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31/12/2024 | FRANCE | N°496611

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 31 décembre 2024, 496611


Vu la procédure suivante :



Mme B... D... et M. C... A... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 20 février 2024 par lequel le préfet des Ardennes a établi une servitude d'utilité publique pour le passage et l'entretien d'une canalisation publique d'assainissement sur une parcelle privée, section A 116, située sur le territoire de la commune de Hierges (Ardennes).<

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Par une ordonnance n° 2401593 du 18 juillet 2024, le juge...

Vu la procédure suivante :

Mme B... D... et M. C... A... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 20 février 2024 par lequel le préfet des Ardennes a établi une servitude d'utilité publique pour le passage et l'entretien d'une canalisation publique d'assainissement sur une parcelle privée, section A 116, située sur le territoire de la commune de Hierges (Ardennes).

Par une ordonnance n° 2401593 du 18 juillet 2024, le juge des référés du tribunal administratif a fait droit à leur demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un autre mémoire, enregistrés les 2 août, 19 août, 20 novembre et 2 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la communauté de communes Ardenne Rives de Meuse et la régie de l'eau et de l'assainissement Ardenne Rives de Meuse demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de Mme D... et de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme D... et de M. A..., la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que l'ordonnance attaquée est entachée :

- d'une dénaturation des pièces du dossier en ce qu'elle estime que la condition d'urgence est remplie alors qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, les travaux contestés n'entraîneront la suppression d'aucun arbre ancien et que, d'autre part, l'intérêt public qui s'attache à l'installation, à bref délai, de la canalisation d'évacuation des eaux usées mettant fin à leur déversement sans traitement dans le milieu naturel prime sur la situation personnelle des intéressés ;

- d'une erreur de droit et d'une dénaturation des pièces du dossier en ce qu'elle retient comme sérieux le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime au motif que la servitude litigieuse aurait été instituée dans un jardin attenant à l'habitation des intéressés alors que la parcelle en question est distante de 50 m et séparée du terrain d'assiette de l'habitation par une autre parcelle.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste Butlen, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la communauté de communes Ardennes Rives de Meuse et autre, et à la SCP Leduc, Vigand, avocat de Mme D... et autre ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le préfet des Ardennes a, par un arrêté du 20 février 2024, établi une servitude d'utilité publique pour le passage et l'entretien d'une canalisation publique d'assainissement sur la parcelle privée section A 116, située sur le territoire de la commune de Hierges, appartenant à Mme D... et M. A.... Par une ordonnance du 18 juillet 2024 contre laquelle la communauté de communes Ardenne Rives de Meuse et autre se pourvoient en cassation, la juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, sur la demande de Mme D... et M. A..., suspendu l'exécution de cet arrêté.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence s'apprécie objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

4. En estimant que la condition d'urgence était remplie en l'espèce au motif que, d'une part, les travaux de raccordement contestés présenteraient un caractère imminent et entraîneraient des conséquences difficilement réversibles pour les requérants du fait de la réalisation d'une tranchée et d'une opération d'essartage dans leur propriété et que, d'autre part, la communauté de communes ne justifierait pas de l'urgence à réaliser ces travaux alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui étaient soumis qu'un intérêt public fort s'attache à leur exécution afin de mettre fin au déversement permanent d'eaux usées sans traitement dans un ruisseau, la juge des référés a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la communauté de communes Ardenne Rives de Meuse et autre sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé et de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Eu égard, d'une part, à l'intérêt public qui s'attache à l'exécution immédiate des travaux contestés, qui permettront de mettre fin au rejet d'eaux usées dans le milieu naturel et compte tenu, d'autre part, du caractère limité des atteintes que ceux-ci porteront à la propriété des intéressés, la condition d'urgence requise par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme satisfaite en l'espèce.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme D... et M. A... ne sont pas fondés à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet des Ardennes du 20 février 2024.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... et de M. A... la somme de 3 000 euros à verser à la communauté de communes Ardenne Rives de Meuse et à la régie de l'eau et de l'assainissement Ardenne Rives de Meuse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la communauté de communes Ardenne Rives de Meuse et de la régie de l'eau et de l'assainissement Ardenne Rives de Meuse ainsi qu'à l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 18 juillet 2024 est annulée.

Article 2 : La demande de suspension de Mme D... et M. A... est rejetée.

Article 3 : Mme D... et M. A... verseront à la communauté de communes Ardenne Rives de Meuse et à la régie de l'eau et de l'assainissement Ardenne Rives de Meuse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme D... et M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la communauté de communes Ardenne rives de Meuse, à la régie de l'eau et de l'assainissement Ardenne Rives de Meuse, à Mme B... D..., à M. C... A..., à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et au ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 décembre 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. Jean-Baptiste Butlen, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 31 décembre 2024.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Baptiste Butlen

La secrétaire :

Signé : Mme Magalie Café


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 496611
Date de la décision : 31/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 déc. 2024, n° 496611
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste Butlen
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP LEDUC, VIGAND ; SARL THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:496611.20241231
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