Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision du 28 mai 2024 par laquelle le Président de la République a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an assortie d'un sursis de trois mois, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'exécution de la décision contestée a pour effet, en premier lieu, de le priver de son emploi et de sa rémunération de manière immédiate et de bouleverser gravement ses conditions d'existence, en deuxième lieu, d'attenter gravement à sa carrière et, en dernier lieu, de le placer dans un état de détresse psychique ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure dès lors que si son droit de se taire lui a été notifié lors de son audition par le conseil de discipline, il ne l'a pas été à l'occasion de l'enquête administrative qui a été conduite avant l'engagement de la procédure disciplinaire ;
- les faits sur lesquels cette sanction est fondée ne sont pas matériellement établis dès lors que son intrusion dans la chambre de sa subordonnée, qui résultait de sa myopie et de l'absence de fermeture correcte de la chambre de celle-ci, n'était pas délibérée, qu'il ne s'est en rien opposé aux solutions proposées Mme C... pour régler la situation, que le fait qu'elle ait dû passer la nuit hors de sa chambre procède d'un malentendu et que sont démentis par le rapport rédigé par l'inspection générale de l'administration les motifs de la décision selon lesquels il n'aurait pas cherché à s'excuser, il se serait contenté de lui demander de tenir l'incident sous silence et il n'aurait pas tenu au courant sa hiérarchie ;
- la décision qualifie inexactement de fautif son comportement ;
- à supposer que son comportement soit fautif, la sanction retenue revêt un caractère disproportionné au regard de celle suggérée par les conclusions du rapport de l'inspection générale de l'administration et compte tenu tant des conséquences défavorables qu'il a déjà subies à la suite de cet évènement que du caractère exemplaire de son parcours professionnel au service de l'Etat.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le code général de la fonction publique ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Par décret du 28 mai 2024, le Président de la République a prononcé à l'égard de M. A... B..., administrateur de l'Etat, la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an assortie d'un sursis de trois mois. Celui-ci demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cette décision, laquelle a été mise en œuvre à compter du 1er novembre 2024.
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'un rapport d'enquête établi par l'inspection générale de l'administration, et n'est pas sérieusement contesté, qu'ainsi que le relève la décision attaquée, l'intéressé, alors directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises a, au cours de la nuit du 28 au 29 juin 2023, lors du déplacement de personnels de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises à l'École nationale supérieure des sapeurs-pompiers d'Aix-en-Provence, pour le séminaire des directeurs des services d'incendie et de secours et le baptême des promotions des officiers, pénétré nu dans la chambre d'une subordonnée pendant qu'elle dormait en indiquant s'être égaré dans le couloir sans son badge après que la porte de sa propre chambre s'était refermée derrière lui, qu'il s'est installé dans le fauteuil de cette chambre, seulement couvert d'une serviette que sa collaboratrice lui avait tendue, sans chercher à quitter les lieux, que sa collaboratrice est sortie de sa chambre et a dû passer une partie de la nuit hors de celle-ci pour n'y revenir qu'au matin, trouvant M. B... endormi dans son lit, et qu'au cours de la journée qui a suivi, ce dernier n'a pas cherché à lui présenter des excuses ni ne s'est inquiété de l'impact qu'avaient pu avoir sur elle les événements de la nuit, lui demandant seulement de ne pas ébruiter les faits et sans prendre lui-même l'initiative d'informer sa hiérarchie de ces évènements.
4. En premier lieu, si les exigences découlant de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 impliquent qu'un agent public faisant l'objet d'une procédure disciplinaire ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu'il soit préalablement informé du droit qu'il a de se taire et qu'il doit, à ce titre, être avisé, avant d'être entendu pour la première fois, qu'il dispose de ce droit pour l'ensemble de la procédure disciplinaire, le droit de se taire ne s'applique en revanche ni aux échanges ordinaires avec les agents dans le cadre de l'exercice du pouvoir hiérarchique, ni aux enquêtes et inspections diligentées par l'autorité hiérarchique et par les services d'inspection ou de contrôle, quand bien même ceux-ci sont susceptibles de révéler des manquements commis par un agent. Il en résulte que ne peut être regardé comme de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée le moyen tiré de ce qu'elle aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière en raison de que M. B... n'a été informé de son droit de se taire que lors de son audition devant le conseil de discipline et non au cours de l'enquête administrative ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire dont il a fait l'objet.
5. En second lieu, les moyens tirés, d'une part, de l'inexactitude matérielle des faits rappelés au point 3 et, d'autre part, de ce que la décision attaquée aurait inexactement qualifié le comportement de M. B... en le regardant, en l'absence même de toute intention malveillante à l'égard de sa collaboratrice, comme traduisant un grave défaut de discernement ainsi qu'un manquement à son devoir de protection de ses subordonnés, d'exemplarité, de dignité et de loyauté et, par suite, comme constitutif d'une faute justifiant une sanction disciplinaire ne sont manifestement pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée. Il en va de même du moyen tiré de ce que la sanction de suspension d'un an, dont trois mois avec sursis, retenue par la décision serait disproportionnée au regard de ces mêmes faits.
6. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le respect de la condition d'urgence, la requête de M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.
Fait à Paris, le 23 décembre 2024
Signé : Pierre Collin