Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 499706 :
Par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 13, 16 et 20 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société " Cabinet 158 Croix-Nivert " demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision du 10 octobre 2024 par laquelle le conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes d'Ile-de-France a rejeté son recours administratif contre la décision implicite par laquelle le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Paris a refusé d'agréer les modifications de ses statuts qui lui ont été soumises le 6 juillet 2024 ;
2°) d'enjoindre au conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Paris d'agréer ces modifications et l'intégration en son sein des docteurs G... D... et I... J... en qualité d'associés professionnels exerçants et du docteur H... C... en qualité de collaborateur exerçant, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter du lendemain de la notification de l'ordonnance à intervenir ;
3°) de mettre à la charge du conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes d'Ile-de-France la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite car la décision contestée porte une atteinte grave et immédiate à ses intérêts, à ceux de ses associés, de ses salariés et de ses patients ; en effet, elle met en péril son projet médical visant à proposer une offre pluridisciplinaire en interdisant l'intégration de nouveaux professionnels exerçants ; elle la place dans une situation économique intenable qui va aboutir à la cessation complète de son activité, qui n'est pas viable si la société ne compte pas au moins 7 dentistes contre 5 actuellement ; des restrictions à l'intégration de nouveaux chirurgiens-dentistes libéraux en zone " non prioritaire " entrent en vigueur au 1er janvier 2025 dans le cadre de la convention avec l'assurance-maladie ; la décision porte une atteinte grave et immédiate à l'objectif d'intérêt général de préservation de la santé publique, notamment par l'arrêt des soins engagés et des prises en charge des patients ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- la décision contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'en méconnaissance des dispositions de l'article R. 4113-7 du code de la santé publique, le conseil régional de l'ordre ne l'a pas mise en demeure de se conformer aux dispositions légales et réglementaires ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, car l'article 121 de l'ordonnance du 8 février 2023 n'exige pas que les dirigeants d'une société de participation financière de professions libérales (SPFPL) exercent leur activité dans chacune des sociétés dans lesquelles la société détient des participations ; au demeurant, à supposer même que cette interprétation soit retenue, l'ordonnance laisse un délai d'un an pour se mettre en conformité ; de plus, les dispositions en cause devraient alors être regardées comme illégales comme méconnaissant le principe de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme ;
- un changement de circonstances est intervenu depuis la décision contestée dès lors que le docteur C... n'est plus associé mais collaborateur au sein de la SELAS et ne dispose plus, par conséquent, de deux lieux habituels d'exercice ; au demeurant, les conditions d'exercice du docteur C... sont des circonstances inopérantes pour agréer la prise de participation de la SPFPL dont il est le président.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2024, le conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes d'Ile-de-France conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société " Cabinet 158 Croix-Nivert " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée au conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Paris qui n'a pas produit d'observations.
2° Sous le n° 499726 :
Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16, 19 et 23 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société " Cabinet 12 Choron " demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la lettre du 30 septembre 2024 par laquelle le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes (CDOCD) de Paris l'a invitée à modifier ses statuts ;
2°) de suspendre l'exécution de la décision du 4 décembre 2024 par laquelle le même conseil départemental a refusé toute demande d'intégration de nouveaux praticiens au sein des sociétés d'exercice libéral dans lesquelles la société Eurodonti France détient des participations tant que cette dernière ne s'est pas mise en conformité avec l'article 121 de l'ordonnance du 8 février 2023 et a refusé l'intégration des docteurs K... L..., M...-N... O..., en qualité d'associés professionnels exerçants, et du docteur E... B..., en qualité de collaboratrice exerçante ;
3°) d'enjoindre au CDOCD de Paris d'enregistrer à titre provisoire l'intégration des docteurs K... L... et M...-N... O..., en qualité d'associés professionnels exerçants, et du docteur E... B..., en qualité de collaboratrice exerçante, à compter des dates de début d'exercice prévues dans leurs conventions respectives, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du CDOCD de Paris la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ses conclusions visant à la suspension de la décision du 4 décembre 2024, qui comporte l'énoncé d'une position de principe des autorités ordinales, consistant à refuser l'intégration de nouveaux associés ou collaborateurs au sein du cabinet faute pour elle de revenir sur l'entrée à son capital de la SPFPL Eurodonti France, sont recevables ;
- la condition d'urgence est satisfaite car les décisions contestées portent une atteinte grave et immédiate à ses intérêts, à ceux de ses associés, de ses salariés et de ses patients ; en effet, elles mettent en péril son projet médical visant à proposer une offre pluridisciplinaire en interdisant l'intégration de nouveaux professionnels exerçants ; elles la placent dans une situation économique intenable qui va aboutir à la cessation complète de son activité, qui n'est pas viable si la société ne compte pas au moins 8 dentistes contre 5 actuellement ; des restrictions à l'intégration de nouveaux chirurgiens-dentistes libéraux en zone " non prioritaire " entrent en vigueur au 1er janvier 2025 dans le cadre de la convention avec l'assurance-maladie ; la décision porte une atteinte grave et immédiate à l'objectif d'intérêt général de préservation de la santé publique, notamment par l'arrêt des soins engagés et des prises en charge des patients ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;
- les décisions contestées sont entachées d'une erreur de droit, car l'article 121 de l'ordonnance du 8 février 2023 n'exige pas que les dirigeants d'une SPFPL exercent leur activité dans chacune des sociétés dans lesquelles la société détient des participations ; au demeurant, à supposer même que cette interprétation soit retenue, les dispositions en cause devraient être regardées comme illégales comme méconnaissant le principe de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2024, le CDOCD de Paris conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société " Cabinet 12 Choron " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la société requérante n'est pas recevable à demander la suspension de la décision du 4 décembre 2024, qui concerne une autre société, que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
3° Sous le n° 499728 :
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 et 19 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société " Cabinet 10 Prague " demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la lettre du 30 septembre 2024 par laquelle le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Paris l'a invitée à modifier ses statuts ;
2°) de suspendre l'exécution de la décision du 4 décembre 2024 par laquelle le même conseil départemental a refusé toute demande d'intégration de nouveaux praticiens au sein des sociétés d'exercice libéral dans lesquelles la société Eurodonti France détient des participations tant que cette dernière ne s'est pas mise en conformité avec l'article 121 de l'ordonnance du 8 février 2023 et a refusé l'intégration des docteurs P... Q..., R... S..., T... U... V..., W... X... et Y... Z..., en qualité d'associés professionnels exerçants, ainsi que de la docteur A... F..., en qualité de collaboratrice exerçante ;
3°) d'enjoindre au CDOCD de Paris d'enregistrer à titre provisoire l'intégration des docteurs P... Q..., R... S..., T... U... V..., W... X... et Y... Z..., en qualité d'associés professionnels exerçants, ainsi que de la docteur A... F..., en qualité de collaboratrice exerçante, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du CDOCD de Paris la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite car les décisions contestées portent une atteinte grave et immédiate à ses intérêts, à ceux de ses associés, de ses salariés et de ses patients ; en effet, elles mettent en péril son projet médical visant à proposer une offre pluridisciplinaire en interdisant l'intégration de nouveaux professionnels exerçants ; elles la placent dans une situation économique intenable qui va aboutir à la cessation complète de son activité, qui n'est pas viable si la société ne compte pas au moins 8 dentistes contre 2 actuellement ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- les décisions contestées sont entachées d'une erreur de droit, car l'article 121 de l'ordonnance du 8 février 2023 n'exige pas que les dirigeants d'une SPFPL exercent leur activité dans chacune des sociétés dans lesquelles la société détient des participations ; au demeurant, à supposer même que cette interprétation soit retenue, les dispositions en cause devraient être regardées comme illégales comme méconnaissant le principe de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2024, le CDOCD de Paris conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société " Cabinet 10 Prague " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;
- la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 ;
- l'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, les sociétés " Cabinet 158 Croix-Nivert ", " Cabinet 12 Choron " et " Cabinet 10 Prague ", et d'autre part, le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Paris et le conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes d'Ile-de-France ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 23 décembre 2024, à 15 heures :
- Maître Maman, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des sociétés " Cabinet 158 Croix-Nivert ", " Cabinet 12 Choron " et " Cabinet 10 Prague " ;
- les représentants des sociétés " Cabinet 158 Croix-Nivert ", " Cabinet 12 Choron " et " Cabinet 10 Prague " ;
- Maître Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Paris et du conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes d'Ile-de-France ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 24 décembre 2024 à 11 heures, puis 12 heures ;
Par un nouveau mémoire, enregistré le 24 décembre 2024, le CDOCD de Paris confirme la proposition de conciliation que son conseil a présentée lors de l'audience, et qui a été acceptée par les sociétés requérantes, consistant dans l'engagement de régulariser, avant le 31 décembre 2024, la situation des douze professionnels mentionnés dans les écritures des sociétés requérantes.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. "
Sur le cadre des litiges :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 4112-3 du code de la santé publique : " Le conseil départemental de l'ordre statue sur la demande d'inscription au tableau dans un délai maximum de trois mois à compter de la réception de la demande, accompagnée d'un dossier complet. " Aux termes du premier alinéa de l'article L. 4112-4 de ce code : " Les décisions du conseil départemental rendues sur les demandes d'inscription au tableau peuvent être frappées d'appel devant le conseil régional, par (...) le chirurgien-dentiste (...) demandeur, s'il s'agit d'un refus d'inscription (...). A l'expiration du délai imparti pour statuer au conseil départemental, le silence gardé par celui-ci constitue une décision implicite de rejet susceptible de recours. " Aux termes de l'article R. 4112-5 du même code : " (...) Les notifications de la décision du conseil [régional], prévues au deuxième alinéa de l'article L. 4112-4, (...) mentionnent que le recours doit être porté devant le conseil national de l'ordre dans un délai de trente jours. (...) " Aux termes de l'article R. 4112-5-1 du même code : " Le recours devant le conseil national n'a pas d'effet suspensif. / Sous réserve des dispositions qui suivent, les dispositions de l'article R. 4112-5 sont applicables devant le conseil national. / (...) La notification mentionne que la décision est susceptible de recours devant le Conseil d'Etat dans le délai de deux mois. / (...) " Aux termes, enfin, de l'article R. 4113-4 : " La société est constituée sous la condition suspensive de son inscription au tableau de l'ordre. / La demande d'inscription de la société d'exercice libéral est présentée collectivement par les associés et adressée au conseil départemental de l'ordre du siège de la société par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, accompagnée, sous peine d'irrecevabilité, des pièces suivantes : / 1° Un exemplaire des statuts (...) / 4° Une attestation des associés indiquant : / a) La nature et l'évaluation distincte de chacun des apports effectués par les associés ; / b) Le montant du capital social, le nombre, le montant nominal et la répartition des parts sociales ou actions représentatives de ce capital ; / (...) L'inscription ne peut être refusée que si les statuts ne sont pas conformes aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Elle peut également être refusée dans le cas prévu à l'article L. 4113-11. / Toute modification des statuts et des éléments figurant au 4° ci-dessus est transmise au conseil départemental de l'ordre dans les formes mentionnées au présent article. "
3. Il résulte de ces dispositions que le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes, qui doit refuser l'inscription au tableau d'une société d'exercice libéral de chirurgiens-dentistes dont les statuts ne seraient pas conformes aux dispositions législatives et réglementaires, doit procéder au même examen lorsque lui est transmise une modification des statuts d'une société inscrite au tableau de l'ordre. S'il estime que cette modification n'est pas conforme aux dispositions législatives et réglementaires, il lui appartient de mettre en demeure la société de se conformer à ces dispositions et, si elle ne le fait pas, de la radier du tableau. Par suite, la décision par laquelle un conseil départemental de l'ordre se prononce sur la conformité d'une modification des statuts d'une société d'exercice libéral aux dispositions législatives et réglementaires a la nature d'une décision prise pour l'inscription au tableau.
4. Par ailleurs, il résulte des dispositions des articles L. 4112-4, R. 4112-5 et R. 4112-5-1 du code de la santé publique, d'une part, qu'un refus d'inscription au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes décidé par un conseil départemental de cet ordre doit, préalablement à l'exercice d'un recours contentieux, faire l'objet d'un recours administratif devant le conseil régional puis, au besoin, devant le conseil national et, d'autre part, qu'un recours pour excès de pouvoir contre la décision du conseil national relève de la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d'Etat. Dès lors, le Conseil d'Etat peut être saisi, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce que l'exécution du refus d'inscription soit suspendue, alors même qu'il n'aurait pas encore été statué sur le recours administratif, sous réserve que le conseil régional soit saisi d'un tel recours, ou, s'il a statué, que sa décision ait été contestée devant le Conseil national. Lorsqu'intervient la décision du Conseil national, il appartient au requérant de présenter contre cette dernière décision, d'une part de nouvelles conclusions tendant à sa suspension, d'autre part une requête tendant à son annulation.
5. De première part, il résulte de l'instruction que la société d'exercice libéral par actions simplifiées (SELAS) " Cabinet 158 Croix-Nivert " a transmis au conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes (CDOCD) de Paris, le 6 juin 2024, deux décisions modificatives de ses statuts visant, l'une à permettre l'entrée dans son capital de la société de participations financières de professions libérales (SPFPL) Eurodonti France, l'autre à admettre parmi ses associés la docteur G... D.... Elle a formé, contre les décisions implicites rejetant ses demandes d'approbation de ces modifications statutaires, deux recours devant le conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes (CROCD) d'Ile-de-France, qui ont été rejetés par une décision du 17 octobre 2024. Alors que le recours qu'elle a formé devant le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes à l'encontre de cette décision est en cours d'examen, elle demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cette décision.
6. De deuxième part, il résulte de l'instruction que la SELAS " Cabinet 12 Choron " a transmis au CDOCD de Paris, le 11 septembre 2024, un exemplaire à jour de ses statuts ainsi que l'état de la composition de son capital social. Par un courrier du 30 septembre 2024, le CDOCD l'a mise en demeure de modifier ses statuts afin de revenir sur l'entrée à son capital social de la SPFPL Eurodonti France, sauf pour cette dernière société à se conformer aux dispositions de l'article 121 de l'ordonnance du 8 février 2023 visée ci-dessus. Alors que le recours qu'elle a formé, à l'encontre de cette décision, devant le CROCD d'Ile-de-France est en cours d'examen, elle demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cette décision ainsi que de la prise de position du CDOCD, révélée, selon elle, par un courriel du 4 décembre 2024 adressé à la SELAS " Cabinet 10 Prague", de s'opposer à l'entrée de nouveaux associés ou collaborateurs tant qu'il n'aura pas été déféré à sa mise en demeure.
7. De troisième part, il résulte de l'instruction que la SELAS " Cabinet 10 Prague " a transmis au CDOCD de Paris, le 11 septembre 2024, un exemplaire à jour de ses statuts ainsi que l'état de la composition de son capital social. Par un courrier du 30 septembre 2024, le CDOCD l'a mise en demeure de modifier ses statuts afin de revenir sur l'entrée à son capital social de la SPFPL Eurodonti France, sauf pour cette dernière société à se conformer aux dispositions de l'article 121 de l'ordonnance du 8 février 2023 visée ci-dessus. Par une décision du 4 décembre 2024, le même conseil départemental a refusé l'intégration de plusieurs chirurgiens-dentistes au sein du cabinet, soit comme associés professionnels exerçants, soit comme collaborateur. Alors que le recours qu'elle a formé, à l'encontre de ces décisions, devant le CROCD d'Ile-de-France est en cours d'examen, elle demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'en suspendre l'exécution.
8. Les requêtes en référé des SELAS " Cabinet 158 Croix-Nivert ", " Cabinet 12 Choron " et " Cabinet 10 Prague " présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance.
Sur l'existence d'un moyen sérieux :
9. Aux termes de l'article 121 de l'ordonnance du 8 février 2023 relative à l'exercice en société des professions libérales réglementées visée ci-dessus : " Le président et les dirigeants des sociétés par actions simplifiées sont des professionnels exerçants réalisant leur activité au sein de la société dans lesquelles la société de participations financières de professions libérales détient des participations. " Cette disposition, entrée en vigueur au 1er septembre 2024, ainsi que l'énonce l'article 134 de la même ordonnance, doit s'entendre, ainsi qu'il résulte notamment d'une comparaison de ses termes avec ceux des articles 119, 120 et 122 relatifs aux SPFPL constituées respectivement sous forme de société à responsabilité limitée, de société anonyme et de société en commandite par actions, comme signifiant que le président et les dirigeants des sociétés par actions simplifiées sont des professionnels exerçants réalisant leur activité au sein de la ou des sociétés dans lesquelles la SPFPL détient des participations, et n'impose donc pas que ces professionnels exercent dans chacune de ces sociétés, contrairement à ce qu'ont retenu, pour fonder les décisions litigieuses, le CDOCD de Paris et le CROCD d'Ile-de-France. L'interprétation des dispositions citées ci-dessus donnée par les instances ordinales se heurte, au demeurant, à la considération selon laquelle les SPFPL peuvent, ainsi qu'il résulte des termes mêmes de l'article 110 de l'ordonnance, prendre des participations dans des sociétés ayant pour objet l'exercice de professions libérales différentes. Il suit de là que le moyen pris de ces instances ont fait une application erronée de l'article 121 de l'ordonnance du 8 février 2023 doit être regardé comme propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de ces décisions.
Sur l'urgence :
10. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
11. La décision du CROCD d'Ile-de-France, en tant qu'elle refuse d'agréer l'entrée de la SPFPL Eurodonti France au capital de la SELAS " Cabinet 158 Croix-Nivert ", et les décisions du CDOCD de Paris mettant en demeure les SELAS " Cabinet 12 Choron " et " Cabinet 10 Prague " de revenir sur l'entrée à leur capital de cette société dans un délai de douze mois, ne sont pas assimilables à un refus d'inscription au tableau ou à une radiation de celui-ci. Elles n'entraînent, par elles-mêmes, ni l'interruption de l'activité de ces cabinets et des praticiens exerçant en leur sein, ni celle des soins qui y sont dispensés.
12. S'il résulte de l'instruction, d'une part, que les décisions mentionnées au point 11 ont pour conséquence le refus du CDOCD d'agréer toute nouvelle modification des statuts ce qui entraîne l'impossibilité pour les SELAS concernées, d'accueillir de nouveaux associés et, d'autre part, que cette situation est susceptible de décourager les chirurgiens-dentistes qui envisageraient de collaborer avec le cabinet dans le cadre d'un contrat d'exercice professionnel, ceux-ci pouvant légitimement craindre que le CDOCD, qui reçoit communication de ces contrats en application de l'article L. 4113-9 du CSP, n'engage à leur égard, à défaut de disposer d'un pouvoir d'homologation, des poursuites disciplinaires, il résulte des échanges conduits lors de l'audience publique, et du mémoire produit par le CDOCD de Paris postérieurement à celle-ci, que le conseil départemental de l'ordre prend l'engagement, accepté par les sociétés requérantes, de régulariser, avant le 31 décembre 2024, la situation des douze professionnels collaborant, chacun selon son statut, au sein de ces sociétés et mentionnés dans leurs écritures ainsi que dans le mémoire qui vient d'être analysé. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de considérer que la condition d'urgence posée par les dispositions rappelées ci-dessus de l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas remplie.
13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, les requêtes des sociétés " Cabinet 158 Croix-Nivert ", " Cabinet 12 Choron " et " Cabinet 10 Prague " doivent être rejetées, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dernières dispositions et de mettre à la charge des sociétés requérantes les sommes que demandent, à ce titre, le CROCD d'Ile-de-France et le CDOCD de Paris.
O R D O N N E :
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Article 1er : Compte tenu de ce qui a été dit au point 12, les requêtes des sociétés " Cabinet 158 Croix-Nivert ", " Cabinet 12 Choron " et " Cabinet 10 Prague " sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Paris et du conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes d'Ile-de-France tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée aux sociétés " Cabinet 158 Croix-Nivert ", " Cabinet 12 Choron " et " Cabinet 10 Prague ", au conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Paris et au conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes d'Ile-de-France.
Copie pour information en sera adressée au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Fait à Paris, le 24 décembre 2024
Signé : Alain Seban