Vu la procédure suivante :
M. B... D... et Mme H... E... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de les prendre en charge ainsi que leurs enfants G..., F... et A... C... au titre de l'hébergement d'urgence, dès l'intervention de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2500454 du 27 janvier 2025, le juge des référés du tribunal administratif a, d'une part, admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Par une requête, enregistrée le 12 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... et Mme E... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance du 27 janvier 2025 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de faire droit à leur demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Bachelet, avocate au barreau de Toulouse, et la même somme à Me Bardoul, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, leurs avocats en première instance et en appel respectivement, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, leurs trois enfants sont très jeunes et, d'autre part, Mme E... est enceinte ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit à l'hébergement d'urgence ;
- c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande au motif que le dispositif d'hébergement d'urgence en Haute-Garonne est saturé alors que le préfet n'a pas justifié être dans l'incapacité de prendre des mesures urgentes afin de créer rapidement des places d'accueil.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. " En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Il résulte de l'instruction menée devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse que M. D..., ressortissant syrien né en 1993, entré en France à une date indéterminée, dispose depuis le 9 septembre 2024 d'un titre de séjour en qualité de réfugié. En décembre 2024, il a été rejoint par Mme E..., qu'il aurait épousée le 5 décembre 2024, et les trois enfants, âgés de 8, 7 et 5 ans qu'il aurait eus avec elle en Syrie. M. D... et Mme E... ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en demandant qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de les prendre en charge ainsi que leurs enfants au titre de l'hébergement d'urgence. Ils relèvent appel devant le juge des référés du Conseil d'Etat de l'ordonnance du 27 janvier 2025 rejetant leur demande.
3. Aux termes de l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles : " Dans chaque département est mis en place, sous l'autorité du représentant de l'Etat, un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse, de procéder à une première évaluation de leur situation médicale, psychique et sociale et de les orienter vers les structures ou services qu'appelle leur état. Cette orientation est assurée par un service intégré d'accueil et d'orientation. (...) " L'article L. 345-2-2 de ce code dispose : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. (...) " Aux termes de l'article L. 345-2-3 du même code : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation. " Il appartient aux autorités de l'Etat, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, de mettre en œuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée.
4. Il résulte de l'instruction menée en première instance que, si M. D... affirme ne plus pouvoir bénéficier des solidarités amicales qui lui ont permis d'être hébergé après son arrivée en France depuis que sa famille l'y a rejoint, il n'apporte aucun élément relatif aux conditions dans lesquelles il est actuellement hébergé avec sa famille. S'il lui est assurément difficile, alors qu'il ne perçoit que le revenu de solidarité active, de louer un logement dans le parc privé, il indique être en recherche active d'emploi. Il résulte également de l'instruction menée par le premier juge que le dispositif d'hébergement d'urgence en Haute-Garonne est saturé et que des familles accompagnées d'enfants en bas âge ne peuvent toutes être hébergées, quarante-quatre enfants de moins de trois ans, quatorze de moins d'un an et deux nouveau-nés n'ayant pu être pris en charge par le dispositif d'hébergement d'urgence mis en place dans le département de la Haute-Garonne au cours de la semaine du 13 au 19 janvier 2025. Eu égard à ces éléments, à la composition de la famille, à l'âge des enfants et à l'absence de problème de santé ou d'autre circonstance particulière alléguée établissant une situation de nature à révéler que les requérants pourraient être prioritaires par rapport à d'autres familles accompagnées de très jeunes enfants, l'abstention du préfet de la Haute-Garonne de mettre en œuvre ses pouvoirs au bénéfice des requérants ne manifeste pas une carence caractérisée des autorités de l'Etat dans la mise en œuvre du droit à l'hébergement d'urgence et ne porte, dès lors, aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
5. S'il est vrai que Mme E... soutient, pour la première fois en cause d'appel, être enceinte en produisant le compte-rendu d'une échographie réalisée le 9 février 2025, postérieurement à l'ordonnance dont appel, qui fait état d'une grossesse à cinq à six semaines d'aménorrhée, et si, en application de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, " sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : / (...) 4° Les femmes enceintes et les mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu'elles sont sans domicile (...) ", il y a lieu d'inviter les requérants, à saisir à nouveau, s'ils s'y estiment fondés, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, qui pourra mettre en cause le conseil départemental de la Haute-Garonne, qui n'a pas été appelé dans la présente procédure, afin de demander le bénéfice de ces dispositions en faisant état de ce nouvel élément de fait.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la requête de M. D... et Mme E... doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. D... et Mme E... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... D..., premier dénommé.
Copie pour information en sera adressée à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et au département de la Haute-Garonne.
Fait à Paris, le 17 février 2025
Signé : Alain Seban