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29/11/2024 | FRANCE | N°498797

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 29 novembre 2024, 498797


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 8, 20 et 21 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société d'exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) Cabinet dentaire Bellevue demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de la décision du 14 octobre 2024 par laquelle le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-denti

stes du Gard a corrigé sa décision en date du 2 septembre 2024 ayant procédé à l'en...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 8, 20 et 21 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société d'exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) Cabinet dentaire Bellevue demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 14 octobre 2024 par laquelle le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes du Gard a corrigé sa décision en date du 2 septembre 2024 ayant procédé à l'enregistrement au tableau de cet ordre de l'intégration de la SPFPL Eurondonti dans son capital ;

2°) d'enjoindre au conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes du Gard de la réinscrire au tableau de cet ordre et d'y inscrire provisoirement la nouvelle répartition de son capital social, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes du Gard la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que le refus d'enregistrement de sa modification statutaire au tableau de l'ordre, ayant pour effet de la radier, porte une atteinte grave et immédiate à ses intérêts, à ceux de ses associés, de ses salariés et de ses patients ainsi qu'à l'objectif d'intérêt général de préservation de la santé publique lié à la continuité des soins ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la circonstance que le dirigeant de la SPFPL Eurodonti France n'exerce pas au sein du cabinet dentaire Bellevue, mais dans un cabinet situé dans les Hauts-de-Seine, rend le CDOCD 92 seul compétent pour apprécier le refus d'inscription de la société en question, en application de l'article 121 de l'ordonnance précitée ;

- le retrait de la décision du 2 septembre 2024, devant être pris dans les mêmes formes qu'une décision de refus d'inscription, a été pris au terme d'une procédure irrégulière, à défaut de l'avoir mis en demeure de présenter ses observations ;

- la décision est entachée d'illégalité dès lors que, d'une part, la non-communication de la modification statutaire ne peut constituer un motif de refus d'inscription puisqu'il n'est pas visé à l'article R. 4113-4 du code de la santé publique et que, d'autre part, elle a respecté le délai de communication imposé par les textes ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit en ce que le retrait de la décision d'inscription ne serait légal que si la décision d'inscription était elle-même illégale, en vertu de l'article L. 4112-1 du code de santé publique ;

- cette décision de retrait est fondée sur une disposition illégale dès lors que l'article 121 de l'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 ne répond pas à l'objectif d'intelligibilité de la norme ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'interprétation de l'article 121 de l'ordonnance du 8 février 2023 en ce que la volonté du gouvernement n'était pas d'exiger que le président et les dirigeants des SELAS soient des professionnels exerçant leur activité au sein de l'une des sociétés dans lesquelles ces sociétés détiennent des participations ;

- le motif de retrait de la décision est erroné en ce que les conditions d'inscription au tableau doivent être appréciées à l'égard de la seule société d'exercice qui la requiert, et non à l'égard de ses associés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2024, le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes du Gard (CDOCD) conclut, d'une part, au rejet de la requête et, d'autre part, à ce qu'il soit mis à la charge de la SELAS Cabinet dentaire Bellevue la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la SELAS Cabinet dentaire Bellevue et, d'autre part, le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes du Gard ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 21 novembre 2024, à 15 heures :

- Me Maman, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la SELAS Cabinet dentaire Bellevue ;

- le représentant de la SPFPL " Eurodonti France " ;

- Me Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes du Gard ;

- le représentant du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes du Gard ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 21 novembre 2024 à 18 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;- la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante

- l'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. La société d'exercice libéral (SELAS) Bellevue a été inscrite au tableau du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes du Gard le 17 avril 2023. Conformément à l'obligation posée par l'article R. 4113-4 du code de la santé publique, elle a transmis à ce conseil départemental une modification de l'article 8-1 de ses statuts le 30 mai 2024, entérinant la cession de 250 de ses parts à la société de participations financières de professions libérales (SPFPL) Eurodonti France. Après avoir, dans un premier temps, accepté d'enregistrer cette modification par une décision du 2 septembre 2024, le conseil départemental, considérant que la modification litigieuse était contraire à l'article 121 de l'ordonnance du 8 février 2023 relative à l'exercice en sociétés des professions libérales réglementées, qui dispose que " Le président et les dirigeants des sociétés par actions simplifiées sont des professionnels exerçants réalisant leur activité au sein de la société dans lesquelles la société de participations financières de professions libérales détient des participations. " a retiré sa décision le 14 octobre 2024, et invité, par cette même décision, la SELAS Bellevue à mettre ses statuts en conformité avec cette disposition.

3. Si la SELAS Bellevue soutient que la décision attaquée est assimilable, par sa portée, à une refus d'inscription au tableau ou à une radiation de celui-ci, il résulte de ses termes mêmes qu'elle a le caractère d'une mise en demeure adressée à la SELAS Bellevue, lui enjoignant de renoncer à la vente d'une participation dans son capital à la SPFPL Eurodonti et de procéder à la modification subséquente de ses statuts, afin d'assurer leur conformité avec les textes applicables, tels qu'interprétés par le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes. Elle n'entraîne, par elle-même, ni l'interruption de l'activité de ce cabinet et des praticiens exerçant en son sein, ni celle des soins qui y sont dispensés. Il résulte en outre de l'instruction, et notamment de l'audience, d'une part, que la SELAS Bellevue poursuit son activité, et d'autre part, que le conseil départemental, qui ne lui a pas fixé de délai pour effectuer ces modifications, entend lui laisser un délai suffisant pour le faire, sans procéder, dans l'immédiat, à sa radiation du tableau de l'ordre. Par suite, et dans les circonstances de l'espèce, la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'apparaît pas remplie.

4. Il résulte de ce qui précède que la requête de la SELAS Bellevue doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes du Gard sur le fondement de ces mêmes dispositions.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la SELAS Cabinet dentaire Bellevue est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes du Gard sur le fondement de ces mêmes dispositions sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SELAS Cabinet dentaire Bellevue et au conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes du Gard.

Fait à Paris, le 29 novembre 2024

Signé : Cyril Roger-Lacan


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 498797
Date de la décision : 29/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 nov. 2024, n° 498797
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP BOUCARD-CAPRON-MAMAN ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:498797.20241129
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