Vu les procédures suivantes :
I. Sous le n° 492793, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mars et 1er décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Hydrauxois demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, les dispositions du a) du 1° ainsi que des a) et c) du 2° de l'article 1er du décret n° 2023-907 du 29 septembre 2023 modifiant la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités relevant de la police de l'eau annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, d'autre part, la décision du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires du 9 janvier 2024 rejetant son recours gracieux formé contre ce décret ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les dispositions qu'elle attaque :
- ont été prises au terme d'une procédure irrégulière du défaut de consultation préalable du conseil supérieur de la prévention des risques technologiques ;
- méconnaissent l'article L. 214-3 du code de l'environnement dès lors que le a) du 1° et le c) du 2° de l'article 1er du décret ont pour effet de soumettre à un simple régime déclaratif des travaux qui, eu égard aux risques qu'ils sont susceptibles de présenter pour la santé et la sécurité publiques ainsi que pour la ressource en eau, devraient être soumis à un régime d'autorisation comportant une procédure d'évaluation environnementale ;
- méconnaissent, par suite, le II de l'article L. 122-1 et l'article L. 123-2 du code de l'environnement ainsi que l'article 6 de la Charte de l'environnement et la convention d'Aarhus en ce qu'elles ont pour effet de dispenser d'enquête publique des projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine ;
- méconnaissent l'article L. 211-1 du code de l'environnement en ce qu'elles nuisent à la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau et contreviennent au principe de non régression ;
- méconnaissent le principe constitutionnel d'égalité en ce qu'elles établissent une différence de traitement entre des installations, ouvrages ou travaux identiques ;
- méconnaissent le 2° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement en ce qu'elles violent l'interdiction de destruction des ouvrages de retenue qu'il prescrit ;
- méconnaissent les dispositions du code du patrimoine relatives aux monuments ou sites protégés au titre des monuments historiques et du code de l'urbanisme relatives aux sites et secteurs à protéger.
II. Sous le n° 492795, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mars et 1er décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la fédération française des associations de sauvegarde des moulins (FFAM) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2023-907 du 29 septembre 2023 modifiant la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités relevant de la police de l'eau annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, d'autre part, la décision du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires du 9 janvier 2024 rejetant son recours gracieux formé contre ce décret ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le décret qu'elle attaque :
- a été pris au terme d'une procédure irrégulière du fait du défaut de consultation préalable du conseil supérieur de la prévention des risques technologiques ;
- méconnaît l'article L. 214-3 du code de l'environnement dès lors qu'il a pour effet de soumettre à un simple régime déclaratif des travaux qui, eu égard aux risques qu'ils sont susceptibles de présenter pour la santé et la sécurité publiques ainsi que pour la ressource en eau, devraient être soumis à un régime d'autorisation comportant une procédure d'évaluation environnementale ;
- méconnaît, par suite, le II de l'article L. 122-1 et l'article L. 123-2 du code de l'environnement ainsi que l'article 6 de la Charte de l'environnement et la convention d'Aarhus en ce qu'il a pour effet de dispenser d'enquête publique des projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine ;
- méconnaît l'article L. 211-1 du code de l'environnement en ce qu'il nuit à la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau et contrevient au principe de non régression ;
- méconnaît le principe d'égalité en ce qu'il établit une différence de traitement entre des installations, ouvrages ou travaux identiques ;
- méconnaît le 2° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement en ce qu'il viole l'interdiction de destruction des ouvrages de retenue prescrite par ces dispositions ;
- méconnaît les dispositions du code du patrimoine relatives aux monuments ou sites protégés au titre des monuments historiques et du code de l'urbanisme relatives aux sites et secteurs à protéger.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention signée à Aarhus le 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code du patrimoine ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Baptiste Butlen, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 décembre 2024, présentée par l'association Hydrauxois ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 décembre 2024, présentée par la fédération française des associations de sauvegarde des moulins (FFAM) ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même décret. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Par les présentes requêtes, l'association Hydrauxois et la fédération française des associations de sauvegarde des moulins demandent l'annulation du décret du 29 septembre 2023 modifiant la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités relevant de la police de l'eau annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement.
3. Aux termes de l'article 1er du décret attaqué : " Le tableau annexé à l'article R. 214-1 du code de l'environnement est ainsi modifié : / Après la rubrique 3.3.4.0. est insérée une rubrique 3.3.5.0. ainsi rédigée : / " 1° Arasement ou dérasement d'ouvrages relevant de la présente nomenclature, notamment de son titre III, lorsque : / " a) Ils sont implantés dans le lit mineur des cours d'eau, sauf s'il s'agit de barrages classés en application de l'article R. 214-112 ; / " b) Il s'agit d'ouvrages latéraux aux cours d'eau, sauf s'ils sont intégrés à un système d'endiguement, au sens de l'article R. 562-13, destiné à la protection d'une zone exposée au risque d'inondation et de submersion marine ; / " c) Il s'agit d'ouvrages ayant un impact sur l'écoulement de l'eau ou les milieux aquatiques autres que ceux mentionnés aux a et b, sauf s'ils sont intégrés à des aménagements hydrauliques, au sens de l'article R. 562-18, ayant pour vocation la diminution de l'exposition aux risques d'inondation et de submersion marine ; / " 2° Autres travaux : / " a) Déplacement du lit mineur pour améliorer la fonctionnalité du cours d'eau ou rétablissement de celui-ci dans son talweg ; / " b) Restauration de zones humides ou de marais ; / " c) Mise en dérivation ou suppression d'étangs ; / " d) Revégétalisation des berges ou reprofilage améliorant leurs fonctionnalités naturelles ; / " e) Reméandrage ou restauration d'une géométrie plus fonctionnelle du lit du cours d'eau ; / " f) Reconstitution du matelas alluvial du lit mineur du cours d'eau ; / " g) Remise à ciel ouvert de cours d'eau artificiellement couverts ; / " h) Restauration de zones naturelles d'expansion des crues. / " La présente rubrique est exclusive des autres rubriques de la nomenclature. Elle s'applique sans préjudice des obligations relatives à la remise en état du site et, s'il s'agit d'ouvrages de prévention des inondations et des submersions marines, à leur neutralisation, qui sont prévues par les articles L. 181-23, L. 214-3-1 et L. 562-8-1, ainsi que des prescriptions susceptibles d'être édictées pour leur application par l'autorité compétente. / " Ne sont pas soumis à la présente rubrique les travaux mentionnés ci-dessus n'atteignant pas les seuils rendant applicables les autres rubriques de la nomenclature ".
4. En premier lieu, il ne résulte d'aucune disposition ni d'aucun principe qu'un projet de décret fixant le régime des travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques, qui ne relèvent pas de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, doive être soumis pour avis au conseil supérieur de la prévention des risques technologiques à peine d'irrégularité de la procédure. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière, faute d'avoir été précédé d'une consultation de cet organisme, doit, par suite, être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 214-2 du code de l'environnement : " Les installations, ouvrages, travaux et activités visés à l'article L. 214-1 sont définis dans une nomenclature, établie par décret en Conseil d'Etat après avis du Comité national de l'eau, et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu'ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques compte tenu notamment de l'existence des zones et périmètres institués pour la protection de l'eau et des milieux aquatiques ". Et aux termes de l'article L. 214-3 du même code : " I.- Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles (...) / II.- Sont soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n'étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3. / Dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, l'autorité administrative peut s'opposer à l'opération projetée s'il apparaît qu'elle est incompatible avec les dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux ou du schéma d'aménagement et de gestion des eaux, ou porte aux intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 une atteinte d'une gravité telle qu'aucune prescription ne permettrait d'y remédier.
6. Il résulte des dispositions de l'article 1er du décret attaqué, d'une part, que la création, dans la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités ayant une incidence sur l'eau ou le fonctionnement des écosystèmes aquatiques, de la rubrique 3.3.5.0, qui regroupe les travaux ayant pour objet la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques et étant soumis à un régime de déclaration, vise à simplifier la procédure pour les projets favorables à la protection de ces milieux, au renouvellement de la biodiversité et au rétablissement de la continuité écologique dans les bassins hydrographiques, d'autre part, que le pouvoir réglementaire a exclu du champ de cette rubrique les travaux portant sur des ouvrages dont la modification ou la suppression pourrait être susceptible de présenter des dangers pour la sécurité publique ou d'accroître le risque d'inondation, tels que les barrages ou les digues. Dès lors, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les dispositions attaquées méconnaîtraient l'article L. 214-3 du code de l'environnement en ce qu'elles soumettraient à un régime de simple déclaration des travaux qui, eu égard aux risques qu'ils seraient susceptibles de présenter pour la santé et la sécurité publiques ainsi que pour la ressource en eau, relèveraient d'un régime d'autorisation. Elles ne sont, par suite, pas davantage fondées à soutenir que ces dispositions méconnaîtraient le II de l'article L. 122-1 et l'article L. 123-2 du code de l'environnement, les dispositions de la convention d'Aarhus ainsi que, en tout état de cause, l'article 6 de la Charte de l'environnement, en ce qu'elles auraient pour effet de dispenser d'enquête publique préalable des projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine.
7. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les requérantes ne sont pas non plus fondées à soutenir que les dispositions du décret attaqué méconnaîtraient l'article L. 210-1 du code de l'environnement en ce qu'elles contreviendraient à la gestion équilibrée de l'eau ni que celles-ci porteraient atteinte au principe de non-régression. Elles ne sont pas davantage fondées à soutenir que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité en ce qu'elles auraient pour effet de soumettre à des régimes d'autorisation différents des travaux présentant les mêmes risques pour la santé et l'environnement.
8. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les dispositions attaquées n'ont ni pour objet ni pour effet de méconnaître l'interdiction de destruction des ouvrages de retenue posée par le 2° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement ou les dispositions du code du patrimoine relatives aux monuments ou sites protégés au titre des monuments historiques ou celles du code de l'urbanisme relatives aux sites et secteurs à protéger.
9. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Hydrauxois et la fédération française des associations de sauvegarde des moulins ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret qu'elles attaquent. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les requêtes n° 492793 et n° 492795 sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Hydrauxois, à la fédération française des associations de sauvegarde des moulins, à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et au Premier ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 décembre 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. Jean-Baptiste Butlen, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 31 décembre 2024.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Baptiste Butlen
La secrétaire :
Signé : Mme Magalie Café