Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance du 5 octobre 2023, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 342-3 du code de justice administrative, attribué au tribunal administratif de Clermont-Ferrand le jugement de la demande n° 2102854 de M. B... A..., enregistrée au greffe du tribunal administratif de
Clermont-Ferrand le 16 décembre 2021, et celui de sa demande n° 2108741, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Grenoble le 24 décembre 2021.
Par la première demande, M. A... a demandé à titre principal, d'annuler le titre de pension concédé par arrêté du 19 juillet 2021 en tant qu'il fixe la date du 31 août 2019 comme date d'effet de sa pension et qu'il retient, pour le calcul de cette pension, le cinquième échelon, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence du service des retraites de l'Etat, sur son recours gracieux, à titre subsidiaire, d'annuler dans son intégralité le titre de pension concédé par arrêté du 19 juillet 2021, d'enjoindre au service des retraites de l'Etat de réviser le montant de sa pension en prenant pour date d'effet de celle-ci la date du 31 juillet 2021 ou, à tout le moins, la date du 6 juillet 2021, ou, à défaut, de réexaminer la date d'effet de la pension qu'il convient de lui accorder en prenant en compte son grade de professeur certifié hors classe au 6ème échelon, de revaloriser en conséquence le montant de la pension concédée et de lui verser les arrérages échus de sa pension correspondants, assortis des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande de révision, le tout dans un délai de deux mois à compter de la date du jugement à intervenir.
Par la seconde demande, M. A... a demandé à titre principal, d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2021 de la rectrice de l'académie de Grenoble en tant qu'il l'admet à la retraite pour invalidité à compter du 31 août 2019, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence de la rectrice de l'académie de Grenoble sur son recours gracieux, à titre subsidiaire, d'annuler dans leur intégralité cet arrêté et cette décision, d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Grenoble ou au ministre de l'éducation nationale de le placer à la retraite pour invalidité à compter du 31 juillet 2021 ou au plus tôt à compter du 6 juillet 2021, de procéder, dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, au calcul du reliquat de la pension dû et, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Grenoble ou au ministre de l'éducation nationale de réexaminer sa situation et de procéder, dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, à ce calcul.
Par un jugement nos 2302353, 2302354 du 8 février 2024, ce tribunal a rejeté ses demandes.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mars et 11 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agathe Lieffroy, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Clermont-Ferrand que M. A... appartient au corps des professeurs certifiés depuis le 1er septembre 2002 et a exercé ses fonctions, en dernier lieu, au sein de l'académie de Grenoble. Il a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 30 août 2018. Par un courrier du 26 juillet 2019, M. A... a demandé à être admis à la retraite pour invalidité. Par un arrêté du 6 juillet 2021, la rectrice de l'académie de Grenoble l'a admis à la retraite pour invalidité à compter du
31 août 2019. Un titre de pension lui a été concédé par arrêté du 19 juillet 2021. Par un jugement nos 2302353, 2302354 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les deux demandes de M. A... tendant à l'annulation, en tout ou partie, de ces deux arrêtés.
Sur la compétence du Conseil d'Etat :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) / 7° Sur les litiges en matière de pensions de retraite des agents publics ".
3. D'autre part, des demandes distinctes relevant de voies de recours différentes ne sauraient présenter entre elles un lien de connexité.
4. Il en résulte, alors même que les demandes de M. A... ont été jointes par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand pour y statuer par une seule décision, qu'il y a lieu d'attribuer à la cour administrative d'appel de Lyon le jugement de ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du 8 février 2024 de ce tribunal en tant qu'il a statué sur la demande n° 2302354 contestant l'arrêté du 6 juillet 2021 prononçant sa mise à la retraite pour invalidité, qui ne relève ni d'un litige en matière de pension de retraite des agents publics, ni d'un autre des litiges sur lesquels le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. Les conclusions du requérant dirigées contre le même jugement, en tant qu'il a rejeté la demande n° 2302353 contestant le titre de pension concédé à M. A... par arrêté du 19 juillet 2021, ont, en revanche, le caractère d'un pourvoi en cassation qui relève de la compétence du Conseil d'Etat.
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article L. 6 du code de justice administrative : " Les débats ont lieu en audience publique ". Aux termes de l'article L. 731-1 du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 6, le président de la formation de jugement peut, à titre exceptionnel, décider que l'audience aura lieu ou se poursuivra hors la présence du public, si la sauvegarde de l'ordre public ou le respect de l'intimité des personnes ou de secrets protégés par la loi l'exige (...) ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / (...) / Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du troisième alinéa de l'article R. 732-1 ont été entendus. / Lorsque, en application de l'article R. 732-1-1, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions, mention en est faite (...) ".
6. Il ne ressort d'aucune des mentions du jugement attaqué ni que l'audience tenue par le tribunal administratif le 25 janvier 2024, au rôle de laquelle l'affaire de M. A... a été inscrite, a été publique ou qu'elle a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public en application des dispositions de l'article L. 731-1 du code de justice administrative, ni que le rapporteur public a été entendu lors de cette audience, ou qu'il en été dispensé en application de l'article R. 731-1 du même code. Ce jugement ne faisant ainsi pas la preuve que la procédure à l'issue de laquelle il a été prononcé a été régulière, M. A... est fondé à soutenir qu'il est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation pour ce motif, en tant qu'il a rejeté sa demande n° 2302353, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement des conclusions de M. A... dirigées contre le jugement du 8 février 2024 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a rejeté sa demande enregistrée sous le n° 2302354 est attribué à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 2 : Le jugement du 8 février 2024 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé en tant qu'il rejette la demande de M. A... enregistrée sous le n° 2302353.
Article 3 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de l'annulation prononcée à l'article 2, au tribunal administratif de Clermont-Ferrand.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... et à la ministre chargée des comptes publics.
Délibéré à l'issue de la séance du 30 janvier 2025 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et Mme Agathe Lieffroy, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 28 février 2025.
La présidente :
Signé : Mme Anne Egerszegi
La rapporteure :
Signé : Mme Agathe Lieffroy
Le secrétaire :
Signé : M. Brian Bouquet
La République mande et ordonne à la ministre chargée du budget et des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :