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05/03/2025 | FRANCE | N°494219

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 05 mars 2025, 494219


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 1er août 2023 par laquelle le comité de gestion des œuvres sociales des établissements hospitaliers publics (C.G.O.S.) a rejeté son recours gracieux formé contre la décision de refus d'octroi de la prestation " enfant en situation de handicap " au titre de l'année 2021 au profit de ses deux enfants et d'enjoindre à ce comité de réexaminer sa demande et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter de la notification de

la décision à intervenir. Par une ordonnance n° 2322219 du 20 mars 2024, le ...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 1er août 2023 par laquelle le comité de gestion des œuvres sociales des établissements hospitaliers publics (C.G.O.S.) a rejeté son recours gracieux formé contre la décision de refus d'octroi de la prestation " enfant en situation de handicap " au titre de l'année 2021 au profit de ses deux enfants et d'enjoindre à ce comité de réexaminer sa demande et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir. Par une ordonnance n° 2322219 du 20 mars 2024, le président du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Par une ordonnance n° 24PA01976 du 6 mai 2024, enregistrée le 14 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 1er mai 2024 au greffe de cette cour, présenté par M. B....

Par ce pourvoi et par deux nouveaux mémoires, enregistrés les 23 juillet 2024 et 7 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 20 mars 2024 et de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Paris ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir le Tribunal des conflits.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nejma Benmalek, auditrice,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Poupet, Kacenelenbogen, avocat de M. B... et à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat du comité de gestion des œuvres sociales des établissements publics hospitaliers ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., membre du personnel des établissements du groupement hospitalier universitaire de Paris Psychiatrie et Neurosciences, a demandé au comité de gestion des œuvres sociales des établissements hospitaliers publics (C.G.O.S.) le versement de la prestation " Enfant en situation de handicap " pour deux de ses enfants. Par une décision du 15 février 2022, le comité de gestion des œuvres sociales des établissements hospitaliers publics a rejeté sa demande. Par un premier courrier reçu le 9 mai 2022, le C.G.O.S. a rejeté le recours gracieux formé par M. B... contre cette décision le 7 mars 2022. Par une seconde décision du 1er août 2023, le C.G.O.S. a rejeté un nouveau recours gracieux de M. B... contre ce refus. Par une ordonnance du 20 mars 2024 contre laquelle M. B... se pourvoit en cassation, le président du tribunal administratif de Paris a rejeté comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 1er août 2023 présentées par une requête enregistrée le 26 septembre 2023 au greffe du tribunal administratif de Paris.

2. L'article 9 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction applicable au litige, désormais repris à l'article L. 733-1 du code de la fonction publique, prévoit que : " (...) L'action sociale, collective ou individuelle, vise à améliorer les conditions de vie des agents publics et de leurs familles, notamment dans les domaines de la restauration, du logement, de l'enfance et des loisirs, ainsi qu'à les aider à faire face à des situations difficiles. (...) L'Etat, les collectivités locales et leurs établissements publics peuvent confier à titre exclusif la gestion de tout ou partie des prestations dont bénéficient les agents à des organismes à but non lucratif ou à des associations nationales ou locales régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association. / Ils peuvent participer aux organes d'administration et de surveillance de ces organismes ". L'article 116-1 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière rend ces dispositions applicables pour les personnels des établissements hospitaliers visés à l'article 2 de cette loi, comprenant notamment les établissements publics de santé et les syndicats inter-hospitaliers.

3. Il résulte de ces dispositions que les organismes à but non lucratif ou les associations nationales ou locales régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association à qui l'Etat, les collectivités locales et leurs établissements publics, notamment les établissements publics hospitaliers, choisissent de confier à titre exclusif la gestion de tout ou partie des prestations d'action sociale, individuelles ou collectives dont bénéficient les agents qu'elles emploient, agissent au nom et pour le compte de l'employeur public qui a fait ce choix. Par suite les litiges relatifs à ces prestations relèvent de la compétence du juge administratif.

4. Il est constant que le comité de gestion des œuvres sociales des établissements hospitaliers publics s'est vu confier à titre exclusif la gestion des prestations d'action sociale au bénéfice des agents des établissements du groupement hospitalier universitaire de Paris Psychiatrie et Neurosciences. Par suite, en jugeant que les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision de ce comité lui refusant l'octroi d'une prestation sociale au profit de ses deux enfants étaient portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, le président du tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit. Il s'ensuit que l'ordonnance attaquée doit être annulée sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières, dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. La présentation, dans le délai imparti pour introduire un recours contentieux contre une décision administrative, d'un recours administratif, gracieux ou hiérarchique contre cette décision a pour effet d'interrompre ce délai. Il en va notamment ainsi lorsque, faute de respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, le délai dont dispose le destinataire de la décision pour exercer le recours juridictionnel est le délai raisonnable découlant de la règle énoncée ci-dessus. Lorsque le recours administratif fait l'objet d'une décision explicite de rejet, un nouveau délai de recours commence à courir à compter de la date de notification de cette décision. Si la notification de la décision de rejet du recours administratif n'est pas elle-même assortie d'une information sur les voies et délais de recours, l'intéressé dispose de nouveau, à compter de cette notification, du délai raisonnable découlant de la règle énoncée plus haut pour saisir le juge.

7. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 15 février 2022, le C.G.O.S a refusé de verser à M. B... la prestation " Enfant en situation de handicap " pour deux de ses enfants. M. B... a introduit le 7 mars 2022 un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejeté par une décision reçue le 9 mai 2022. Conformément à ce qui a été indiqué au point précédent, cette décision, qui ne comportait pas la mention des voies et délais de recours, pouvait, faute de circonstances particulières, faire l'objet d'un recours contentieux jusqu'à la date du 9 mai 2023. L'introduction par M. B... d'un nouveau recours gracieux, le 28 juin 2023, n'a pas eu pour effet de rouvrir un nouveau délai de contestation contre cette décision et par ailleurs le rejet de ce recours, le 1er août 2023, est, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait, purement confirmatif de la décision du 9 mai 2022. Par suite, ainsi que le fait valoir le C.G.O.S, les conclusions à fin d'annulation de la décision du 1er août 2023 présentées par M. B... sont irrecevables et doivent être rejetées.

8. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge du C.G.O.S, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel, une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... une somme au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 20 mars 2024 du président du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La demande de M. B... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au comité de gestion des œuvres sociales des établissements publics hospitaliers publics et au groupement hospitalier universitaire de Paris Psychiatrie et Neurosciences.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 février 2025 où siégeaient : M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat, présidant ; Edouard Geffray, conseiller d'Etat et Mme Nejma Benmalek, auditrice-rapporteure.

Rendu le 5 mars 2025.

Le président :

Signé : M. Jean-Luc Nevache

La rapporteure :

Signé : Mme Nejma Benmalek

La secrétaire :

Signé : Mme Paule Troly


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 494219
Date de la décision : 05/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 mar. 2025, n° 494219
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nejma Benmalek
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP POUPET & KACENELENBOGEN ; SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:494219.20250305
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