Vu la procédure suivante :
M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations de taxe d'habitation à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2022 à raison de deux biens immobiliers situés à Cast (Finistère).
Par un jugement n° 2300729 du 29 décembre 2023, ce tribunal a fait droit à leur demande.
Par un pourvoi, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Prévot, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. et Mme A... sont propriétaires d'un ensemble immobilier à Cast (Finistère) comprenant notamment trois gîtes classés en meublés de tourisme qu'ils proposent à la location pour de courtes durées, notamment par l'intermédiaire de sites de location en ligne. Considérant qu'ils en avaient la disposition au 1er janvier de l'année 2022, l'administration fiscale les a assujettis, à raison de deux de ces gîtes, à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires au titre de cette année. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre le jugement du 29 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes, faisant droit à la demande de M. et Mme A..., les a déchargés des cotisations de taxe d'habitation correspondantes.
2. Aux termes de l'article 1407 du code général des impôts : " I. La taxe d'habitation est due : / 1º Pour tous les locaux meublés affectés à l'habitation (...) ". Aux termes de l'article 1408 de ce code : " I. La taxe est établie au nom des personnes qui ont, à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance des locaux imposables (...) ". Aux termes de l'article 1415 du même code : " La taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la taxe d'habitation sont établies pour l'année entière d'après les faits existants au 1er janvier de l'année de l'imposition ". Il résulte de ces dispositions qu'est en principe redevable de la taxe d'habitation le locataire d'un local imposable au 1er janvier de l'année d'imposition. Toutefois, par dérogation à ce principe, lorsqu'un logement meublé fait l'objet de locations saisonnières ou de courte durée, le propriétaire du bien est redevable de la taxe d'habitation dès lors qu'au 1er janvier de l'année de l'imposition, il peut être regardé comme entendant en conserver la disposition ou la jouissance une partie de l'année.
3. Pour prononcer la décharge des impositions contestées, le tribunal administratif de Rennes a relevé que les requérants donnaient de façon répétée les gîtes en cause en location saisonnière, notamment par l'intermédiaire de plateformes en ligne, conduisant à des taux d'occupation globaux de ces gîtes, sous cette forme, d'une grande importance, ce dont il a déduit que M. et Mme A... ne pouvaient être regardés comme ayant entendu, au 1er janvier 2022, se réserver la disposition ou la jouissance de ces gîtes une partie de l'année. En statuant ainsi, alors que de telles circonstances, caractérisées notamment par la latitude dont disposent les propriétaires d'accepter ou de refuser à leur gré au cours des différentes parties de l'année les propositions de courts séjours qui leur sont faites en réponse à leurs annonces, sont à l'inverse de nature à établir, ainsi qu'il est dit au point 2, qu'ils ont entendu dès le début de l'année conserver la disposition ou la jouissance de leurs biens, le tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il résulte de l'instruction que les modalités de mise en location de courte durée retenues dès le tout début de l'année 2022 par M. et Mme A... pour les gîtes dont ils sont propriétaires, que ce soit directement ou par l'intermédiaire de plateformes de réservation, qui les laissaient libres d'accepter ou de refuser les propositions qui leur étaient faites au cours de l'année, leur permettaient par là-même de conserver la disposition ou la jouissance de ces biens au cours de l'année.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort qu'ils ont été assujettis à la taxe d'habitation au titre de l'année 2022 à raison des deux logements meublés en cause et à demander la décharge de l'imposition correspondante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 29 décembre 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. et Mme A... tendant à la décharge des cotisations de taxe d'habitation à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2022 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics et à M. C... A... et Mme B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 11 décembre 2024 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, président de chambre, présidant ; M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat et Mme Marie Prévot, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 23 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Thomas Andrieu
La rapporteure :
Signé : Mme Marie Prévot
Le secrétaire :
Signé : M. Aurélien Engasser