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04/02/2025 | FRANCE | N°490590

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 04 février 2025, 490590


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 décembre 2023 et 28 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des médecins de France demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la Première ministre et le ministre de la santé et de la prévention ont rejeté sa demande tendant à ce que soient pris le décret prévu par le premier alinéa de l'article L. 4031-4 du code de la santé publique, l'ar

rêté prévu par le quatrième alinéa du III de l'article L. 221-1-2 du code de la sécurité soci...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 décembre 2023 et 28 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des médecins de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la Première ministre et le ministre de la santé et de la prévention ont rejeté sa demande tendant à ce que soient pris le décret prévu par le premier alinéa de l'article L. 4031-4 du code de la santé publique, l'arrêté prévu par le quatrième alinéa du III de l'article L. 221-1-2 du code de la sécurité sociale, ainsi que le décret en Conseil d'Etat relatif à la répartition des crédits du fonds prévu par le cinquième alinéa du III de ce même article ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de prendre ces mesures dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nejma Benmalek, auditrice,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, l'article L. 221-1-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du I de l'article 83 de la loi du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, prévoit, qu'au sein du fonds de soutien aux actions conventionnelles, à la représentation des professionnels de santé libéraux et au financement des conseils nationaux professionnels, une section, désignée comme la " seconde section " de ce fonds, est destinée à contribuer au financement de la participation des organisations syndicales représentatives des professionnels de santé libéraux conventionnées à la vie conventionnelle ainsi qu'aux concertations et consultations organisées par les pouvoirs publics. Aux termes du III de cet article : " Cette section est alimentée : / 1° Par la fraction prévue au premier alinéa de l'article L. 4031-4 du code de la santé publique de la contribution définie au même article L. 4031-4 ; / 2° Par une dotation de la branche Maladie, maternité, invalidité et décès du régime général, dont le montant est fixé chaque année par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale au regard des frais de participation des organisations aux instances conventionnelles. / Les crédits du fonds sont répartis entre les organisations syndicales représentatives mentionnées à l'article L. 162-33 du présent code, pour chaque profession concernée, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat en fonction de leur audience ou, pour les professions mentionnées à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 4031-2 du code de la santé publique, de leurs effectifs. (...) "

2. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 4031-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du II de l'article 83 de la loi du 14 décembre 2020, applicable en vertu du III du même article 83 aux contributions dues à compter du 1er janvier 2021 : " Aux fins de soutenir la participation des organisations syndicales représentatives des professionnels de santé libéraux conventionnés à la vie institutionnelle, il est institué une contribution versée à titre obligatoire par chaque adhérent à l'une des conventions ou accords mentionnés à l'article L. 4031-3. Cette contribution est affectée au financement des unions régionales des professionnels de santé et, pour une part fixée par décret, au financement de la seconde section du fonds mentionné au III de l'article L. 221-1-2 du code de la sécurité sociale ".

3. Par une lettre reçue le 4 septembre 2023, la Fédération des médecins de France a demandé à la Première ministre et au ministre de la santé et de la prévention de prendre le décret prévu par le premier alinéa de l'article L. 4031-4 du code de la santé publique, l'arrêté prévu par le III de l'article L. 221-1-2 du code de la sécurité sociale ainsi que le décret en Conseil d'Etat relatif à la répartition des crédits du fonds prévu par le même III. Elle demande l'annulation pour excès de pouvoir du refus implicite qui lui a été opposé, résultant du silence gardé pendant plus de deux mois sur sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Il résulte des dispositions du III de l'article L. 221-1-2 du code de la sécurité sociale, citées au point 1, que le législateur a entendu que la " seconde section ", régie par ces dispositions, du fonds qu'il a créé au sein de la Caisse nationale de l'assurance maladie soit alimentée à la fois par les professionnels de santé exerçant à titre libéral dans le cadre conventionnel et par l'assurance maladie, de sorte que leur application implique nécessairement l'intervention tant du décret fixant la part de la contribution obligatoire des professionnels de santé instituée à l'article L. 4031-4 du code de la santé publique affectée au financement de cette section que, chaque année à partir de celle au titre de laquelle ce décret entrera en vigueur, de l'arrêté fixant la dotation annuelle de l'assurance maladie. Il en résulte également qu'il a entendu que les crédits du fonds soient répartis entre les organisations syndicales représentatives pour chaque profession concernée et que ces dispositions ne peuvent davantage être appliquées sans l'intervention du décret en Conseil d'Etat devant fixer les modalités de cette répartition.

5. A la date de la présente décision, il s'est écoulé plus de quatre ans depuis l'entrée en vigueur de la loi du 14 décembre 2020 ayant modifié l'article L. 221-1-2 du code de la sécurité sociale en vue notamment de créer cette " seconde section " et l'article L. 4031-4 du code de la santé publique en vue de prévoir l'attribution à cette section d'une fraction de la contribution versée à titre obligatoire par les professionnels de santé exerçant à titre libéral dans le cadre conventionnel. Si la ministre du travail, de la santé et des solidarités fait valoir que les concertations menées avec les organisations syndicales représentatives des professionnels de santé libéraux conventionnés n'ont jusqu'à présent pas permis d'aboutir à un consensus sur les paramètres de fonctionnement de la " seconde section " du fonds prévue par le III de l'article L. 221-1-2 du code de la sécurité sociale, cette circonstance ne justifie pas une abstention qui s'est prolongée au-delà du délai raisonnable imparti pour prendre les mesures prévues par les dispositions citées aux points 1 et 2.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, la Fédération des médecins de France est fondée à demander l'annulation du refus de prendre, d'une part, le décret prévu par le premier alinéa de l'article L. 4031-4 du code de la santé publique et, subséquemment, au titre de l'année d'entrée en vigueur de ce décret, l'arrêté prévu par le III de l'article L. 221-1-2 du code de la sécurité sociale, d'autre part, le décret en Conseil d'Etat relatif à la répartition des crédits du fonds également prévu par le III de l'article L. 221-1-2 du code de la sécurité sociale.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite (...) d'une astreinte (...) dont elle fixe la date d'effet ".

8. L'annulation de la décision mentionnée au point 6 implique nécessairement que soient prises les mesures en cause. Il y a donc lieu pour le Conseil d'Etat d'enjoindre au Premier ministre et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles de prendre ces mesures dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par la fédération requérante.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la Fédération des médecins de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite par laquelle la Première ministre et le ministre de la santé et de la prévention ont refusé de prendre d'une part, le décret prévu par le premier alinéa de l'article L. 4031-4 du code de la santé publique et, subséquemment, au titre de l'année d'entrée en vigueur de ce décret, l'arrêté prévu par le III de l'article L. 221-1-2 du code de la sécurité sociale, d'autre part, le décret en Conseil d'Etat relatif à la répartition des crédits du fonds également prévu par le III de l'article L. 221-1-2 du code de la sécurité sociale est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles de prendre les mesures mentionnées à l'article 1er dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à la Fédération des médecins de France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des médecins de France, au Premier ministre et à la ministre du travail, des solidarités, de la santé et des familles.

Copie en sera adressée à la section des études, de la prospective et de la coopération du Conseil d'Etat.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 janvier 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Edouard Geffray, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, M. Vincent Mazauric, conseillers d'Etat ; M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes et Mme Nejma Benmalek, auditrice-rapporteure.

Rendu le 4 février 2025.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Nejma Benmalek

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 490590
Date de la décision : 04/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 fév. 2025, n° 490590
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nejma Benmalek
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:490590.20250204
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