise ou de réduction de créance ainsi que les recours administratifs et contentieux, y compris en appel, contre les décisions prises sur ces réclamations et demandes ont un caractère suspensif. (...) " et l'article L. 262-47 que : " Toute réclamation dirigée contre une décision relative au revenu de solidarité active fait l'objet, préalablement à l'exercice d'un recours contentieux, d'un recours administratif auprès du président du conseil départemental. Ce recours est, dans les conditions et limites prévues par la convention mentionnée à l'article L. 262-25, soumis pour avis à la commission de recours amiable qui connaît des réclamations relevant de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale. (...) ".

3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 262-52 du même code, qui figure au sein de la section 6 du même chapitre, intitulée " Lutte contre la fraude et sanctions " : " La fausse déclaration ou l'omission délibérée de déclaration ayant abouti au versement indu du revenu de solidarité active est passible d'une amende administrative prononcée et recouvrée dans les conditions et les limites définies, en matière de prestations familiales, aux sixième, septième et huitième alinéas du I et au II de l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale. La décision est prise par le président du conseil départemental après avis de l'équipe pluridisciplinaire mentionnée à l'article L. 262-39 du présent code. (...) ". En l'absence de tout doute sur leur portée, ces dispositions doivent être regardées comme faisant référence aux dispositions des sixième, septième et huitième alinéas du I et à celles du II de l'article L. 114-17-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de l'article 98 de la loi du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023. Ces dispositions, qui se substituent à la procédure précédemment prévue par les dispositions de l'article L. 114-17 de ce code, auxquelles elles renvoyaient et qui ouvraient notamment la possibilité d'un recours gracieux spécifique en cas de prononcé d'une amende administrative, ne mentionnent plus cette possibilité.

4. Il résulte des dispositions citées au point précédent, précisées par les dispositions de l'article R. 114-11 du code la sécurité sociale, que le président du conseil départemental notifie le montant envisagé de l'amende administrative et les faits reprochés à la personne en cause, afin qu'elle puisse présenter ses observations écrites ou orales dans un délai d'un mois. A l'issue de ce délai, s'il décide de lui infliger une amende administrative, il saisit l'équipe pluridisciplinaire afin de recueillir, dans un délai d'un mois, son avis motivé, portant notamment sur la matérialité des faits reprochés, la responsabilité de la personne et le montant de l'amende administrative susceptible d'être appliquée, et en informe la personne en cause en lui indiquant qu'elle a la possibilité d'être entendue par l'équipe pluridisciplinaire. Le président du conseil départemental dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de l'équipe pluridisciplinaire pour fixer le montant définitif de l'amende administrative et le notifier à la personne en cause. Il ne ressort pas des travaux préparatoires qui ont précédé l'adoption de ces dispositions que le législateur, en supprimant la mention d'un recours gracieux spécifique auparavant prévu à l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale, ait entendu écarter la possibilité, prévue par les dispositions de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration, d'introduire contre la décision du président du conseil départemental prononçant une amende administrative sur le fondement de l'article L. 262-52 du code de l'action sociale et des familles un recours gracieux facultatif ayant pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux.

5. Il résulte en revanche des dispositions citées aux points 2 et 3 que l'article L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles n'est pas applicable à l'amende administrative que le président du conseil départemental peut prononcer en cas de fausse déclaration ou d'omission délibérée de déclaration ayant abouti au versement indu du revenu de solidarité active, dont l'objet est distinct de celui des décisions soumises au recours administratif préalable prévu par cet article et dont l'article L. 262-52 du même code organise les modalités propres de contestation.

6. Pour rejeter comme irrecevable la demande de Mme B..., la présidente du tribunal administratif a retenu que la requérante aurait dû, ce qu'elle n'avait pas fait, exercer le recours administratif préalable obligatoire prévu par les dispositions de l'article L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en statuant ainsi, la présidente du tribunal administratif a commis une erreur de droit.

7. Par suite, Mme B... est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance attaquée.

8. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SARL Cabinet Briard, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes une somme de 3 000 euros à verser à cette société.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 7 septembre 2023 de la présidente du tribunal administratif de Nice est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Nice.

Article 3 : Le département des Alpes-Maritimes versera une somme de 3 000 euros à la SARL Cabinet Briard, avocat de Mme B..., en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au département des Alpes-Maritimes.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 février 2025 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Edouard Geffray, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, M. Raphaël Chambon, M. Vincent Mazauric, conseillers d'Etat et Mme Ariane Piana-Rogez, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 7 mars 2025.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

La rapporteure :

Signé : Mme Ariane Piana-Rogez

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 491222
Date de la décision : 07/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

AIDE SOCIALE - DIFFÉRENTES FORMES D'AIDE SOCIALE - REVENU MINIMUM D'INSERTION (RMI) - AMENDE INFLIGÉE À UN BÉNÉFICIAIRE POUR FAUSSE DÉCLARATION OU OMISSION DÉLIBÉRÉE DE DÉCLARATION (ART - L - 262-52 DU CASF) – 1) VERSION DES TEXTES ISSUE DE LA LFSS POUR 2023 – PORTÉE DES RENVOIS AU CSS – CONSÉQUENCE – SUPPRESSION DU RECOURS GRACIEUX SPÉCIFIQUE – 2) FACULTÉ D’EXERCER LE RECOURS GRACIEUX DE DROIT COMMUN (ART - L - 411-2 DU CRPA) – EXISTENCE.

04-02-06 1) En l’absence de tout doute sur leur portée, le premier alinéa de l’article L. 262-52 du code de l’action sociale et des familles (CASF) doit être regardé comme faisant référence aux dispositions des sixième, septième et huitième alinéas du I et à celles du II de l’article L. 114-17-2 du code de la sécurité sociale (CSS), dans leur rédaction issue de l’article 98 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022. Ces dispositions, qui se substituent à la procédure précédemment prévue par les dispositions de l’article L. 114-17 de ce code, auxquelles elles renvoyaient et qui ouvraient notamment la possibilité d’un recours gracieux spécifique en cas de prononcé d’une amende administrative, ne mentionnent plus cette possibilité....2) Il résulte des dispositions de l’article L. 262-52 du CASF, précisées par les dispositions de l’article R. 114-11 du CSS, que le président du conseil départemental (PCD) notifie le montant envisagé de l’amende administrative et les faits reprochés à la personne en cause, afin qu’elle puisse présenter ses observations écrites ou orales dans un délai d’un mois. A l’issue de ce délai, s’il décide de lui infliger une amende administrative, il saisit l’équipe pluridisciplinaire afin de recueillir, dans un délai d’un mois, son avis motivé, portant notamment sur la matérialité des faits reprochés, la responsabilité de la personne et le montant de l’amende administrative susceptible d’être appliquée, et en informe la personne en cause en lui indiquant qu’elle a la possibilité d’être entendue par l’équipe pluridisciplinaire. Le PCD dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de l’équipe pluridisciplinaire pour fixer le montant définitif de l’amende administrative et le notifier à la personne en cause. ...Il ne ressort pas des travaux préparatoires qui ont précédé l’adoption de ces dispositions que le législateur, en supprimant la mention d’un recours gracieux spécifique auparavant prévu à l’article L. 114-17 du CSS, ait entendu écarter la possibilité, prévue par les dispositions de l’article L. 411-2 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), d’introduire contre la décision du PCD prononçant une amende administrative sur le fondement de l’article L. 262-52 du CASF, un recours gracieux facultatif ayant pour effet d’interrompre le délai de recours contentieux.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - LIAISON DE L'INSTANCE - RECOURS ADMINISTRATIF PRÉALABLE - AMENDE INFLIGÉE À UN BÉNÉFICIAIRE DU RSA POUR FAUSSE DÉCLARATION OU OMISSION DÉLIBÉRÉE DE DÉCLARATION (ART - L - 262-52 DU CASF) – 1) VERSION DES TEXTES ISSUE DE LA LFSS POUR 2023 – PORTÉE DES RENVOIS AU CSS – CONSÉQUENCE – SUPPRESSION DU RECOURS GRACIEUX SPÉCIFIQUE – 2) FACULTÉ D’EXERCER LE RECOURS GRACIEUX DE DROIT COMMUN (ART - L - 411-2 DU CRPA) – EXISTENCE.

54-01-02-01 1) En l’absence de tout doute sur leur portée, le premier alinéa de l’article L. 262-52 du code de l’action sociale et des familles (CASF) doit être regardé comme faisant référence aux dispositions des sixième, septième et huitième alinéas du I et à celles du II de l’article L. 114-17-2 du code de la sécurité sociale (CSS), dans leur rédaction issue de l’article 98 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022. Ces dispositions, qui se substituent à la procédure précédemment prévue par les dispositions de l’article L. 114-17 de ce code, auxquelles elles renvoyaient et qui ouvraient notamment la possibilité d’un recours gracieux spécifique en cas de prononcé d’une amende administrative, ne mentionnent plus cette possibilité....2) Il résulte des dispositions de l’article L. 262-52 du CASF, précisées par les dispositions de l’article R. 114-11 du CSS, que le président du conseil départemental (PCD) notifie le montant envisagé de l’amende administrative et les faits reprochés à la personne en cause, afin qu’elle puisse présenter ses observations écrites ou orales dans un délai d’un mois. A l’issue de ce délai, s’il décide de lui infliger une amende administrative, il saisit l’équipe pluridisciplinaire afin de recueillir, dans un délai d’un mois, son avis motivé, portant notamment sur la matérialité des faits reprochés, la responsabilité de la personne et le montant de l’amende administrative susceptible d’être appliquée, et en informe la personne en cause en lui indiquant qu’elle a la possibilité d’être entendue par l’équipe pluridisciplinaire. Le PCD dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de l’équipe pluridisciplinaire pour fixer le montant définitif de l’amende administrative et le notifier à la personne en cause. ...Il ne ressort pas des travaux préparatoires qui ont précédé l’adoption de ces dispositions que le législateur, en supprimant la mention d’un recours gracieux spécifique auparavant prévu à l’article L. 114-17 du CSS, ait entendu écarter la possibilité, prévue par les dispositions de l’article L. 411-2 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), d’introduire contre la décision du PCD prononçant une amende administrative sur le fondement de l’article L. 262-52 du CASF, un recours gracieux facultatif ayant pour effet d’interrompre le délai de recours contentieux.


Publications
Proposition de citation : CE, 07 mar. 2025, n° 491222
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ariane Piana-Rogez
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot
Avocat(s) : SARL CABINET BRIARD, BONICHOT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:491222.20250307
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